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avenir du e-commerce

2020 : la fin du e-commerce… ou l’avènement du commerce connecté ?

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« 2020, la fin du e-commerce ? » Ainsi posée, la question peut paraître quelque peu déroutante : elle peut laisser entendre que l’évolution fulgurante de la vente en ligne, initiée il y a maintenant quinze ans et animée par la formidable dynamique que nous connaissons tous, pourrait prendre un jour fin à horizon dix ans. Derrière ce titre se cache une autre réalité. Non pas celle de la mort du commerce en ligne, mais plutôt celle de la fin de la distinction artificielle entre e-commerce et commerce.
 
Selon une étude réalisée par la Fevad pour le Ministère de l’Economie, une conviction forte apparaît : les consommateurs de demain ne connaîtront pas cette dichotomie entre l’achat en ligne et l’achat magasin. Ils prendront les bons côtés du e-commerce : la recherche facilitée, le gain de temps, le fait de pouvoir commander 24 heures sur 24, les avis clients… et de l’achat de proximité dont la dimension humaine et physique restera primordiale : le contact avec un vendeur, la possibilité de voir les détails d’un produit, l’immédiateté de la possession, la scénarisation de l’offre et du parcours client…
Le commerce de demain permettra naturellement à un acheteur de rechercher un produit sur un support digital, de décider s’il veut l’acheter en magasin ou en ligne, à partir d’un terminal fixe ou portable, de se le faire livrer ou le retirer dans un magasin près de chez lui, bénéficier d’un SAV près de chez lui ou aller le retirer dans un point relais, un point de vente ou chez un particulier. Le e-commerce sera une expérience d’achat totalement intégrée à la vie réelle.
 
Le monde marchand de demain sera plus complexe car il sera plus ouvert. Et il oblige dès aujourd’hui les décideurs à penser vite, multi-écrans et cross-canal pour faire entrer en cohérence leonline et le offline. La fin de la dualité entre commerce et e-commerce marquera l’avènement d’une nouvelle ère : celle du commerce « connecté ». Magasins physiques et virtuels seront plus que jamais connectés entre eux, et connectés sur l’extérieur, créant ainsi une proximité nouvelle avec les consommateurs.
 
Face à ces perspectives pleines de promesses, la régulation du e-commerce devient aussi un enjeu majeur. Elle se doit d’accompagner le développement du e-commerce, de fournir un environnement stable, équilibré, responsabilisant, et qui permettra à la fois de sceller la confiance des consommateurs, et d’encourager les entreprises à investir dans la voie de l’innovation et du progrès afin de répondre aux exigences du commerce de demain.
La Fevad, à travers cette étude prospective réalisée par Catherine Barba, avec le soutien de la DGCIS et le concours de nombreux acteurs et experts, vous propose de tracer les grandes lignes d’horizon de ce que sera le paysage e-commerce dans 10 ans. Où va l’e-commerce ?
Une certitude : nous ne sommes qu’au tout début de cette révolution qui va continuer de bouleverser le monde pour le siècle à venir, offrant des services que nous ne pouvons pas imaginer aujourd’hui. Personne ne sait ce qui sera inventé…

Le paysage du e-commerce du futur

A quoi ressemblera le monde en 2020 ? Situation instable de l’économie mondiale, désordre financier, croissance démographique fantastique et déséquilibres considérables… d’immenses incertitudes pèsent sur le monde.
Les grandes tendances financières, démographiques et technologiques apportent un éclairage sur ce monde de 2020 où tout sera interdépendant.
 
Le monde de 2020
 
D’un point de vue financier, le centre financier du monde s’est déplacé vers l’Asie, et les maîtres de l’économie mondiale sont pris dans des difficultés considérables : le système financier américain est dans une grande instabilité, au Japon la population vieillit et se réduit ; en Europe, l’endettement est énorme.
Les pays occidentaux, qui vivent très au-dessus de leurs moyens depuis 1979, ont dû maintenir à tout prix la consommation. On a ainsi assisté à une aug­mentation de la dette, financée non pas par des revenus réels liés au travail mais par la plus-value dégagée par augmentation de la valeur de l’actif ; Grèce, Irlande et Portugal sont proches de la faillite. Il n’y a pas de mobilité des forces du travail en Europe. Et pas de budget fédéral pour compenser les différences de compétitivité.
Le monde ne manque pourtant pas d’argent. La valeur du patrimoine monétaire des actifs financiers mondiaux est estimée en 2011 à 400 trillions de dollars.
L’humanité a de quoi financer sa croissance, mais l’instabilité et la fragilité des systèmes financiers font peser de grandes incertitudes sur ce que sera 2020.
 
Les tendances démographiques sont plus faciles à prévoir. En 2050, la pla­nète comptera au moins neuf milliards d’habitants, avec une forte croissance de la population américaine qui atteindra 500 millions. L’actuelle Union Euro­péenne restera stable. Dès 2035, il y aura plus de Français que d’Allemands, de Turcs que de Russes. En Inde il y a aura 1,4 milliard d’habitants, en Chine 1,3 milliard, et le Nigeria sera le troisième plus grand pays de la planète en population. La population africaine doublera pour atteindre deux milliards en 2050.
L’espérance de vie continuera à augmenter de deux mois par an dans les pays développés. Les enfants qui naissent aujourd’hui en 2011 seront cen­tenaires. Dans des pays comme l’Inde ou la Chine, la priorité économique est déjà d’avoir des garçons. Si l’avortement sélectif se généralise, le manque de femmes s’installera : on estime à 150 millions le nombre de femmes qui « manqueront » en 2050. La dichotomie entre la situation matérielle des hommes, plus urbains et des femmes, plus présentes dans les campagnes, sera forte.
 
L’autre mutation démographique très importante sera le déplacement des populations. Le mouvement sera la règle. Quand seulement trois millions de personnes aujourd’hui font leurs études à l’étranger, un milliard de personnes vivront dans un autre pays que celui où elles sont nées à horizon 2050.
Enfin, si aujourd’hui la moitié de la population planétaire vit en ville, en 2050 ce sera les deux tiers, et 1000 villes dépasseront cinq millions d’ha­bitants. La population urbaine doublera en moins de 40 ans. Eau, voiries, logements, apports alimentaires et commerce, tout devra s’adapter.
Aujourd’hui, ce sont 2000 milliards de tonnes de céréales qui sont produites dans le monde. Pour répondre aux besoins alimentaires de 7 à 9 milliards d’êtres humains, avec le basculement de la population urbaine, l’augmenta­tion de l’espérance de vie… il faudra doubler cette production !
 
En matière de technologie, il y a aujourd’hui un extraordinaire optimisme dans les progrès techniques. Internet formera probablement l’infrastructure à par­tir de laquelle s’accomplira une diffusion sans précédent du technologique dans tous les aspects de nos vies.
Certains affirment que nous sommes entrés dans une révolution, la troisième, après celle de l’industrie et de l’agriculture. « Elle qui n’a pas encore de nom. Ce sera la vague de la « grande convergence » entre informatique et ré­seaux, nanotechnologies, biotechnologies et sciences cognitives – ce que les Américains résument par l’acronyme « NBIC », en y injectant des milliards de dollars. Nous serons capables d’ «augmenter» les objets, l’espace, les corps, les esprits de manière à la fois mécanique, chimique et informatique » prédit Jean-Michel Billaut.
 
Si les évolutions technologiques vont bouleverser la façon dont nous nous servons d’Internet (voir infra), elles vont aussi bouleverser l’ensemble des systèmes bancaires.
Un milliard de personnes dans le monde en 2011 ont un compte bancaire ; 5 milliards disposent d’un mobile. Aux Philippines, au Kenya, le mobile est avant tout un moyen de paiement. La révolution de l’achat mobile est entamée, beaucoup plus importante qu’annoncée. Les achats au moyen du mobile ont explosé. Les téléphones intelligents et les tablettes numériques de prochaine génération seront tous dotés d’une technologie favorisant le paiement mobile.
Face à ces évolutions, les interrogations sur le futur de l’e-commerce, et plus globalement du commerce, vont bon train. 
 
Quelles sont les questions à travers lesquelles on envisage l’e-commerce de demain ?
 
Une cinquantaine d’entretiens menés auprès d’acteurs du e-commerce a conduit les auteurs du rapport à identifier les interrogations que soulève le futur de l’e-com­merce. Ont été retenues ci-après les plus fréquemment posées :
 
Quel sera le canal principal en 2020 pour accéder aux consommateurs ?
Le mobile ! Répondent massivement les e-marchands d’aujourd’hui. Croissance fulgurante, évolutions ergonomiques annoncées et un moyen de communica­tion et d’achat qui sera dans toutes les poches.
En matière de relation clientd’abord, le téléphone (en réalité augmentée en 2020 ?) a des chances de rester en bonne place. Quand on pose aujourd’hui au client la question du canal privilégié pour entrer en contact avec le service client (source BVA observatoire des services clients), le téléphone recueille 51% des suffrages, suivi du face-à-face (25%), du site internet (13%), de l’email (10%) et du courrier postal (3%). La motivation du recours aux deux premiers canaux est « le contact humain ».
En demandant aux décideurs quels canaux ils privilégieront pour interagir avec leurs clients, ils répondent : l’email à 24%, le Web à 24%, le téléphone à 23%, le face à face et le courrier à 19% et le mobile à 10%. (source Markess 2010). Ces chiffres mis face à face révèlent l’opposition entre les attentes des clients et la vision des entreprises.
Chaque canal de contact devra se réinventer pour offrir davantage de relation et encore plus d’expériences, plus de valeur ajoutée dans l’échange, et don­ner au client de l’humain, du sourire, de bons souvenirs.
En matière d’achat, le téléphone mobile est un support qui se prête très bien à l’achat d’impulsion. Selon Accenture, huit détenteurs de smartphones sur dix aimeraient pouvoir télécharger des coupons de réduction et trois sur quatre souhaiteraient les recevoir en temps réel sur leur lieu d’achat, simple­ment en passant devant un produit.
Pour l’heure, le push de SMS brandissant une promotion quand on passe devant un magasin évoque plutôt la maladresse des sites marchands de 1995. Cependant, beaucoup d’innovations sont en train d’ouvrir la voie vers cette réalité. Ainsi, !iButterfly est une application iPhone japonaise de réalité augmentée qui permet de capturer des coupons sous forme de papillons. En utilisant le capteur de mouvement, les gens seront en mesure de profiter de la capture de coupon et cela physiquement pour obtenir de l’information utile, des contenus, et des réductions. L’application disponible sur le Store en japonais est une réussite et permettra dans un avenir proche de faire des campagnes marketing en chassant le papillon.
En matière de fidélisation,de nouveaux services font leur apparition sur les smartphones : des applications portefeuilles de cartes de fidélité multi-enseignes (Fidall ou Fidme) ou de distributeurs (Best Buy, Starbucks, Casino, Carrefour, Auchan) se substituent aux cartes physiques. La Croissanterie propose même de cumuler ses achats avec sa carte de transports en commun. L’avènement des programmes de fidélité dématérialisés devrait en tout logique suivre la courbe d’adoption des téléphones connectés à Internet. Avec 62 millions de cartes de fidélité dans la grande distribution par exemple (le client français possédant en moyenne 3,7 cartes de fidélité), l’enjeu pour les enseignes se conçoit aisément.
 
Pour les retailers enfin, les possibilités d’usage sont nombreuses et en­thousiasmantes. Avec le mobile, on passe de la logique Web « je recherche quelque chose » à « je suis ici, dites-moi ce qu’il y a autour de moi », rendue encore plus facile et intuitive dans les années qui viennent par la disparition annoncée des url au profit des applications. On se promènera dans la rue comme on surfe sur le Web, dans une réalité augmentée.
On voit déjà des vitrines interactives communiquer avec les mobiles. Franprix à Paris, qui déclare vouloir passer de « supermarché à supermarchand » a placé sur les vitrines de certains de ses magasins des iPhones géants permettant d’obtenir de l’information sur son quartier : les stations Velib’ les plus proches et le nombre de vélos disponibles, les stations de métro et les heures des prochains passages. Auchan a développé une application qui fait figure de « GPS de magasin ».
Aux Etats-Unis, les nouveaux autocollants de vitrine de Google, avec une puce qui communique avec n’importe quel téléphone équipé d’une puce NFC permettent d’obtenir toutes les in­formations sur un commerçant. On peut facilement imaginer d’ajouter ces autocollants sur une affiche publicitaire ou une vitrine.
Google Shopping affiche l’ambition de permettre de dire où trouver à proxi­mité et à quel prix, le produit que vous cherchez ; une sorte d’« Around Me » produit qui fonctionnerait, mêlant Web et physique.
 
Le T-commerce (e-commerce sur les TV interactives, basé sur des moteurs de recommandation sémantiques et sociaux) est aussi souvent évoqué comme autre canal principal de demain pour accéder aux clients. Les innovations en cours en matière de télévision connectable et connectée sont très im­portantes, et vont accélérer l’abandon de textes et d’images sur les sites e-commerce au profit de la vidéo.
« 60% du contenu des sites e-commerce est  déjà en vidéo », prévoit Frédéric Pie, fondateur de Hubee, spécialiste de la télévision connectée. Une façon plus agréable d’accéder à du contenu sur la marque, un produit, d’écouter un avis consommateur ou expert. « Une étude Forres­ter démontre par ailleurs que du contenu video permet de multiplier par 53 l’efficacité de son référencement naturel sur Google » confirme Alexandre Garnier d’AWE.
 
La croissance d’Internet va-t-elle se poursuivre ? Sous quelle forme ?
 
Une toute récente étude de Cisco « VNI global IP traffic forecast » donne des chiffres vertigineux sur la montée en puissance du trafic Internet et de l’usage de la vidéo d’ici 2017.
 
Le nombre de moyens de communication connectés en 2015 est ainsi deux fois supérieur à la population connectée ; chacun utilise en moyenne deux types d’accès à Internet, couplant PC, TV, tablettes, smartphones…
L’étude souligne aussi que depuis 2012, le contenu disponible sur Inter­net est à plus de 50% en format video (sans compter les video échangées en Peer to Peer). Ce chiffre atteint 62% en 2015. La video sous toutes ses formes (TV, video on demand, Internet, P2P) représente ainsi approximativement 90% du trafic global d’Internet en 2016.
Un million de minutes de contenu video est déposé par seconde sur le réseau en 2016, soit l’équivalent de cinq ans de visionnage !
Ces chiffres colossaux indiquent qu’il faudra sans doute se préoccuper des tuyaux. La capacité d’adapter les infrastructures aux besoins du commerce connecté sera sans doute aussi un des grands enjeux de demain.
 
Les consommateurs chercheront-ils toujours le prix bas ?
 
La question du prix sur Internet est actuellement en train d’évoluer, no­tamment à la faveur de l’arrivée massive des marques et des retailers sur l’e-commerce, contraints par leurs réseaux de distribution d’aligner leur politique de prix. Ne pouvant pas afficher des prix moins chers que leurs prix physiques, ils ne peuvent pas attirer les internautes par une promesse fondée sur le prix.
Selon les sources et le prisme de l’interlocuteur sur le sujet du prix bas, la position varie sensiblement : selon les marchands, 55% des Français qui achètent sur Internet le font pour les prix bas, quand 84% le font pour des raisons pratiques (Etude Bearingpoint/LSA 2010). D’après Médiametrie : 98% des internautes répondent « le prix » à la question « Quels sont les principaux critères qui déterminent votre choix d’un site pour vos achats ? ». Viennent seulement après les délais de livraison garantis et un bon service après-vente (93%), suivis des frais de livraison offerts (90%).
 
En réalité, même si le succès de Cdiscount, Groupon, PriceMinister ou Vente-Privée laisse à penser que les consommateurs ne sont pas si indiffé­rents que cela à la bonne affaire et au prix discounté, il apparaît clairement qu’ils ne cherchent plus seulement le plus bas prix.
A l’usage, Internet a modifié leur perception de valeur d’un produit, laissant une importance croissante à la dimension de service. Si l’internaute com­pare les prix, il le fait en incluant au moins six autres dimensions : la qualité du produit, la largeur de l’offre, les services proposés (coût et délais de livrai­son, SAV, extension de garantie…), la qualité de son expérience sur le site (la navigation, la clarté de présentation des produits, la simplicité de l’achat), la confiance que lui inspire le marchand et enfin le rapport qualité/prix.
C’est sur l’ensemble de ces critères qu’il va arbitrer pour décider chez quel marchand passer sa commande. Le prix n’est plus l’attribut déterminant, et cela même sur des marchés très compétitifs.
La récente étude menée par OC&C sur l’attractivité des sites e-commerce en Europe le prouve : les champions, quel que soit le pays, ne sont pas les moins chers.
Pour le marchand, le problème ne sera pas tant demain d’être le plus bas que d’être très bien positionné sur le bon mix produit/image/prix auprès de sa cible. Il faudra une perception de «value for money», en donner beaucoup aux consommateurs tout en gardant des prix raisonnables. Ce qui impliquera de faire les bons choix logistiques pour avoir une qualité acceptable de livrai­son, et atteindre une certaine taille pour que les marges brutes couvrent les dépenses de shooting du catalogue, d’IT, de SAV et de marketing.
Ce sera une équation difficile à tenir, surtout dans le milieu de gamme où la concurrence est foisonnante. Pour avoir des chances d’y parvenir, il faudra être redoutablement efficace dans son travail sur son image de marque et son merchandising ; soigner son image, les visuels, la scénarisation des pro­duits pour faire envie et donner un sentiment de qualité, de sérieux. Autant d’éléments à travailler pour créer la confiance et affirmer une différenciation sur d’autres dimensions que le prix pour attirer les acheteurs.
L’enjeu ne sera donc plus d’être le moins cher, mais d’être le moins cher pour la valeur apportée.
 
Les mutations actuelles du e-commerce s’inscrivent, soulignent enfin cer­tains, dans l’histoire du commerce moderne qui a démarré avec Aristide Boucicaut en 1852, fondateur du Bon Marché. Un regard sur le passé rend compte que toutes les formes de ventes « naissent par le prix » et que toutes « meurent par le prix ». Pour résumer, Monoprix, dans les années 1930, était le Lidl de son époque. A quoi ressemblera Cdiscount en 2020 ?
 
Le social shopping est-il une mode qui passera ?
 
Le sujet divise. Une partie des acteurs de l’e-commerce affirme, comme ce dirigeant d’enseigne click et mortar : « Votre ébullition Webosphérique à la sauce 2.0. est très loin de mes préoccupations de commerçant. Mes sujets du quotidien, c’est le prix, le service, la fidélisation, l’approvisionnement, la gestion des hommes de terrain et la logistique… ».
La majorité se dit cependant que les réseaux sociaux vont devenir de véritables places de marché.
« Les sites e-commerce existeront toujours », avance Christine Balagué, « mais il y aura vraisemblablement le transfert d’une partie importante des achats sur ces sites. On verra se créer des plateformes communautaires avec des monnaies virtuelles, en tous cas, des systèmes de monétisation qui permettront notamment l’achat en peer to peer. Il faudra s’adapter à ces phénomènes, au-delà de simplement vendre sur Facebook. Et réfléchir au e-commerce comme un élément de social shopping communautaire ».
 
Pour Loïc Le Meur, le commerce social via les médias sociaux ira bien au-delà de Facebook Connect. Les consommateurs n’achèteront plus rien sans consulter leurs amis au préalable. Ce nouveau comportement continuera durablement à changer les règles : il sera courant de voir ce que ses amis pensent en temps réel d’un produit, de savoir en temps réel quels sont les produits dont on parle le plus, quels sont les plus achetés ; tout convergera vers un commerce électronique social, temps réel et mobile. Marchands et clients disposeront ainsi d’un outil leur permettant de savoir quels produits se vendent le mieux dans la semaine ou le mois auprès des autres acheteurs.
 
Serge Soudoplatoff aussi soutient que nous allons continuer à assister à une explosion du social shopping. « On fera du commerce à plusieurs. La tech­nologie permettra, en surfant sur un site e-commerce, de savoir si un de mes amis y est en même temps, de l’appeler, et de surfer sur le même site, de façon synchronisée. Ceci répondra tant au besoin de réassurance qu’à l’envie d’un acte d’achat hédoniste et communautaire. De même, on assistera au développement de l’indexation par la foule, du « crowd sourcing », l’indexa­tion par la foule de vieux bouquins, de films… Une raison supplémentaire pour ouvrir ses bases de données et les confier à leur (bonne) exploitation par la foule ; il faudra tout faire pour faciliter le lien ».
 
Quelles seront les technologies de demain ?
 
Notre imaginaire technologique contemporain a été bouleversé. D’une vi­sion du futur inspirée de « 2001 L’Odyssée de l’espace », avec des objets techniques étrangers à notre intimité et à notre entendement, nous sommes passés en moins d’une génération à Internet, qui modifie notre rapport au monde, et dont on voit nos enfants avoir une compréhension immédiate et un usage intuitif.
Nous sommes dans un monde où, comme le dit Henri Kaufman, « jamais le futur n’a été aussi proche et le passé aussi loin ». Tous les deux ans appa­raissent des notions nouvelles, des technologies nouvelles ; il y aura en 2020 des notions que nous sommes incapables de connaître aujourd’hui.
On peut cependant identifier trois domaines qui pourraient être bouleversés par les nouvelles technologies « 3.0 » à un horizon assez proche, et qui devraient fortement modifier les possibilités du e-commerce :
–          Le Web sémantique :
Des avancées considérables ont été réalisées ces dernières années dans le domaine du traitement automatique du langage naturel, autrement appelée Ingénierie Linguistique.
Aujourd’hui Google répond par une liste de sources ; à l’utilisateur de faire la synthèse. Le Web sémantique, qui complète les balises HTML par des balises porteuses de sens, opèrera une synthèse et donnera une réponse qui créera de nouveaux aiguillages. « Google par rapport à un moteur séman­tique, c’est comme une diligence à l’âge de la voiture à hydrogène » affirme Jean-Marie Boucher de Consoglobe.
Philippe Humeau le confirme : pour traiter la colossale quantité de données qui sera produite en 2020, il faudra de l’intelligence artificielle intégrée, des raisonnements moins linéaires. Des ordinateurs quantiques, permettant de gérer infiniment plus d’informations différentes simultanément, le Web sémantique et de l’intelligence artificielle permettront de trouver très sim­plement et très rapidement ce que l’on cherche.
–          Le Web pervasif :
Il s’agit d’un réseau omniprésent, fait d’objets qui communiquent entre eux, « device to device », « object to object », « machine to machine », comme c’est déjà le cas avec la RFID (Radio Frequency Identification ou identification par Radio Fréquence), une technologie permettant d’identifier un objet, d’en suivre le cheminement et d’en connaître les caractéristiques à distance grâce à une étiquette émettant des ondes radio, attachée ou incorporée à l’objet.
Chaque objet aura ainsi une adresse IP. A la faveur du développement de la 3D et des hologrammes, le basculement vers le commerce virtuel deviendra une réalité, la barrière entre le « virtuel » et le réel cèdera, de même que celle qui séparait le « naturel » de « l’artificiel ».
Cela déchargera aussi l’homme de 2020 d’une partie de ses tâches. Par exemple, en voiture, un logiciel intelligent communiquera avec le logiciel du garagiste et pourra indiquer : « dans 3 semaines, à la vitesse où vous roulez, il faudra faire une révision. La lecture de nos deux agendas fait apparaître une possibilité jeudi matin à 9h30 ». Dans les agences de voyage, à la de­mande : « nous sommes cinq, avec un chien, nous aimerions aller au soleil les deux premières semaines d’août, nous aimons la montagne et le tennis mais avons un budget limité », le Web pervasif apportera de façon automa­tique des suggestions intelligentes.
–          Le marketing nomade :
Au-delà du multicanal, c’est le « seamless marketing », le marketing sans couture. Un marketing nomade pour des consommateurs nomades. Le mar­keting d’applications, notamment mobiles, va beaucoup se développer, pour affiner la géopersonnalisation, la contextualisation.
Pour réaliser ce marketing lié aux applications (téléchargées mais aussi celles invisibles, entre machines), il faudra des équipes pluridisciplinaires, faire travailler ensemble le marketing, l’informatique et les forces de vente.
 
Quels seront les modèles économiques du e-commerce de demain ?
 
Nous sommes dans un monde d’hyper compétitivité qui s’autorégule par la loi du marché. Les situations de monopole ou même simplement de lea­dership sont extrêmement précaires.
« Aujourd’hui, on assiste déjà au relatif déclin d’eBay en France, son modèle a vieilli parce qu’il n’a pas apporté suffisamment de confiance et a dû faire face à la montée de la concurrence d’Amazon, du Bon Coin, de PriceMinis­ter, qui ont grignoté son territoire » analyse Jean-David Chamboredon.
Demain, beaucoup de business models cohabiteront ou s’enchevêtreront : l’e-commerce, le cross-canal, les marketplaces, les sites « on demand », les sites d’achats groupés, le social commerce, les achats instantanés sur mobile avec un discount, le people to people, de nouvelles intermédiations très locales comme le modèle de coursenville.com, qui permet de faire ses courses sur le net chez ses commerçants de quartier, puis de les récupérer le soir même ou de se les faire livrer à son domicile…
Le yield management (optimisation du prix en fonction de l’intensité de la demande), les systèmes d’enchères, les deals de dernière heure se systéma­tiseront et s’appliqueront à la plupart des secteurs.

La fin du e-commerce ?

La question ne signifie finalement pas tant que la mort du e-commerce est aujourd’hui en question, qu’elle signe la fin de la distinction artificielle entre e-commerce et commerce.
Les consommateurs de demain ne connaîtront pas cette dichotomie entre l’achat en ligne et l’achat magasin. Ils prendront les bons côtés du e-com­merce : la recherche facilitée, le gain de temps, le fait de pouvoir commander 24 heures sur 24… et de l’achat de proximité dont la dimension humaine et physique reste primordiale : le contact avec un vendeur, le conseil, le service client, la possibilité de voir les détails d’un produit, l’immédiateté de la possession…
Le commerce de demain permettra naturellement à un acheteur de recher­cher un produit sur un support numérique, de décider s’il veut l’acheter en magasin ou en ligne, se le faire livrer ou le retirer dans un magasin près de chez lui/bénéficier d’un SAV près de chez lui ou aller le retirer dans un point relais, un point de vente ou chez un particulier.
 
Le e-commerce sera une expérience d’achat totalement intégrée à la vie réelle.
Vincent Ravat de Hammerson affirme : « On pourra imaginer de limiter la taille des locaux physiques mais de multiplier les outils technologiques pour ouvrir le choix : pour le consommateur, le magasin sera la partie visible de l’iceberg en présence sensorielle, complété par la puissance de la technologie afin de créer une expérience globale. Les outils technologiques ne constituent pas une fin en soi pour le consommateur qui voudra aussi un retour vers le réel plus simple, plus concret, plus personnel, plus humain. En aucun cas, chacun se retrouvera isolé derrière un ordinateur ou un téléphone portable. Le challenge pour l’e-commerce sera d’allier les nouvelles technologies et le retour au réel».
La fin de l’e-commerce, c’est donc aussi celle du commerce physique tel qu’on le pratique aujourd’hui.
Le magasin s’intègrera dans un processus cross canal, pour communiquer avec ses clients en amont et en aval de la décision d’achat, via le Web et le mobile ; il se prolongera sur le Web, sur les réseaux sociaux, sur le mobile. Ce sera un magasin « multimodal », accessible en permanence, répondant au besoin du client de commander où il veut, quand il veut.
Pour créer le lien avec Internet, le magasin sera vraisemblablement multi-connecté, digitalisé, avec des recours à un éventail très large de technologies utilisant smartphones, écrans, bornes RFID, mobiles tag, bornes de réalité augmentée… Un magasin interactif avec le consommateur.
Chez Uniqlo au Japon, les clients qui ne trouvent pas leur taille peuvent déjà passer commande sur une borne Internet, se faire livrer le produit à domicile ou venir le retirer en magasin ou dans un « Combini », un réseau d’épiceries de quartier ouvertes dans toutes les rues 7 jours sur 7, 24h sur 24, offrant des services d’une variété inouïe : DAB, fax, point relais, espace repas…
 
Parce qu’en ligne, sur le site e-commerce, le client se retrouve souvent relativement seul avec les produits, il placera la relation humaine à un ni­veau d’exigence très supérieur en magasin. Plus que jamais, face à une expérience d’achat online sur un mode self-service, le client sera sensible au contact humain et aux attentions, en magasin, mais aussi par téléphone. Zappos ne fait peut-être que 5% de ses commandes via le téléphone, mais surinvestit sur ce canal pour en faire une expérience mémorable, car il fait le pari qu’un jour ou l’autre chaque client appellera.
 
Avant, on vendait des produits, demain vendra de l’expérience. Il faut créer des expériences nouvelles de consommation, et pour cela être ouvert, créa­tif : prendre les mensurations avec un scanner laser, s’occuper des enfants, gérer les déplacements de ses clients ; en Chine, Carrefour affrète des bus pour éviter à ses clients d’utiliser leurs voitures.
En 2020, le client ne voudra pas d’une transaction froide ni d’une relation sans saveur ; il cherchera une expérience riche et personnalisée. Les mar­chands mettront ainsi la priorité sur le service et sur l’humain, avec un lien chaleureux, convivial. Comme à La Grande Récré, où les employés portent un badge qui les qualifie de « grande soeur conseil» ou « papa conseil ».
L’enjeu sera d’apporter sur chaque canal une expérience client pédagogique, interactive et surprenante. Une expérience humaine source de plaisir et d’émotion.

Conclusion

Les mutations actuelles du e-commerce et du commerce constituent autant de nouveaux gisements de valeurs pour les commerçants. Autant de contraintes aussi. Le monde marchand de demain sera plus complexe car plus ouvert. Il oblige dès aujourd’hui les décideurs à penser vite, multi-écrans et cross-canal, pour faire entrer en cohé­rence le online et le offline.
Si les consommateurs recherchent le meilleur rapport qualité/prix, ils attendent aussi dès aujourd’hui une expérience d’achat nouvelle ; loin d’être devenus virtuels, ils sont devenus au contraire ultra-sensibles aux attentions, aux attitudes, aux promesses des entreprises, et à la cohérence des preuves qu’elles leur apportent sur tous les points de contact.
Au final, pour séduire un consommateur exigeant, surinformé, en quête d’émotion et de sens, il faudra en 2020 être capable de revenir aux fondamentaux du bon sens commerçant tout en utilisant la tech­nologie qui évolue sans cesse ; être un marchand au don d’ubiquité, qui toujours pense client.
Car, pour avoir une chance de continuer à capter le client, gérer l’incertitude, ce mouvement perpétuel du cross-canal, il faudra sans cesse s’adapter à ses attentes, et pour cela faire preuve de beaucoup d’empathie et d’écoute ; être totalement connecté sur le consomma­teur et son expérience, car c’est bien cela qui fait revenir le client et amène in fine la rentabilité.
 
Positionnement et merchandising adéquat, ouverture, transparence, écoute et relationnel clients sur tous les canaux : c’est au final un sacré programme de fond qui attend les commerçants, les marques et les distributeurs s’ils veulent compter parmi les leaders du commerce « connecté » de demain.
Face à ces défis, les pouvoirs publics devront continuer à favoriser l’adaptation des infrastructures aux besoins du commerce connecté, garantir la protection du consommateur, créer les conditions juridiques du développement du e-commerce européen face aux Etats-Unis, mais il ne sera pas de leur ressort de changer les mentalités, les pra­tiques et les usages pour « réinventer » les entreprises du commerce.
 
C’est à chaque responsable, à chaque individu de prendre des ini­tiatives, d’être réactif et se remettre en cause régulièrement, parce qu’Internet fait bouger les choses à toute vitesse, et que les marques et les distributeurs qui ne le font pas seront en décalage avec les attentes et les besoins de leurs clients. Il faut 2500 heures pour maî­triser une nouvelle langue ; les champions du commerce de demain seront les entreprises qui auront mis les chantiers en œuvre le plus tôt possible pour s’adapter, adopter une façon résolument nouvelle de penser client et organisation d’entreprise. Demain aussi, l’enjeu ne sera pas tant technique qu’humain.
 
Source : Fevad- Catherine Barba
 

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