Avoir moins recours aux énergies fossiles et davantage aux renouvelables est l’un des principaux défis de la transition énergétique. De grandes quantités de gaz à effet de serre sont en effet libérées dans l’atmosphère lors de l’extraction des ressources fossiles et de leur transformation en énergie (pour en faire du carburant ou pour chauffer, par exemple). Or la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, qui n’a cessé de s’intensifier, induit une hausse des températures globales aux effets redoutés.
Les sources d’énergie renouvelable ne sont cependant pas aussi prévisibles ni stables que le diesel ou le nucléaire
Combien de panneaux solaires faut-il, par exemple, pour répondre à une demande donnée en électricité ?
Des chercheurs de l’ENSTA ParisTech et de l’ENSIIE ont trouvé la réponse.
Ils ont en effet conçu, de la façon la plus optimale possible, un parc autonome – non relié au réseau électrique public – composé de turbines éoliennes, de panneaux solaires et de batteries. Un parc qui doit être en mesure de répondre à la demande d’énergie tout en minimisant les coûts et en incluant celui du diesel consommé par le générateur de substitution utilisé en cas de pénurie des autres sources d’énergie.
Comment fonctionne le parc
Lorsque les conditions météorologiques sont favorables, les éoliennes et les panneaux solaires sont suffisants pour répondre à la demande ; le surplus d’énergie est chargé dans les batteries. Ces batteries ne sont utilisées que si la demande dépasse ce que peuvent offrir les éoliennes et les panneaux solaires.
Mais le fonctionnement des batteries induit une perte d’énergie : ainsi, tous les kilowattheures chargés ne peuvent être utilisés. Une fois qu’elles sont vides, comme le parc n’est pas connecté au réseau public, un générateur diesel permet de satisfaire la demande quoi qu’il arrive, mais à grands frais – le coût par kilowattheure d’utilisation du générateur étant supérieure à celui d’une éolienne.
Des éoliennes, des panneaux solaires et des batteries ont été présélectionnés par des experts en électricité, le type et la quantité de chaque élément devant être déterminés de manière optimale pour répondre à une demande donnée, tout en minimisant le coût total. Ce coût comprend l’investissement (achat et installation des équipements, location du terrain) et le fonctionnement (entretien et consommation de diesel).
Prendre en compte les variations météo
Le problème est complexe : de nombreux scénarios, dépendants des incertitudes sur la demande et la production, peuvent se produire. Le parc doit donc être robuste, c’est-à-dire « assez bon » quel que soit le scénario qui se réalise. Le modèle doit ainsi prendre en compte les variations des conditions météorologiques au cours de l’année (qui a été divisée en 8760 périodes d’une heure). Heureusement, la variation totale est limitée car les données incertaines ne peuvent varier que dans une certaine limite.
Les chercheurs ont d’abord déterminé un parc optimal en l’absence d’incertitude : le problème peut alors être facilement résolu car il n’a que trois variables entières (le nombre d’éoliennes, de panneaux solaires et de batteries), neuf si on accepte différents types de matériel.
Lorsque l’incertitude est prise en compte, le problème devient beaucoup plus délicat. Le modèle élaboré par les chercheurs comporte alors deux niveaux : le premier correspond au dimensionnement, c’est-à-dire au nombre d’équipements à installer ; le second, appelé « problème de recours », cherche à optimiser le fonctionnement du système si le pire scénario se réalise pour le parc qui a été choisi au premier niveau. Les chercheurs ont ainsi dû faire face à plus de 40 000 variables (dont 8 000 variables entières) et 50 000 contraintes !
Un algorithme taillé sur mesure
Les scientifiques ont mis au point un algorithme, alliant des méthodes de type « séparation et évaluation » à une programmation dynamique, qui résout le problème de recours généralement beaucoup plus rapidement que les algorithmes standard. Ils l’ont testé sur des données réelles issues de trois endroits ayant trois climats différents : le Montana (États-Unis) au climat continental ; une île des Philippines au climat tropical ; Dunkerque au climat océanique.
Dans ces cas réels, la demande et les productions de référence du vent et du soleil sont calculées comme une moyenne sur plusieurs années, pour chaque période de temps. Les scénarios correspondent à des variations limitées autour de ces valeurs. Les résultats prouvent que, si le parc est suffisant pour répondre à la demande lors de certaines périodes critiques (en ce qui concerne la demande ou la production), il peut également couvrir toute autre période.
À Dunkerque, l’algorithme a montré que 7 panneaux solaires, 24 éoliennes et 384 batteries peuvent assurer une production tout au long de l’année. Ce résultat a été obtenu rapidement (160 étapes) car le climat est beaucoup plus régulier qu’aux Philippines (6 000 étapes nécessaires). Pour la petite île des Philippines, le parc optimal est composé de 10 panneaux solaires, 67 éoliennes et 105 batteries pour un coût annuel de 31 000 €.
Il faut noter que le budget annoncé correspond au pire scénario qui peut se produire : le coût réel sera compris entre ce budget et un coût minimal, facile à calculer, qui correspond à des conditions climatiques idéales pour le parc.
Ce type de système autonome d’énergie hybride est particulièrement utile dans des îles ou des régions isolées. Mais l’algorithme peut également s’appliquer à d’autres problèmes similaires, tels que des problèmes de gestion de stock.
Pierre-Louis Poirion, Postdoctorant en recherche opérationnelle et optimisation combinatoire, ENSTA Paris-Tech – Université Paris-Saclay. Alain Billionnet et Marie-Christine Costa sont co-auteurs de cet article.
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.