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Comprendre la Grande Distribution – 2ème partie : dynamisme et innovation

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La Grande Distribution conventionnelle subit actuellement une mutation plurifactorielle profonde qui l’oblige à se réinventer rapidement, remettant en cause les fondements mêmes qui ont assuré sa réussite il y cinquante ans… Cette 2ème partie poursuit la description des sept grandes mutations clés qui touchent les enseignes alimentaires et distributeurs spécialisés, en détaillant leurs atouts et faiblesses.

produit-maison5 – Made in « Chez moi » et circuits-courts : aujourd’hui, nous l’avons vu, le français veut sentir que le produit convoité vienne « d’à coté » en étant fabriqué par des PME françaises, des producteurs locaux, ou sur le lieu même de l’enseigne. Ces tendances de fond, initiées par la bio et les AMAP, se popularisent actuellement à grande échelle avec notamment la médiatisation du « made in France » : sont concernés la fabrication du produit, l’origine de ses matières premières et sa distribution. Cette évolution majeure des mentalités signe en fait pour les marques et distributeurs le glas prochain d’une délocalisation à outrance et d’une expansion territoriale débridée (que la grande distribution trouve actuellement trop coûteuse), longtemps érigées en quasi-idéologie.

La grande distribution alimentaire a réagi rapidement par des partenariats soutenus avec des producteurs régionaux (alliances locales de Leclerc…), traduits depuis quelques années par une offre multirayons encore minoritaire, mais promise à durer. Elle propose aussi de plus en plus une fabrication sur place de produits frais diversifiés (pain, pâtes fraîches, pâtisseries, pizzas…) avec des artisans oeuvrant sous les yeux des clients (le Leclerc italien Conad en est un exemple abouti). Surfant sur la vague des circuits ultra-courts de production, L’hypermarché Lotte Mart à Séoul (Corée) va quand à lui jusqu’à proposer des salades cultivées sur place dans une « ferme verticale ».

impactdevedurable6 – Le temps des responsabilités environnementales et sociales : accusée à juste titre d’avoir contribué à l’essor de l’agriculture intensive, à la mise sous tutelle des PME, et de mauvaises conditions sociales de travail, la grande distribution commence à donner des signaux réels d’avancées positives. Signe des temps, la quasi totalité des grands groupes de distribution possède une direction du développement durable dotée d’une réelle influence, pour aider à promouvoir des démarches sociales et écologiques concrètes. Plusieurs initiatives conséquentes ont étés réalisées :

– Transports : Franprix approvisionne depuis la rentrée dernière 80 de ses 350 magasins parisiens par voie fluviale, une première dans la distribution alimentaire européenne. Ce dispositif permettra d’économiser à terme l’équivalent de 3.874 camions par an.

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– Magasins : le premier centre commercial HQE de France à ouvert en 2010 à Soissons. Casino à lancé en 2010 le « Label V » qui signale les centres commerciaux avec une triple démarche (respect de l’environnement, rôle social et implication locale). Ce label est certifiée Ecocert. Le centre commercial de la Caserne de Bonne à Grenoble va encore plus loin avec un bâtiment bioclimatique de 17 300 m2 qui n’est ni chauffé ni climatisé.

devdurable-systemeu– Empreinte carbone des produits : Casino en France et Tesco en Angleterre, tous deux pionniers de l’étiquetage de l’impact environnemental des produits, affichent avec Leclerc le bilan carbone d’une partie de leur offre. Système U à optimisé près de 70 % de ses références en dessert pour limiter au maximum les emballages cartons.

– Progrès social : si la grande distribution est connue pour son stress élevé et ses heures de travail « à rallonge », elle offre désormais de véritables opportunités de carrière par le biais de la promotion interne. Pour les hôtesses de caisse, des efforts sensibles ont été accomplis : au Leroy Merlin de Chantepie (Rennes), le turnover ne dépasse pas 3,5 %. De plus, si les relations commerciales avec les grandes marques restent toujours tendues, le partenariat avec les PME fabricantes est devenu essentiel pour les deux parties, en s’inscrivant de plus en plus dans la durée.

hypermarche-desenchantement7 – Une société devenue schizophrène, partagée entre hyperconsommation et désir de sens : dans une situation typique d’un monde en transition de valeurs fondamentales, le consommateur des années 2010 est partagé entre une attitude consumériste très forte (tout acheter au meilleur prix), et l’émergence d’un grand désir de retrouver du sens à ses achats.

Cependant, si la récession économique actuelle encourage à revoir nos modes de vie et de consommation (Ėtude Ėthicity 2012), elle stimule aussi la chasse au prix et au bon plan. La grande distribution qui, dans l’ensemble, sait que son avenir se joue entre ces enjeux contradictoires, jongle en permanence avec ces deux extrêmes, aidée par un instinct très sûr du commerce et une forte culture d’innovation renforcée par cinquante ans de lutte commerciale. Avec un certain succès puisque Système U est souvent cité en exemple, à la fois pour son chiffre d’affaires au mètre carré, son positionnement de magasin de proximité, et son talent à parler à la fois au consommateur, au client et au citoyen. Le « Plan A » de Marks and Spencer, lançé en 2007 – un des programmes de responsabilité sociale et environnementale les plus ambitieux de la distribution – a lui aussi montré son efficacité avec  pour 2012  un bénéfice net de £185m généré par ses actions en faveur.

IV – La grande distribution innove à-tout-va

grandedistrib-innoveUne très grande capacité d’innovation : selon Michel Choukroun, expert de la distribution, la notion de combat est une des trois clés génétiques du marketing de la distribution (avec le prix et la preuve) : il s’agit en clair de ne jamais laisser passer un courant porteur, même s’il est aux antipodes de sa culture (d’où l’engagement de la distribution dans la bio…). Il ne faut pas hésiter aussi à investir, balbutier, tâtonner, et accepter les erreurs jusqu’à ce que le bon business-model soit trouvé, sans craindre de copier, mais en améliorant le modèle initial. Il faut ensuite tester en secret, et, très vite si l’innovation s’y prête, la dupliquer. Cette culture anticipatrice explique le formidable dynamisme de ce secteur, sa forte capacité d’adaptation durant les crises précédentes (ex. l’arrivée du hard-discount dans les années 1990), et sa résistance face aux dangereux enjeux actuels.

La grande distribution se bat en fait sur tous les fronts : soulignons que, pour elle, la conquête du marché bio n’est qu’une guerre commerciale parmi d’autres, et n’est pas la plus prioritaire. Le magasin bio « clone » Coeur de Nature n’en reste pas moins une copie intelligente, promise à trouver ses marques, et fidèle à la philosophie d’innovation de la distribution : l’offre vrac s’étend par exemple à l’hygiène et à l’entretien.

Nous venons de le voir, pour la distribution conventionnelle les temps sont à des changements vitaux, dus à une conjonction unique de mutations sociétales et high-tech (Internet). Le modèle « 1 caddy – 1 parking – 1 périphérie – 1 offre de masse à prix serrés », se voit remis en cause dans ses fondements mêmes pour la première fois en cinquante ans, notamment pour la distribution alimentaire.

Détaillons maintenant les innovations commerciales les plus fortes :

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distrib-proximite1● Commerce de précision : le temps des segmentations géographiques et sociales : « Fini les gros blocs placés en périphérie, place au commerce de précision » clame en 2008 Jean-Charles Naouri, PDG de Casino. Une des caractéristiques les plus marquées de la distribution vient de tomber : la fameuse ménagère de moins de 50 ans faisant ses courses dans un hypermarché. L’heure est au développement accéléré d’un commerce chirurgical adapté à une nouvelle population : familles monoparentales, seniors, célibataires…

La proximité géographique devient le maître mot, pour une accessibilité accrue des points de vente, et des courses faciles et rapides : voici le renouveau des supermarchés, mais aussi la montée rapide des points retraits, drives, commerces de flux (gares, métro…), magasins automatiques-virtuels-éphémères-pops-ups, centres commerciaux urbains de taille moyenne, commerces ruraux, etc. Une enseigne moderne doit désormais être présente sur une majorité de ces canaux de vente, en veillant à intégrer les spécificités de chacun.

● Ambiance « centre ville », le nouvel imaginaire : si la distribution à affaibli et ringardisé les petits commerçants du centre ville, il est ironique de constater qu’elle contribue à sa façon à redynamiser le commerce de coeur de ville, avec une proximité qui se veut géographique et relationnelle, et qui surfe sur les nouveaux désirs consommateurs. À l’heure où les distributeurs bio spécialisés sont sortis des villes pour s’installer en périphérie… L’alimentaire à initié le mouvement avec, en pionnier Carrefour Express, rapidement copié et parfois dépassé par U-Express ou Casino shopping. Le conseil et le service y sont privilégiés : retrait pressing, pain frais, accès wifi, snacking bar, etc.

Les enseignes spécialisées et multi-spécialistes suivent avec le retour des magasins de bricolage dans les centres villes (Mr Bricolage), ou le tout nouveau format « miniaturisé » centre ville de la FNAC.

Notons que les retails parks et grands centre commerciaux ont aussi pris la mesure de ce concept de proximité, soit en intégrant harmonieusement des centres commerciaux au coeur des villes soit en urbanisant et en humanisant les centres commerciaux a ciel ouvert avec allées piétonnes. La tendance est à la création de lieux de vie à l’image des centres villes et à l’intégration des normes de convivialité du commerce de proximité : un accueil renforcé et une palette de services (kiosques à journaux, cabinets médicaux, notaires…), comme le futur espace commercial Muse à Metz (ouverture 2014).

Notons aussi le renouveau des magasins-distributeurs automatiques de proximité qui proposent dans des lieux de transit, des rues ou des banlieues isolées du pain frais, des légumes et autres denrées quotidiennes de dépannage.

fingrandedistribution● Que faire des hypermarchés ? Le format hypermarché n’a plus la côte. Il subit depuis la fin des années 1990 un lent désamour, confirmé en 2011. La récession économique actuelle dope temporairement son activité, mais au prix de promotions accrues, qui plombent les marges. Chaque enseigne profite de ce sursis temporaire pour réinventer ce méga-format à l’origine de la grande distribution, et qui reste nécessaire pour la grande distribution, car assurant notamment les volumes d’achats nécessaires pour négocier avec les grandes marques.

Les stratégies générales vont de la revalorisation du rayon produits frais (avec comme exemple la chaîne Grand Frais ou le magasin bio américain Whole Foods), à des promotions de vente simplifiées, et au désir de contrer l’effet « drive » en améliorant le service et le conseil. La formule idéale n’existant pas encore, chaque enseigne suit son propre chemin :

– Casino rétrécit ses hypermarchés Géant en amputant leur surface pour loger de nouveaux surfaces spécialisées.
– Leclerc tient compte de l’emplacement socio-démographique en misant à la fois sur un positionnement prix historique avec un aménagement « populaire » (Leclerc Atlantis de Nantes, organisé comme un grand bazar), et un positionnement haut de gamme et service avec son nouvel hyper situé dans le centre commercial SOouest : mobilier et têtes de gondoles « premium », parking à Caddies, prix très élevés sur certains produits (vins).
– Auchan croit au modèle traditionnel du « tout sous le même toit » pour présenter toute la gamme des produits recherchés par les différents consommateurs : premiers prix, MDD, marques nationales, produits bio, locaux, premium.
– Carrefour teste le successeur de feu Carrefour Planet dans l’hypermarché de L’Haÿ-les-Roses (Mur tactile de commande pour le gros électroménager, point de retrait Relais Colis ). Il revient en attendant sur une communication discount. Le nouveau Carrefour de La Chapelle Saint-Luc à Troyes met l’accent sur le discount alimentaire, notamment les rayons frais et les produits locaux. Sa configuration, originale pour un hyper, est calquée sur celle d’un supermarché.

Sauveur Fernandez, www.econovateur.com (1ère parution : www.biolineaires.com n° 44 déc 2012)

Passionné de bio depuis 27 ans, Sauveur Fernandez est expert indépendant en marketing durable et éco-innovation. Pionnier français des principes de la communication responsable, il décrypte les tendances à venir, et aide les marques et distributeurs à la création de produits et services éthiques.

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