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Fruits et légumes «made in space»
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Quand la Terre sera épuisée, nous irons cultiver nos tomates dans l’espace

Fruits et légumes «made in space»

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Les dérèglements climatiques produisent des effets que l’on peut déjà observer sur notre planète : sécheresse, désertifications, épisodes météorologiques extrêmes… Autant de catastrophes qui ont un impact direct sur l’agriculture et l’approvisionnement alimentaire d’une bonne part de l’humanité. Face à ce désastre annoncé, des chercheurs travaillent à produire des végétaux capables de résister aux conditions extrêmes auxquelles on peut s’attendre. Pour cela, ils ont eu l’idée de cultiver des végétaux dans des serres spatiales afin de sélectionner, par mutations génétiques, les variétés les plus résistantes aux nouvelles conditions terriennes. Découvrez ce nouvel épisode de la série « N’ayez pas peur, la technologie va nous sauver de la catastrophe ».

Selon les estimations actuelles, 1% de la planète est déjà considéré comme une « zone chaude à peine habitable ». D’ici 2070, cette proportion pourrait atteindre 19%. Une situation qui toucherait 1 personne sur cinq. Qu’il s’agisse de la fragilité croissante de la chaîne alimentaire des pays du Moyen-Orient, d’Amérique du Sud et d’Afrique australe, ou des conséquences horribles de la migration des agriculteurs en faillite et de leurs familles allant s’agglutiner dans des villes ou des bidonvilles, cela fait réfléchir. Et notamment ceux qui, depuis longtemps, lorgnent vers l’espace.

C’est le cas de Nanoracks, premier fournisseur mondial de services spatiaux commerciaux qui prévoit d’utiliser des serres en orbite pour créer des cultures super résistantes qui prospéreraient dans les environnements les plus rudes de la Terre et aideraient à prévenir la crise alimentaire imminente résultant du changement climatique. Jusqu’à présent, l’utilisation de la recherche spatiale au profit de l’agriculture terrestre a été largement négligée. Les agences spatiales, de la NASA à celles du Japon, de la Russie et de l’Europe, se sont principalement concentrées sur les moyens de produire de la nourriture pour les explorateurs spatiaux et les colons de demain sur la Lune et Mars. Les serres en orbite et les fermes martiennes ont fait la une des journaux. Pourtant, comme l’a récemment regretté la chercheuse britannique Claire Cousins, « chaque jour, la Terre ressemble un peu plus à Mars, un peu plus désolée ».

Le nouveau chapitre de l’agriculture spatiale est en train de s’ouvrir

La société Nanoracks basée à Houston au Texas, a donc signé un contrat avec le Bureau d’investissement d’Abu Dhabi (ADIO) pour ouvrir un centre de recherche sur l’agriculture spatiale aux Émirats arabes unis (EAU) qui ferait des recherches sur les cultures résistantes, les ferait voler dans l’espace et testerait ensuite la capacité des cultures à pousser dans les conditions arides de notre planète.

Selon Jeffrey Manber, PDG et co-fondateur de Nanoracks, ce travail s’appuie sur des décennies de recherche qui montrent que de nouvelles mutations de l’ADN des plantes peuvent apparaître dans l’environnement hostile de l’espace et pourraient ensuite conduire à la création de nouvelles variétés capables de prospérer même dans les conditions les plus difficiles, sur Terre.

« Au fil des ans, de nombreux articles ont été publiés, montrant des cas spécifiques où, dans l’environnement difficile [de l’espace], des produits de biomasse intéressants émergent, qui peuvent fonctionner assez bien même dans des conditions désertiques », affirme M. Manber. « Ces plantes évoluent dans l’espace soit par des changements au niveau génétique, soit par les effets des radiations, l’absence de gravité ou une combinaison de tous ces facteurs ».

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OGM cachés dans les soutes de la station spatiale ?

La technique de sélection de mutations induites par l’espace consiste à emmener des graines dans l’espace, où elles sont exposées à de forts rayons cosmiques — des particules de haute énergie voyageant à une vitesse proche de celle de la lumière — ainsi qu’à d’autres conditions telles que le vide, la microgravité et de faibles niveaux d’interférence géomagnétique.  Cette méthode n’implique pas le transfert de gènes d’un organisme à un autre, comme c’est le cas avec les aliments génétiquement modifiés — OGM. Au contraire, elle génère des traits aléatoires mais potentiellement utiles en utilisant le matériel génétique d’une plante, imitant le processus naturel de mutation spontanée, bien qu’à un rythme considérablement accéléré.

Les défenseurs de l’environnement parlent d’OGM caché pour ces plantes issues de mutagénèse car, comme toute technique de manipulation génétique, elles n’ont rien de naturel. Le site spécialisé InfOGM explique comment la mutagénèse accélère significativement le temps au cours duquel les mutations apparaissent par rapport à des apparitions spontanées dans la nature. Dans les champs, les bois, le long des chemins… les plantes disposant d’une mutation apparue spontanément vont être régulées par leur environnement. La mutation sera conservée ou non selon sa stabilité et si elle confère à la plante un avantage sélectif. Un tel processus va s’étaler sur plusieurs années. En laboratoire, milieu clos par définition, cette technique s’affranchit de ces phénomènes de régulation. En bout de course, les milliers de plantes mutées introduites dans les champs et l’environnement n’ont été sélectionnées ni par la plante elle-même, qui n’a tendance à conserver que les mutations stables, ni par l’environnement naturel (du fait de leur adaptation locale), mais « seulement » par l’humain.

Mutagenèse dans l’espace

Pourtant, cette idée a fait son chemin. Elle remonte loin, aux années 1920, quand les scientifiques exposaient les graines à des produits chimiques et des rayonnements, notamment des rayons gamma et des rayons X, pour induire des mutations en laboratoire. Plus de 2 500 variétés de plantes obtenues par mutagenèse ont été officiellement mises en circulation, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). InfOGM précise qu’en France, plusieurs variétés de tournesol et de colza, rendues tolérantes à des herbicides par mutagénèse, sont cultivées en champs. La France cultive aussi des variétés de tournesol muté à haute teneur en acide oléique. « Il est d’ailleurs difficile, si ce n’est impossible, de trouver sur le marché un tel tournesol non muté ». Les premiers tournesols mutés ont été obtenus dès 1976.

Les laboratoires de reproduction peuvent maintenant produire efficacement certaines des conditions rencontrées dans l’espace, mais les reproduire toutes est peu pratique et coûteux, affirme Guo Rui, directeur du Centre de recherche en ingénierie de la province du Shaanxi pour la sélection de plantes dans l’espace. De plus, la mutation des graines dans l’espace peut produire de nouvelles caractéristiques surprenantes avec plus de succès que dans un laboratoire. « L’espace est comme un super-labo pour la sélection de nouvelles plantes », se réjouit-il.

L’espace est donc le nouveau cadre pour cette méthode de sélection, et des organisations internationales comme la FAO ou l’Organisation mondiale de la santé considèrent que les cultures spatiales peuvent être consommées en toute sécurité, à condition qu’elles passent des tests rigoureux et des processus d’approbation.

La Chine, reine de l’agriculture spatiale

Selon le professeur Liu Luxiang, de l’Institut des sciences des cultures de l’Académie chinoise des sciences agricoles, la Chine a développé et approuvé plus de 200 variétés de cultures mutées dans l’espace depuis les années 1990. En fait, la deuxième variété de blé la plus populaire actuellement cultivée en Chine, le Luyuan 502, a été développée grâce à la sélection spatiale.

« Grâce à des semences et d’autres matières végétales volant dans l’espace sur des satellites récupérables, des missions spatiales habitées et des plateformes à haute altitude, nous avons développé des variétés de diverses cultures, notamment des légumes, du blé, du maïs et du soja », a déclaré Liu. « Grâce aux mutations de l’ADN qui se produisent dans l’espace et à la sélection et à l’amélioration subséquentes, poursuit-il, nous avons créé des variétés qui ont un rendement plus élevé, un meilleur profil nutritionnel et une meilleure résistance aux maladies, et qui nécessitent également moins d’eau ou tolèrent des températures plus élevées ».

La Chine, fait valoir Liu, investit dans les différentes technologies de sélection végétale pour s’assurer qu’elle sera en mesure de nourrir sa population de près de 1,4 milliard d’habitants dans un contexte de changement climatique progressif. Plus de 200 variétés de plantes et de fruits de l’espace, dont le riz, le blé, le maïs, le soja, le coton et les tomates, ont été approuvées pour la plantation par les organismes de réglementation, et plus de 3 000 autres sont en cours de développement. En 2018, la surface totale de plantation des cultures spatiales approuvées en Chine a atteint plus de 2,4 millions d’hectares, soit à peu près la taille de la Bretagne.

Guo Rui, le directeur du Centre de recherche pour la sélection de plantes dans l’espace déclare, avec des accents très patriotiques : « La Chine est le leader mondial de la sélection de plantes dans l’espace, en partie en raison de l’ascension rapide du pays en tant que puissance spatiale mondiale ».

Faire pousser des salades dans le désert

Les Émirats arabes unis, qui, selon le dirigeant de Nanoracks, importent actuellement 90 % de la nourriture du pays, ont de bonnes raisons de se tourner vers l’espace. Avec 80 % du pays constitué de déserts et un manque global de ressources en eau douce, seulement 5 % environ des EAU sont actuellement cultivés, selon les données de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) pour 2016.

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« La recherche sur la production alimentaire dans les conditions extrêmes de l’espace pourrait être la clé pour améliorer nos capacités dans les déserts et les climats arides », a déclaré le porte-parole du Bureau d’investissement d’Abu Dhabi (ADIO). « C’est pourquoi nous soutenons Nanoracks dans son exploration des innovations agricoles dans l’espace qui peuvent être appliquées à la production alimentaire dans les climats extrêmes sur Terre ».

Le centre de culture spatiale StarLab que l’ADIO va créer avec Nanoracks vise à étudier et à développer de nouveaux types de bactéries, microbes, biofilms et plantes qui seraient ensuite envoyés dans l’espace, soit à la Station spatiale internationale, soit dans le cadre d’autres coopérations que Nanoracks prévoit de développer. « Nous espérons qu’à la fin de 2021, nous pourrons envoyer nos premières recherches de StarLab à l’ISS », estime Jeffrey Manber. « Nous pourrions installer une petite serre dans notre sas Bishop et l’utiliser comme banc d’essai, puis peut-être passer à une serre autonome en orbite de la plate-forme autonome dans les cinq prochaines années ».

Le patron de Nanoracks fait valoir que les chercheurs du monde entier cherchent des moyens de faire pousser des aliments dans l’espace pour les astronautes sur la Lune et sur Mars, tandis que son projet de recherche StarLab est tout à fait unique car il vise à utiliser l’espace au profit de ceux qui sont sur Terre.

« Le Covid et le changement climatique nous ont vraiment ouvert les yeux sur la fragilité de la sécurité alimentaire dans le monde développé et en développement », observe-t-il. « Nous pensons qu’il existe une voie de recherche où l’espace pourrait être l’une des solutions pour surmonter le changement climatique et les risques croissants du climat de la Terre ». Encore une fois, mais de façon inédite, le salut viendrait du ciel. Ici-bas, la Terre étant perdue, c’est là-haut, hors-sol, d’une vie transmuée par les rayons cosmiques, que viendrait notre secours. Elon Musk, voulant coloniser Mars en fuyant une Terre devenue invivable, ne pense sans doute pas autrement.

Source : Nanoracks, space.com

Image d’en-tête : Illustration d’artiste d’une serre dans l’espace à l’intérieur d’un module Nanoracks StarLab Outpost. © Nanoracks/Mack Crawford

3 Commentaires
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HélèneDIX
2 années

Ridicule, peut-on arrêter de diffuser ce genre de fantasme marsien dans les médias. Cela relève plus de la technoïde aiguë que de la raison. Elun Musk et ses autres accolytes sont des allumés qui pensent que « vouloir, c’est pouvoir » : in God we trust! Leur course à l’échalotte égotique est collectivement suicidaire. C’est du même niveau que croire au Père Noël en sirotant de la cigue. Vous avez vu la gueule de Mars? Inatteignable pour plein de raison, sans eau, sans air, sans gravité, sans magnétisme, jamais nous ne pourrons compter sur ce pauvre cailloux pour sauver notre misérable espèce.… Lire la suite »

gilliane l
2 années

Combien de milliards d’hectares à ensemencer dans l’espace pour nourrir 10 milliards d’humains ???? Sapiens ne manque pas d’idées mais de bon sens.

Membre
claude.choppin@free.fr
2 années

Est-ce qu’on est bien en 2021 ou 3021 ? C’et une histoire de science fiction. Si vraiment vous voulez faire oeuvre utile et parler de quelque chose qui ne tient pas du fantasme, mais consiste à regarder la réalité immédiatement accessible, il faut un peu regarder ce qui s’est passé en France entre 1973 et 1985, et essayer de comprendre, contrairement à ce que dit l’ADEME, que ce ne sont pas les initiatives les plus performantes qui ont été le plus aidées. Evidemment, c’est plus simple d’en conclure que l’ensemble de la filière française qui s’est montrée défaillante, ce que… Lire la suite »

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