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Les « frontières planétaires » pourraient-elles définir de nouvelles règles pour les entreprises ?

Les «frontières planétaires» pourraient-elles définir de nouvelles règles pour les entreprises ?

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Le réseau Science Based Targets Network, une initiative de la Global Commons Alliance, a récemment lancé un programme d’engagement des entreprises pour les aider à fixer des objectifs scientifiques qui pourraient contribuer à protéger tous les aspects de la nature, y compris la biodiversité, la terre, les océans, l’eau, ainsi que le climat. Ce réseau utilise le concept de « frontières planétaires », qui fait référence à neuf processus du système terrestre contenant des seuils de limites de fonctionnement au-delà desquels la sécurité et la durabilité de la planète comme de l’humanité ne sont plus assurés.

Comment une entreprise peut-elle croître et se développer, mais fonctionner de manière à respecter et ne pas surexploiter la Terre ? Une nouvelle initiative offre une réponse à cette question. Le 10 novembre dernier, le Science Based Target Network (SBTN), une émanation d’un partenariat mondial, le Global Commons Alliance (GCA), a lancé un programme visant à aider les entreprises, les cabinets de conseil et les coalitions industrielles à fixer des objectifs environnementaux qui les aideraient à fonctionner de manière durable.

Les émissions de carbone sont souvent au centre des modèles économiques durables, mais le SBTN vise à élargir cette approche en offrant des conseils sur la manière dont les entreprises peuvent agir pour protéger tous les aspects du monde naturel, en plus du climat.

Bien que le SBTN n’en soit qu’à ses débuts, les organisateurs affirment que le projet a le potentiel d’attirer un ensemble d’entreprises — des petites entreprises aux grandes multinationales — dans un partenariat mondial qui peut offrir des solutions aux problèmes de durabilité. L’objectif du SBTN, tel que défini dans ses directives initiales pour les entreprises, est de créer un « monde positif pour la nature », dans lequel les agressions contre la nature sont stoppées, permettant au monde naturel de se rétablir.

Nul ne peut accomplir seul ce qui doit être fait

La Global Commons Alliance (GCA) est une coalition de plus de 50 organisations qui se sont réunies dans le but commun de donner aux individus, aux entreprises, aux villes et même à des pays entiers les moyens de contribuer à la protection du patrimoine mondial, c’est-à-dire des ressources essentielles à notre survie, notamment la biodiversité, le climat, la terre, les océans et l’eau. Depuis sa création en 2019, la GCA a lancé plusieurs projets qui correspondent à ses objectifs, le SBTN étant l’un d’entre eux.

Erin Billman, directrice exécutive du SBTN, explique que le projet est né d’un désir collectif des chefs d’entreprise de mettre en œuvre des changements qui aideraient à protéger la nature, mais aussi d’une incertitude sur la manière de le faire au-delà de la réduction des émissions de carbone. Car la communauté des entreprises dit souvent : « C’est bien que nous ayons ces conseils des ONG sur les objectifs basés sur la science du climat, mais qu’en est-il au-delà du climat ? »

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Le 10 novembre 2020, le SBTN a lancé son premier programme d’engagement des entreprises, les invitant à travailler ensemble dans l’élaboration de ses outils et stratégies. De nombreuses multinationales telles que Pepsico, L’Oréal, Unilever et Kering, ainsi que plusieurs consultants et coalitions, ont déjà rejoint le SBTN en tant que signataires précoces pour travailler avec lui au fur et à mesure de son développement au cours des deux prochaines années. Rachel Barré, directrice du leadership environnemental de L’Oréal, a déclaré à cette occasion que la société de cosmétiques s’est engagée à réduire son impact environnemental d’ici 2030, et que son implication avec le SBTN était « parfaitement logique » : « Nous sommes convaincus que les entreprises doivent s’associer à des experts pour fixer des objectifs suffisamment pertinents et ambitieux », a-t-elle déclaré. « Grâce à cette nouvelle initiative, nous aurons accès à une science de pointe, nous travaillerons à affiner notre feuille de route et partagerons nos propres meilleures pratiques. Nous espérons favoriser l’intelligence et l’action collectives sur certaines des questions environnementales les plus urgentes, comme cela a été fait pour le changement climatique ».

Bien que chaque entreprise ait son propre programme en termes de mise en œuvre de ses objectifs de durabilité, le SBTN souligne l’importance de travailler ensemble et de créer une approche consolidée pour protéger la nature. « Personne ne peut accomplir seul ce qui doit être fait », affirme Erin Billman. « [Lorsque] vous regardez l’espace environnemental des entreprises, auparavant, celles-ci étaient entraînées dans de nombreuses directions par différentes ONG en termes de « Voici ce que vous devriez faire, et voici l’approche ». Et de plus en plus, nous nous rendons compte que nous devons nous unir d’une seule voix pour donner des orientations consensuelles, afin de simplifier et d’harmoniser ce qui est devenu un espace complexe ».

Frontières planétaires

Le SBTN est peut-être encore dans une phase de planification, mais il s’appuie sur une base scientifique établie. L’un des principes directeurs du SBTN est celui des « neuf frontières planétaires », un concept développé par 28 chercheurs internationaux, dont Johan Rockström du Centre de résilience de Stockholm et Will Steffen de l’Université nationale australienne, pour décrire certains seuils susceptibles de déstabiliser le monde. Le concept a été présenté dans un article paru dans Nature en 2009.

Les neuf frontières — changement climatique, intégrité de la biosphère, modification du système terrestre, utilisation de l’eau douce, utilisation biogéochimique, acidification des océans, charge d’aérosols atmosphériques, appauvrissement de l’ozone stratosphérique, et pollution chimique et libération de nouvelles entités — identifient divers processus du système terrestre, chacun contenant des seuils au-delà desquels la sécurité est compromise. Si l’on reste en deçà de ces seuils, la vie peut encore prospérer ; si l’on dépasse ces seuils, la Terre peut se retrouver en grave danger.

Par exemple, les chercheurs du Stockholm Resilience Centre suggèrent que nous avons déjà dépassé le seuil de sécurité pour le changement climatique quand les niveaux de dioxyde de carbone atmosphérique ont dépassé 390 parties par million (ppm), faisant entrer le monde dans une zone d’incertitude. Les seuils ont également été dépassés pour l’utilisation des terres, les flux biogéochimiques de phosphore et d’azote, et l’intégrité de la biosphère en raison de l’accélération de la perte de biodiversité et des extinctions massives.

« Nous savons que si nous dépassons cette limite, alors nous marchons dans un champ de mines, et nous pourrions sauter sur une mine à tout moment »« Nous savons que si nous dépassons cette limite, alors nous marchons dans un champ de mines, et nous pourrions sauter sur une mine à tout moment », explique Owen Gaffney, directeur des médias internationaux et de la stratégie au Centre de résilience de Stockholm. « Et nous n’avons aucune idée de l’endroit où elle se trouve, c’est là le risque que nous prenons ».

D’autre part, les processus du système terrestre, tels que l’acidité des océans, sont toujours dans des limites de sécurité, bien qu’ils se dirigent rapidement vers une situation où ils ne sont pas sûrs, selon l’étude. Les neuf limites sont également étroitement liées, précise Owen Gaffney, ce qui signifie que le franchissement d’un seuil pourrait entraîner le franchissement d’autres : « Par exemple, lorsque vous commencez à réduire la biodiversité d’une forêt, vous réduisez sa résilience », explique-t-il. « Et puis, de petits changements pourraient la faire basculer dans un nouvel état — une forêt tropicale humide pourrait devenir un état de type savane. Et cet état de type savane pourrait ne pas stocker autant de carbone, ce qui a pour conséquence encore plus de CO2 rejeté dans l’atmosphère, donc vous avez un effet d’entraînement sur la frontière climatique. Et avec plus de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, vous obtenez une plus grande acidification des océans. »

Comment le concept de frontières planétaires peut-il aider les entreprises ? En fournissant une « liste de priorités » des problèmes planétaires, explique Owen Gaffney : « Je pense que le concept de frontières est pertinent pour fournir cette liste, et ensuite pour fournir une quantification », dit-il. « Vous ne pouvez pas gérer ce que vous ne pouvez pas mesurer. »

En utilisant la science comme principe directeur, le SBTN s’efforce d’informer les entreprises sur la manière dont elles peuvent fixer des objectifs fondés sur la science qui aideront à protéger toutes les parties de la nature, et à opérer dans le domaine des limites planétaires. C’est pourquoi le SBTN s’appuie sur les travaux de l’initiative « Science Based Targets« , un partenariat entre le Carbon Disclosure Project (CDP), le Pacte mondial des Nations unies (UNGC), le World Resources Institute (WRI) et le WWF, pour aider les entreprises à fixer des objectifs de réduction de leurs émissions de carbone. À ce jour, plus de 1000 entreprises se sont engagées à le faire.

« Notre travail consiste à traduire ces engagements en mesures concrètes pour les entreprises et les villes, afin qu’elles puissent mettre en œuvre et fixer des objectifs qui garantissent qu’elles en font au moins assez, ou leur juste part, pour arrêter la perte de la nature, pour se diriger vers un avenir équitable, net et sans carbone, positif pour la nature, qui est nécessaire dans l’espace environnemental », plaide Erin Billman.

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Il y a encore de l’espace pour la transformation

Selon Mme Billman, il a été important d’impliquer des entreprises reconnues comme leaders en matière de durabilité, mais il est tout aussi important d’impliquer des entreprises qui ne sont peut-être pas aussi avancées dans leurs objectifs de durabilité. « Nous déployons des conseils pour rencontrer les entreprises là où elles en sont dans leur parcours, beaucoup ne sont juste qu’au début », dit-elle, ajoutant : « Même les entreprises qui ont une réputation en matière de durabilité ont la possibilité de faire mieux ». Aucune des entreprises qui sont aujourd’hui des « leaders de la durabilité » ne sont réellement durables ; « elles ne font pas vraiment leur part pour arrêter la perte de la nature« , ajoute-t-elle. « Et donc, il y a encore des possibilités, il y a encore de la place pour la transformation. »

Après le lancement du SBTN ce 10 novembre, Erin Billman se dit encouragée par l’intérêt initial. « En particulier, nous constatons qu’environ la moitié des entreprises qui ont manifesté leur intérêt pour le SBTN n’ont pas encore d’objectifs basés sur la science du climat », a-t-elle déclaré. « Je pense que c’est une grande opportunité car la nature peut être un point d’entrée dans la boucle pour les entreprises qui ont raté le coche en matière d’objectifs climatiques. Mais pour stopper la perte de la nature, la lutte contre le changement climatique est l’une des principales pressions, et donc de cette façon, je pense qu’engager une entreprise sur la nature la conduira naturellement à s’engager sur le climat ».

Constatant l’accueil du SBTN, elle se dit enthousiaste quant à cette contribution à la construction d’un avenir durable. « Je ne prétendrai pas que nous sommes « le nec plus ultra » de ce qui va conduire l’économie mondiale à fonctionner dans le cadre de la vision des frontières planétaires », dit-elle, « mais nous espérons être un acteur clé de cet avenir ».

Elizabeth Claire Alberts, rédactrice pour Mongabay

La version originale en anglais de cet article a été publiée par Mongabay

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