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Overdose de CO2 : effondrement de la valeur nutritionnelle de nos aliments

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30 % de valeur nutritive en moins sur certains aliments essentiels comme le riz. Comment est-ce possible ? Une nouvelle étude confirme que l’excès de dioxyde de carbone, principal gaz à effet de serre contribuant au réchauffement climatique, fait chuter la concentration de vitamines dans les plantes. Déjà deux milliards d’humains sont touchés par ces carences nutritionnelles.
 
Selon un nombre croissant de recherches, l’augmentation des niveaux de dioxyde de carbone rend nos aliments moins nutritifs, privant ainsi des cultures clés de vitamines essentielles au développement humain.
 
Des études récentes ont montré que des cultures aussi variées que le blé, le maïs, le soja et les pois fourragers contiennent moins de protéines, de zinc et de fer lorsqu’elles sont cultivées avec les niveaux de dioxyde de carbone prévus d’ici 2050. De nombreuses cultures ont déjà subi des pertes de ces nutriments ; une étude a comparé des plantes modernes avec des spécimens d’herbiers historiques et a constaté que les niveaux de tous les minéraux, y compris le zinc, le fer et le calcium, suivaient de près les niveaux de dioxyde de carbone dans le temps.

Le réchauffement climatique responsable

Le dernier article sur le sujet, publié plus tôt cette année dans Science Advances, a révélé que les concentrations de nutriments essentiels ont diminué dans 18 souches de riz après avoir été exposées, dans une expérience, à des niveaux accrus de dioxyde de carbone. L’étude a été la première à montrer que les vitamines B comme la riboflavine, qui aide l’organisme à décomposer les aliments pour produire de l’énergie, et le folate, qui est important pour le développement fœtal, ont chuté jusqu’à 30 %.
 
La dernière recherche a été menée au Japon et en Chine, où 18 variétés de riz ont été examinées dans le cadre d’expériences en plein air où les plantes ont été soumises à des concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone de 568 à 590 parties par million. Les concentrations actuelles sont d’environ 410 parties par million, mais elles augmentent d’environ 2 parties par million chaque année – et pourraient atteindre les niveaux de l’étude dans la dernière partie de ce siècle.
« Nous démontrons que le réchauffement climatique, et en particulier les gaz à effet de serre, le dioxyde de carbone, peuvent avoir un impact sur le contenu nutritionnel des plantes que nous mangeons », affirme le co-auteur Adam Drewnowski, professeur d’épidémiologie à l’Université de Washington.

Effondrement des vitamines

Le riz représente environ 25 pour cent de toutes les calories mondiales. L’étude a révélé qu’aux concentrations élevées de CO2, la teneur en vitamines B1, B2, B5 et B9 de la culture a diminué, y compris jusqu’à 30 pour cent pour le B9 (folate). La recherche a également confirmé des déclins précédemment découverts dans les protéines, le fer et le zinc.
« Le nutriment qui décline avec des concentrations de CO2 plus élevées est le folate. Et nous savons que les carences en folate chez les femmes enceintes peuvent entraîner la naissance d’enfants présentant diverses anomalies congénitales. Il est donc d’une importance capitale, en particulier pour la santé maternelle et infantile, mais aussi pour nous tous. »
 
Ces résultats vont de pair avec des recherches récentes suggérant également qu’une autre grande culture de base mondiale, le blé, pourrait voir ses rendements diminuer à mesure que la planète se réchauffe. Les conséquences pour le blé sont liées à la hausse des températures, mais dans le cas du riz, le problème immédiat semble être la concentration croissante de dioxyde de carbone dans l’atmosphère.

Altération du métabolisme des plantes

Face à une augmentation du CO2 dans l’air, plusieurs aspects du métabolisme des plantes peuvent ne pas suivre le rythme, ce qui signifie qu’elles puiseraient moins d’éléments nutritifs dans les sols au-fur-et-à-mesure de leur croissance, et proportionnellement plus de carbone. C’est le changement dans la composition de la plante elle-même qui pourrait, à son tour, se traduire par des changements dans son contenu nutritionnel pour ceux qui la consomment. « Le CO2 est un aliment végétal en ce sens qu’il fait pousser les plantes », a déclaré Lewis Ziska, un autre auteur d’une étude du ministère américain de l’Agriculture. « Mais souvent, quand les plantes poussent plus, cela ne signifie pas nécessairement que vous obtenez la même qualité du végétal. » Pour cette raison, le riz pourrait en fait déjà perdre une partie de son contenu nutritionnel sous les concentrations actuelles de dioxyde de carbone dans l’atmosphère – mais la recherche n’a pas encore confirmé cette hypothèse. En effet, cela nécessiterait de comparer le riz d’aujourd’hui au riz d’il y a des décennies, ce qui signifierait utiliser des échantillons qui ont été conservés d’une manière ou d’une autre.
 
Ce danger de perte des qualités nutritionnelles ne concerne pas que le riz. « Le mécanisme de base décrit dans l’étude pourrait impliquer d’autres plantes et d’autres aliments de base », selon Chuck Rice, professeur d’agronomie à l’Université d’État du Kansas, qui a commenté l’étude pour le Wahsington Post. « Il y a d’autres rapports qui montrent que les céréales perdent de 2 à 10 pour cent de protéines dans un environnement à forte teneur en CO2 ».

Contre-intuitif

Il semble contre-intuitif qu’une plus grande quantité de dioxyde de carbone puisse nuire aux plantes, puisqu’il s’agit de l’un des principaux ingrédients que les plantes utilisent pour pousser. Mais il s’avère que trop de dioxyde de carbone est aussi malsain pour les plantes que trop de glucides pour les humains. Le dioxyde de carbone supplémentaire agit comme des calories vides ou de la « malbouffe » pour les plantes, qui s’en gorgent pour grossir et croître plus vite, devenant ainsi plus grandes mais moins riches en nutriments. Ce mécanisme est analogue à celui de l’épidémie d’obésité qui touche de plus en plus de personnes partout dans le monde.
 
Les agronomes savent depuis longtemps que nos aliments sont de moins en moins nutritifs, mais ils pensaient que ce phénomène était uniquement dû aux méthodes agricoles modernes : la surexploitation des sols qui conduit à l’épuisement des minéraux, ou les sélectionneurs qui favorisent les variétés à haut rendement, qui sacrifient la nutrition à la taille. Les chercheurs qui travaillent sur les plantes depuis une vingtaine d’années ont découvert un autre facteur, des plus surprenants : l’augmentation du dioxyde de carbone contribue également à réduire la teneur en minéraux dans les plantes.
 
 « Si nous ne faisons rien, alors oui, il y a un potentiel d’impacts négatifs profonds sur la santé humaine », a déclaré au Washington Post Kristie Ebi, chercheuse en santé publique à l’Université de Washington à Seattle et l’un des auteurs de l’étude.

Les pauvres les plus touchés

Les implications de cette recherche sont troublantes pour tout le monde, mais surtout pour les habitants des régions pauvres ou sous-développées du monde où il est plus difficile de compenser le manque de nutriments en complétant les régimes alimentaires avec plus de protéines et de vitamines.
 
Selon The Global Hunger Index, l’Indice mondial de la faim, 2 milliards de personnes dans le monde souffrent déjà de « faim cachée ». Les gens meurent de faim à cause de la malnutrition alors qu’ils consomment suffisamment de calories. La carence en fer est le principal trouble nutritionnel dans le monde, une personne sur trois est affectée par un apport insuffisant en zinc et des millions de personnes souffrent de carences en calcium, magnésium ou sélénium. Une alimentation pauvre en ces nutriments essentiels peut entraîner des troubles du développement cognitif chez les enfants, une augmentation de la mortalité infantile et maternelle, un ralentissement de la croissance chez les nourrissons et un affaiblissement des fonctions immunitaires.
 
Dans les pays où la majorité de la population dépend de quelques cultures de base et ne mange pas d’aliments riches en minéraux, l’effondrement des nutriments peut constituer une grave menace pour la nutrition. Par exemple, le riz et le blé fournissent deux calories sur cinq que les gens consomment. Le riz à lui seul fournit 70 pour cent de l’apport calorique au Bangladesh, huitième pays le plus peuplé du monde, où la malnutrition est déjà un problème.

Menaces sur toute la chaîne alimentaire

La menace immédiate que représente l’effondrement des nutriments pour la santé humaine est claire, mais d’autres effets sont moins étudiés ou inconnus. Par exemple, il n’y a pas que les humains dont la nourriture devient moins nutritive. Une étude a montré qu’en raison de l’augmentation des niveaux de dioxyde de carbone, le pollen que les abeilles mangent comme source importante de nourriture à la fin de l’été contient maintenant moins de protéines qu’autrefois. Une autre a constaté que les plantes produisaient moins de nectar lorsqu’elles étaient exposées à plus de dioxyde de carbone, ce qui peut affecter les pollinisateurs comme les papillons et les colibris. Les scientifiques en savent encore moins sur ce qui arrivera aux herbivores ou comment cela affectera les animaux situés plus haut dans la chaîne alimentaire. La viande d’élevage d’animaux comme les vaches et les porcs contiendra-t-elle moins de nutriments parce que ces animaux mangent des plantes moins nutritives ? Pour l’instant, les chercheurs ne peuvent que spéculer.
 
Ironie du sort, un chercheur affirme que l’effondrement des nutriments peut contribuer à l’augmentation de l’obésité parce que les gens mangent davantage d’aliments à base de féculents et consomment de plus grandes quantités d’aliments pour compenser leur faible niveau nutritionnel. Tout comme le zooplancton meurt de faim en se bourrant d’algues  » malbouffe  » qui ont reçu trop de lumière, nous nous dirigeons peut-être tous vers un monde étrange dans lequel nous serons entourés de nourriture dont nous ne pourrons nous rassasier alors qu’en réalité, nous sommes affamés tout en devenant obèses.

Un enjeu en forme de gageure

Pouvons-nous atténuer les effets de l’effondrement des nutriments ? Peut-être, mais ce ne sera pas facile. La population mondiale s’accroît, ce qui fait augmenter la demande alimentaire mondiale. Même si nous réduisons considérablement les émissions de dioxyde de carbone dès maintenant, on s’attend à ce que les niveaux atmosphériques atteignent encore 550 parties par million au cours des 50 prochaines années.
Les scientifiques concoctent dans leurs laboratoires des cultures génétiquement modifiées qui contiendraient des éléments nutritifs stimulants. C’est le cas du fameux et controversé riz doré, par exemple, qui fournirait plus de vitamine A que d’autres variétés. Mais ce processus est long, coûteux et peu susceptible de compenser la pléthore de nutriments et de vitamines qui diminue en raison de la hausse du dioxyde de carbone atmosphérique.
 
Pour l’instant, les scientifiques s’efforcent de mieux comprendre comment l’effondrement des nutriments affectera les animaux et les humains partout dans le monde. Ils n’en sont qu’au début de leur peine mais leurs travaux sont nécessaires si nous voulons relever le défi de maintenir, malgré les changements environnementaux qui nous ne cessons de produire, un monde nourri et en bonne santé. Une vraie gageure.
 
Sources : Science Advances, Scientific American

 

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