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Crise de l’énergie : Quel rôle les fournisseurs d’énergie doivent-ils jouer ?

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Dans un contexte tendu depuis plusieurs mois pour le secteur de l’énergie et dans un contexte d’urgence climatique, le gouvernement a souhaité renforcer la sécurité énergétique française et accélérer le développement des projets de production d’énergie. En ce sens, quel rôle les fournisseurs doivent-ils jouer afin de faciliter l’accélération du développement des énergies renouvelables ? Comment les pouvoirs publics peuvent-ils réellement aider, non pas seulement avec des subventions mais en facilitant les garanties ?

Une étude de l’INSEE souligne qu’entre 2021 et 2022, le prix de l’énergie en France (pétrole, électricité et gaz) a augmenté de plus de 28% pour les ménages et que sans les mesures de bouclier tarifaire, cela aurait été de 54% : entre le deuxième trimestre 2021 et le deuxième trimestre 2022, la hausse des prix de l’énergie (gaz, électricité et produits pétroliers) a contribué à 3,1 points d’inflation sur un total de 5,3 %. Les deux tiers de cet effet reflètent le renchérissement de l’énergie consommée par les ménages eux-mêmes pour se déplacer et se chauffer.
Le tiers restant provient des répercussions, dans les prix des autres produits, des hausses de coût de l’énergie pour les entreprises. Les mesures de « bouclier tarifaire » ont abaissé ces effets de moitié ; en l’absence de bouclier, l’inflation entre les deuxièmes trimestres de 2021 et 2022 aurait été 3,1 points plus élevée (1).

Parce que la part des dépenses de transport et de logement est un peu plus élevée dans leur panier de consommation, les ménages avec les revenus les plus bas subissent plus fortement la hausse des prix de l’énergie. Les mesures de bouclier atténuent cependant particulièrement l’inflation pour les ménages les plus modestes et les plus âgés.

Le prix de gros pour l’électricité qui sera livrée en 2023 vient de franchir la barre des 1.000 euros le MWh. Cette explosion des tarifs est liée au tarissement du gaz russe mais également à l’arrêt d’une majeure partie du parc nucléaire français qui a fait chuter la production d’électricité.

Position des fournisseurs d’énergie

Le prix de l’électricité sur le marché continue de grimper, ce qui contraint certains fournisseurs à prendre des mesures drastiques : augmentation des mensualités pour les clients existants, résiliation des contrats arrivant à échéance, activation des nouveaux contrats repoussée à 2023, …

Les fournisseurs ayant annoncé une hausse de tarifs pour leurs clients, ou une résiliation des contrats : Iberdrola, Ohm, Mint.

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Ce dimanche, le fournisseur d’énergie espagnol Iberdrola a confirmé avoir envoyé un courrier à tous ses clients français dont les contrats arrivent à échéance, soit 2% d’entre eux, pour les inviter à trouver un nouveau fournisseur. Le fournisseur a cependant tenu à préciser qu’il continuerait d’opérer sur le marché français.

De son côté, Ohm Energie a demandé à ses clients, le 5 août dernier, de payer un dépôt de garantie de 500 € pour maintenir leur contrat. Le 16 août, le fournisseur a alerté les clients de son offre Classique, par email, d’une augmentation de leurs mensualités d’électricité à compter du 1er septembre.

Enfin, le fournisseur Mint Energie a lui aussi informé ses clients par courrier, pour les alerter d’une augmentation importante du tarif de ses offres Classique, Smart et Online, à compter du 1er octobre 2022.

Les fournisseurs qui n’ont pas augmenté les tarifs de leurs clients pour le moment : Engie, Mega, Vattenfall, Eni, Ekwateur.

Pour l’instant, les clients de ces fournisseurs sont épargnés par un changement de grille tarifaire.

Pourquoi certains fournisseurs augmentent-ils leurs tarifs ?

L’augmentation des prix sur le marché de l’énergie, qui conduit les fournisseurs à ces décisions radicales, s’explique par deux facteurs principaux : les tensions sur l’approvisionnement en gaz russe, qui impactent mécaniquement le prix de l’électricité, et les difficultés rencontrées par EDF pour l’exploitation des centrales nucléaires, en raison de problèmes de maintenance et des sécheresses qui ont empêché le rejet d’eau de refroidissement dans des fleuves déjà trop chauds.

Enfin, il faut noter que ces deux causes s’ajoutent à des prix déjà élevés, en raison notamment de la reprise post-Covid.

Que va-t’il se passer pour les clients impactés ?

Pour les clients d’Iberdrola dont le contrat arrive à échéance, ou ceux des fournisseurs ayant augmenté considérablement leurs tarifs, il est urgent de changer de fournisseur. Pour rappel, un changement de fournisseur est gratuit et peut être fait en quelques minutes. Il n’engendre aucune coupure d’électricité. Des comparateurs comme Hello Watt permettent de savoir à tout moment quelle est l’offre la plus intéressante du marché.

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Quel rôle les fournisseurs d’énergie doivent-ils jouer ?

Nous prenons l’exemple de la société Plüm énergie qui, par la voix d’un de ses co-fondateurs, Lancelot d’Hauthuille, a bien voulu répondre à nos questions.

UP’ : Comment une entreprise énergétique comme la vôtre gère-t-elle le passage en 1 an du prix du mégawattheure de 85 euros à 1000 € ?

Lancelot d’Hauthuille : C’est bien sûr très compliqué pour tous les acteurs du secteur. L’impact dépend des marchés et impacte différemment nos clients et nos prospects.
Sur le marché des particuliers, nous avons fait le choix de protéger nos clients en tenant, coûte que coûte, notre promesse de suivre scrupuleusement les tarifs réglementés de vente (les “TRV” pratiqués aussi par EDF). Nous avons une politique d’achat de l’énergie sans spéculation qui fait que nous pouvons tenir cette promesse. Par contre, nos concurrents ayant pour la plupart largement augmenté les tarifs de leurs clients, nous ne pouvons pas faire face à l’afflux de demande et avons été contraints fin août de fermer tous canaux d’acquisition, pour protéger nos clients. C’est un crève-cœur pour nous, alors que tous les thèmes que nous défendons depuis des années – décroissance et souveraineté énergétique – résonnent particulièrement dans l’actualité.

Sur le marché des entreprises et des collectivités, nos clients existant sont plus largement protégés : nous appliquons en effet une règle qui consiste à acheter à l’avance une très large part de l’énergie correspondant au besoin projeté de nos clients, sur toute la durée de leur contrat (généralement 2 ans). Par contre, la situation est particulièrement compliquée pour nos prospects, notamment ceux qui ont repoussé leur décision d’achat au démarrage de la crise. Ils font face aujourd’hui à une augmentation massive des prix.

En résumé, la crise impacte en premier lieu les consommateurs (à court terme, nos clients entreprises et collectivités qui font face à des augmentations massives et, à moyen terme, les particuliers. Grâce à notre politique d’approvisionnement très stricte, nous sommes plutôt moins touchés que la plupart de nos concurrents, dont certains ont soit quitté le marché, soit augmenté drastiquement les tarifs de leurs clients.

Et au-delà de l’effort que nous faisons pour garantir les prix de nos clients,  un impact important pour notre entreprise est le frein sur notre croissance, puisque nous avons fait le choix de ne plus acquérir de nouveaux clients. 

UP’ : Le gouvernement demande aux fournisseurs d’énergie de renforcer la sécurité énergétique française et accélérer le développement des projets de production d’énergie. Comment une société comme la vôtre peut-elle répondre à ces injonctions ?  Face aux bouleversements actuels du marché de l’énergie, quelles actions les fournisseurs doivent-ils mettre en œuvre afin de faciliter l’accélération du développement des énergies renouvelables ?

LH : C’est précisément notre modèle, qui consiste à tisser des relations de long terme avec des producteurs, sous la forme de ce qu’on appelle dans notre jargon des “green field PPA”. Ce sont des contrats de longue durée (généralement 20 ans), où nous achetons à des prix fixés à l’avance l’énergie de nouvelles centrales renouvelables, dont le financement est assuré grâce à notre promesse d’achat. Ce modèle a le double bénéfice de concourir à l’accélération de la transition énergétique, en finançant de nouvelles fermes solaires ou éoliennes et de nous affranchir des marchés de l’énergie pour une part toujours plus grande des besoins de nos clients.

Mais ce levier de sortie de crise a deux inconvénients majeurs : il n’est pas immédiat (un projet de centrale renouvelable met plusieurs années à aboutir) ; et il nécessite, pour les fournisseurs, de mobiliser d’importantes garanties bancaires.

C’est sur ces deux sujets que les pouvoirs publics peuvent agir en adaptant certaines règles qui peuvent ralentir la construction de nouvelles centrales renouvelables et en mettant en place des mécanismes de couverture publique des garanties, pour faciliter le financement des projets.

UP’ : A quoi faut-il s’attendre cet hiver en matière d’énergie ? (prix, coupure ou rationnement, restriction )

LH : Il est difficile de faire des précisions, tant les facteurs qui alimentent cette crise sont imprévisibles. Pour cet hiver, se rajoute l’incertitude de la météo, qui n’est évidemment pas connue aujourd’hui. La France a la particularité d’être le pays européen dont la consommation électrique est la plus thermosensible : le nombre de logements chauffés à l’électricité est plus important qu’ailleurs, le froid induit donc, encore plus qu’ailleurs en Europe, des importants pics de consommation.

Ce qui est prévisible, toutefois : c’est la fin du bouclier tarifaire “généralisé” tel qu’il est aujourd’hui, qui protège tous les foyers français, indépendamment de leurs revenus. Ce mécanisme est extrêmement coûteux pour la collectivité, le gouvernement a déjà annoncé qu’il allait le revoir.

Ce qui est peu probable, par ailleurs, c’est une coupure généralisée de l’électricité. S’il y a des fortes tensions, il y aura ce qu’on appelle des “délestages”, c’est-à-dire des coupures localisées et organisées par les gestionnaires publics des réseaux de transport (RTE) et de distribution (Enedis).

UP’ : Craignez-vous que le mouvement « Don’t pay » qui se profile au Royaume-Uni ne vienne chez nous ? Dans cette hypothèse, quels types de réactions envisageriez-vous ? (Feriez-vous des coupures ?)

LH : La situation est très différente au Royaume-Uni, même si la nouvelle Première ministre semble avoir pris le sujet à bras le corps. La situation outre-Manche va rapidement évoluer. Mais en France, les particuliers sont pour l’instant très largement protégés des hausses du gaz et de l’électricité grâce au bouclier tarifaire mise en place par le Gouvernement.

Par ailleurs, la prise en charge des impayés est très encadrée en France par la réglementation, qui s’impose à tous les fournisseurs. Il est notamment interdit de couper un foyer pendant la trêve hivernale (du 1er novembre au 1er mars).

Chez Plüm énergie nous militons depuis longtemps pour l’interdiction totale des coupures d’électricité pour les foyers précaires, même en dehors de la trêve hivernale. Nous avons travaillé avec la fondation Abbé Pierre, qui a été un puissant relai d’opinion. EDF, bon gré, mal gré, a suivi notre mouvement et, dans la foulée, le gouvernement s’est saisi du sujet et une nouvelle loi oblige à faire précéder toute coupure d’une réduction de puissance. Ça ne va pas aussi loin que ce pourquoi nous avions milité, mais c’est déjà un progrès.

UP’ : Selon vous, cette crise est-elle une aubaine pour le développement d’entreprise comme la vôtre, fondée sur les énergies renouvelables ? Ou une contrainte ?

LH : Il y a deux ans, nous avions fait une campagne de communication dont le message était : “la décroissance énergétique, pour certains c’est le monde à l’envers. Pour nous, c’est le monde de demain”. Si l’actualité nous donne plus que jamais raison, je ne pense pas qu’on puisse parler d’aubaine, tant la crise a des impacts dévastateurs sur tout un pan de l’économie et directement sur la vie des gens. Quand le prix des biens de première nécessité augmente, ce sont les personnes les plus précaires qui en souffrent le plus.

Ce qui est sûr, c’est que ce que nous impulsons depuis notre lancement recueille un écho beaucoup plus fort, tant dans l’opinion publique que pour les décideurs politiques : la transition énergétique ne se fera pas sans sobriété ou maîtrise de la consommation, et le développement des énergies renouvelables, en plus de servir cette transition, est un formidable levier d’indépendance et de souveraineté. Poutine ne peut empêcher ni le soleil de briller, ni le vent de souffler !

Propos recueillis par Fabienne Marion – UP’ Magazine

(1) Source : Note d’analyses de Alexandre Bourgeois, Raphaël Lafrogne-Joussier – INSEE

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