Aujourd’hui, 800 millions de personnes n’ont pas accès à l’eau potable. Comment y remédier ? C’est l’une des questions à laquelle les participants du 6e Forum mondial de l’eau qui a eu lieu début mars à Marseille ont tenté de répondre : le village des solutions, dans lequel une des tentes regroupe des entrepreneurs sociaux et des ingénieurs présentant des solutions innovantes pour le transport, l’assainissement ou le captage de l’eau, présentait des innovations techniques pour faciliter l’accès à l’eau. Nous avons fait un tour d’horizon et avons regroupé ici des solutions favorisant cet accès à l’eau.
Une méthode de désinfection solaire de l’eau
Aussi étonnant que cela puisse paraître, il suffit de remplir une bouteille d’eau non traitée (de 3 litres au maximum), et de la laisser au soleil. « En 6 heures, les rayons UV nettoient l’eau des principales bactéries comme celle du choléra », explique Martina Podeprel de la société Sodis.
Cette entrepreneuse sociale autrichienne profite du Forum mondial de l’eau pour présenter un complément à la méthode de désinfection solaire: un petit appareil qui indique le temps d’attente avant la désinfection totale de l’eau de la bouteille. Il s’agit d’un petit boîtier à placer sur le bouchon. « Quand il y a du soleil, le temps d’attente pour la désinfection est de 6h, mais il peut aller jusqu’à 48h si le temps est nuageux ».
Cette méthode gratuite permet de se débarrasser des bactéries, virus et parasites présents dans les eaux, et qui font des ravages : 3,6 millions de personnes meurent chaque année à cause de l’insalubrité de l’eau qu’ils consomment.
Inventée dans les années 1980 par un ingénieur libanais, la méthode de désinfection solaire a été perfectionnée par un centre de recherche suisse qui l’a popularisée dans les pays pauvres du monde entier.
« Aujourd’hui, la méthode est utilisée dans 23 pays et par des ONG », note Martina Podeprel. Pour perfectionner le système, son entreprise a mis en place ce minuteur, encore à l’état de prototype. Il coûte actuellement 10 dollars américains, mais le coût pourrait baisser. « Il faut diffuser cette méthode ! Elle est gratuite… On a juste besoin de soleil », rappelle Martina.
Faire rouler l’eau pour la transporter
Dans de nombreux pays où l’accès à l’eau est difficile, femmes et enfants doivent parfois parcourir plusieurs kilomètres, plusieurs fois par jour, un seau d’eau sur la tête. Le transport de ces litres d’eau au quotidien comporte des risques sur la santé. Deux Sud-Africains ont ainsi développé, en 1991, un concept de « rouleau à eau »: le Hippo Water Roller.
L’idée est simple: avec une capacité de 90 litres, le Hippo Water Roller permet aux femmes et enfants de transporter jusqu’à quatre fois la quantité d’un seau d’eau sans difficulté, en le faisant rouler. Le concept est déjà utilisé dans près de 17 pays d’Afrique, profitant directement à plus de 250.000 personnes. Face à la demande, plusieurs implantations locales sont également en projet.
Vivre de l’eau des pluies
Les meilleures solutions sont souvent les plus simples. La preuve, au Vénézuela, avec un système de récupération des eaux des pluies. Expérimenté dans la région semi-aride de l’Etat de Lara depuis 2007, cette alternative vise à créer une provision d’eau potable pour les communautés rurales et pauvres de cet état.
L’eau est interceptée et récupérée depuis le toit, pour éviter toute pollution, et ensuite stockée dans des réservoirs, qui permettent une meilleure gestion. De plus, les maladies sont réduites et l’agriculture facilitée.
Créer de l’eau à partir de l’air
Plus innovant mais encore expérimental, le Aquaplenty ou « l’eau venue des airs » ! L’entreprise néerlandaise H2OnSite B.V. a développé l’idée de créer de l’eau fraîche et potable en utilisant uniquement l’humidité de l’air. Conçu comme une éolienne, le dispositif n’a besoin que de vent et peut produire jusqu’à 1000 litres d’eau potable par jour, même en plein désert. Les premiers tests sur le terrain sont prévus au printemps.
Sur le site solutionsforwater, des membres d’ONG, de gouvernements ou d’entreprises du secteur de l’eau du monde entier peuvent partager et faire connaître leurs solutions pour garantir à tous un accès à l’eau ou encore économiser et préserver cette ressource limitée. Plus de 1200 solutions sont d’ores et déjà enregistrées sur le site.
Le droit à l’accès à l’eau est l’un des grands enjeu du développement.
Dans un récent rapport, l’ONU prévoit qu’il faudra nourrir 9 milliards d’être humains à l’horizon 2050. Or 70% de l’eau douce que nous consommons est dédiée à l’agriculture (22% par l’industrie et 8% pour nos besoins quotidiens personnels). La consommation d’eau devrait donc augmenter de 19%.
Par ailleurs, 800 millions d’êtres humains n’ont toujours pas accès à l’eau potable. Les institutions internationales veulent donc tirer la sonnette d’alarme. « Il faut parler de merde! », s’exclame Catarina de Albuquerque, chargée du droit à l’eau à l’ONU.
Si les objectifs du millénaire en terme d’accès à l’eau sont sur le point d’être atteints, le travail reste immense en matière d’assainissement. Car oui, dans le monde, 2,5 milliards de personnes n’ont pas accès à des toilettes propres.
La communauté mondiale semble avoir pris conscience du problème en faisant de l’accès à l’eau un droit fondamental (en 2010). Création d’un tribunal de l’eau, d’une agence onusienne de l’eau, accélération de l’application du droit… lors du Forum de l’eau, chacun y est allé de sa proposition ou de son engagement.
L’accès à cette ressource sera d’ailleurs au cœur des discussions de la conférence internationale sur l’environnement et l’économie verte à Rio de Janeiro (Rio+20) en juin prochain.
Enfin, si la responsabilité de la gestion de l’eau incombe avant tout aux autorités, chacun peut aussi faire un geste au quotidien!
(Source : Raphaël Moran / Youphil / Mars 2012)