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Les réseaux sociaux, pour le meilleur et pour le pire

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Huit Français sur dix perçoivent les réseaux sociaux comme un danger plutôt qu’un bénéfice pour les enfants et adolescents : c’est ce qui ressort de la dernière étude de l’Observatoire Cetelem (1) à travers une enquête inédite qui s’est intéressée aux usages qu’ont les Français des réseaux sociaux. Il en ressort qu’ils favorisent davantage l’isolement que le lien social. Les géants Facebook, Instagram, Twitter, TikTok, Snapchat, YouTube ou encore WhatsApp sont les réseaux sociaux que les Français connaissent le plus. Cependant, notoriété ne rime pas nécessairement avec popularité.

Les zOOms de l’Observatoire Cetelem, accompagnés par Harris Interactive, ont choisi d’explorer une nouvelle thématique intitulée  » Les réseaux sociaux, pour le meilleur et pour le pire « . Cette première enquête s’est intéressée aux usages qu’ont les Français des réseaux sociaux et à la façon dont ils les perçoivent, et vient corroborer de nombreuses études comme celle réalisée par des chercheurs et des économistes du MIT et de l’université Bocconi qui établit définitivement l’impact négatif des réseaux sociaux sur la santé mentale des adolescents et jeunes adultes. Qu’on le veuille ou non donc, l’utilisation des médias sociaux impacte la santé mentale.

D’autres études récentes suggèrent que les personnes qui utilisent fréquemment les réseaux sociaux se sentent plus déprimées, plus anxieuses et plus seules que celles qui passent plus de temps loin des écrans. Ces réseaux, conçus comme un outil permettant aux individus de pratiquer une forme de sociabilité « en ligne » avec leurs « amis », comme on les appelle, modifie-t-il notre sociabilité ? Selon l’étude de l’Observatoire Cetelem, 81% des utilisateurs de réseaux sociaux s’y rendent quotidiennement, dont 18% toutes les heures voire plus… une proportion qui atteint 46% chez les 15-24 ans. Les Français utilisent les réseaux en priorité pour se divertir (51%), discuter avec leurs proches (51%), s’informer sur l’actualité (27%), ou trouver de l’inspiration (26%).

Les réseaux sociaux sont perçus par les Français comme un danger plutôt qu’un bénéfice pour les enfants et adolescents (81%), la vie privée (78%) et la qualité de l’information (62%). Et si leur promesse initiale était de rassembler et connecter les personnes entre elles, aujourd’hui les réseaux sociaux sont davantage vus comme un facteur d’isolement social (58%) que de lien (42%).

Pour les Français, les réseaux sociaux riment davantage avec addiction (86%) qu’avec partage communautaire (84%). Un risque d’addiction qui est autant reconnu par les jeunes (89% chez les 15-24 ans) que par les plus seniors (86% chez les 65 ans et plus).

Des réseaux pas si virtuels

Si YouTube (84%) et WhatsApp (72%) jouissent d’une très bonne image, d’autres sont plus controversés, avec des taux de mauvaise image relativement élevés : Facebook (35%), mais surtout Twitter (44%) et TikTok (56%). A noter que les plus jeunes ont une image des réseaux nettement meilleure que les autres générations. Pour les utilisateurs, les réseaux sociaux sont une réalité de tous les jours puisque 81% d’entre eux indiquent s’y rendre quotidiennement. Et ils sont 18% à les consulter toutes les heures voire plus souvent, un chiffre qui atteint 46% chez les 15-24 ans.

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Les Français affirment être inscrits en moyenne sur 4 réseaux sociaux différents, et jusqu’à 7 pour les 15-24 ans. Cependant, ils ne publient régulièrement que sur deux d’entre eux en moyenne. Facebook est le réseau le plus utilisé avec 71% de la population qui y a un compte et qui l’utilise, devant WhatsApp (56%), YouTube (55%) et Instagram (49%). Les autres réseaux (Snapchat, Pinterest, TikTok, Twitter, LinkedIn…) recueillent moins d’1/3 d’inscrits actifs, voire moins de 10% pour les réseaux les plus confidentiels, comme Telegram, Fortnite ou Mastodon. Par rapport au reste de la population, les 15-24 ans se déclarent davantage présents sur presque tous les réseaux sociaux… à l’exception notable de Facebook, seuls 45% d’entre eux indiquent l’utiliser contre 66% chez les 65 ans et plus.

Concrètement, lorsqu’ils sont derrière leur écran, la plupart des utilisateurs regardent les publications de leurs amis (89%), consultent leurs messages (86%), ou encore scrutent les publications suggérées par les algorithmes (69%). Et pour cause, se divertir et se détendre (51%), mais aussi discuter avec leurs proches (51%) sont les objectifs premiers des utilisateurs ; s’informer sur l’actualité (27%) et trouver de l’inspiration (26%) apparaissent comme des bénéfices secondaires. Rares sont ceux qui avouent chercher à y élargir leur cercle social (12%), faire leur autopromotion (7%) ou booster leur ego (5%) … Néanmoins, les Français imaginent volontiers que ce sont de véritables priorités pour les autres : ainsi, pour 44% d’entre eux, si les gens utilisent les réseaux sociaux, c’est pour élargir leur cercle social, et pour 40%, c’est pour booster leur ego.

Des Français sur leurs gardes

Si pour les Français, réseaux sociaux riment avant tout avec  » influenceurs  » (91%), ils soulignent également l’esprit de communauté (84%), de partage (83%) et de divertissement (80%) qui y règne. Mais malgré ces points positifs, le sentiment d’un danger l’emporte. En effet, les Français mettent aussi en avant les risques d’addiction (86%), les fake news qui s’y diffusent (75%), ainsi que les discours intolérants (73%).

Du fait d’une acculturation très différente aux réseaux sociaux, le regard porté sur ces plateformes n’est pas le même chez les jeunes et les plus âgés. Parmi les points les plus différenciants, tendanciellement, les plus jeunes associent davantage les réseaux au divertissement, à l’information et à la mobilisation que leurs aînés, qui tendent plutôt à mettre l’accent sur les dérives possibles (complotisme, narcissisme…). Les différentes tranches d’âge sont en revanche relativement unanimes concernant le risque d’addiction induit par ces réseaux : 89% chez les 15-24 ans et 86% chez les 65 ans et plus.

Un réel impact tant sur les individus que sur la société

Si les Français manifestent aujourd’hui des opinions vives et contrastées au sujet des réseaux sociaux, c’est notamment parce que selon eux, ces réseaux et leur développement ont un impact bien réel et palpable sur les individus et la société.

Les sociologues Orna Donath et Danah Boyd avaient parmi les premières émis l’hypothèse que les réseaux sociaux devaient augmenter le capital social des individus. La littérature empirique semble avoir confirmé cela. Un des premiers papiers ayant étudié l’impact de Facebook (Valenzuela et al., 2009), montrait par exemple que plus on renseignait son profil, plus on avait d’amis. Mais l’impact semble modeste. Cependant, l’usage de Facebook était positivement corrélé, selon ces auteurs, avec la satisfaction personnelle, une plus grande confiance dans les autres, et un plus grand engagement dans des actions sociales et collectives.

À un niveau personnel, une courte majorité perçoit un impact des réseaux dans leur quotidien, qu’il s’agisse de la manière dont ils occupent leur temps (58%), dont ils échangent avec leurs proches (56%), ou dont ils s’informent (50%), avec des fortes variations selon l’âge, les plus jeunes se sentant particulièrement impactés (80% chez les 15-24 ans contre 25% chez les 65 ans et plus). Du point de vue collectif, les réseaux sociaux sont également perçus comme ayant de vrais effets sur le monde réel : par exemple, pour 57%, ils permettent de créer des mobilisations pour changer les choses.

Aux yeux des Français, l’existence des réseaux sociaux est davantage synonyme de danger (50%) que de bénéfice (33%) pour la société en général. En effet, s’ils leur concèdent des effets bénéfiques sur le lien social (54%) et l’accessibilité de l’information (50%), ils les perçoivent essentiellement comme un danger pour les enfants et adolescents (81%), la vie privée (78%) et la qualité de l’information (62%). Et pour cause, d’un point de vue psychologique, ils attribuent surtout des effets négatifs à la fréquentation des réseaux sociaux : sur la santé mentale en général (64%), sur l’esprit critique (58%) ou encore l’estime de soi (51%).

En définitive, les Français portent un regard très mitigé sur la capacité des réseaux à rassembler, et pratiquement 6 sur 10 (58%) d’entre eux estiment qu’ils favorisent davantage l’isolement que le lien social (42%). A noter que les jeunes de 15-24 ans ne sont pas si inconscients du danger que représentent les réseaux sociaux puisque 45% d’entre eux les voient comme un facteur d’isolement.

« Du point de vue collectif comme du point de vue individuel, l’âge change radicalement la perception de l’impact des réseaux sur le quotidien : beaucoup plus que leurs aînés, les plus jeunes indiquent à quel point les réseaux ont un impact sur leur quotidien. Beaucoup plus que les autres, même s’ils ne nient pas les possibles risques qu’ils visualisent presque autant que leurs aînés, la Gen Z souligne les bénéfices que les réseaux peuvent apporter à la société« , commente Flavien Neuvy, Directeur de l’Observatoire Cetelem.

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De quelle sociabilité parle-t-on ?

Depuis le sociologue américain David Riesman, et son livre référence « La foule solitaire« , de nombreux auteurs ont souligné l’évolution des sociétés modernes vers un plus grand isolement. La multiplication des divorces, les mobilités professionnelles et géographiques, le manque de contact de voisinage dans les grandes métropoles conduisent à cet isolement, c’est-à-dire à une baisse de la sociabilité.

Les technologies, parce qu’elles permettent aux individus de communiquer, sont le support d’une forme de sociabilité qu’elles peuvent modifier (Christian Licoppe, 2002 ; Licoppe et Smoreda 2005). Se crée ainsi un « entrelacement » entre les diverses pratiques de sociabilité, en face-à-face et « médiatisées » par les dispositifs techniques : non seulement le téléphone, mais aussi l’ensemble des moyens de télécommunication numérique (SMS, courriel, chats et forums de discussion, réseaux sociaux…). Toutes ces pratiques se complètent ou se substituent si c’est nécessaire, en raison de ce que Valérie Beaudouin appelle la « désynchronisation des temps et l’éclatement de l’espace » : les individus plus mobiles, moins maîtres de leur agenda, ont du mal à se coordonner pour des rendez-vous en face-à-face, ce qui est en partie compensé par le recours aux diverses technologies de l’information.

Pour certains auteurs, c’est l’effet de substitution qui domine. C’est le point de vue de Barry Wellman, pour qui « les interactions en ligne comblent des vides de communication entre des rencontres en face-à-face… beaucoup de liens sociaux deviennent non locaux, connectés par des voitures des avions, des téléphones et maintenant des réseaux d’ordinateurs ».
C’est également la thèse défendue par Pierre Mercklé, pour qui il n’y aurait pas globalement de baisse de la sociabilité, en tout cas en France, mais un remplacement de la sociabilité « directe », en face-à-face, par une sociabilité « médiatisée » par des dispositifs techniques, le téléphone hier, Internet et en particulier les réseaux sociaux aujourd’hui.

Une autre analyse, fort judicieuse, est celle de Michel Grossetti qui, déjà en 1997, dans son texte « Communication électronique et réseaux sociaux », faisait un parallèle entre réseaux sociaux et « hyper-ville » : Il est intéressant de remarquer que de nombreux discours sur les effets d’internet retrouvent les logiques et les arguments qui avaient cours dans les années soixante sur l’urbanisation. Certains présentent la croissance du réseau comme un accroissement de la liberté et y voient la solution de nombreux problèmes sociaux ; d’autres dénoncent la régression des échanges interpersonnels, le caractère froid du médium, les possibilités de contrôle accru qu’il offre aux gouvernants de tous ordres. De la même façon, dans les années soixante, l’urbanisation et la construction de la société de masse a suscité une abondante littérature sur la perte des liens sociaux et l’atomisation de la société qu’impliquait la concentration urbaine (Wellman, 1979 et Fischer, 1982). Ce que Wellman a appelé la « question de la communauté » est restée longtemps une source de controverses au sein de la sociologie américaine, opposant les thèses de la communauté perdue, conservée ou libérée … Les enquêtes de Wellman et Fischer visaient précisément à tester cette hypothèse sur le plan des réseaux sociaux. En comparant les réseaux en milieu rural et urbain, ils ont démontré que la vie en ville se traduit par un rétrécissement des relations mais par un déploiement différent. Les relations en ville apparaissaient comme plus ségrégatives (les jeunes fréquentant moins les vieux, les diplômés moins ceux qui ont fait peu d’études), faisant moins de part à la famille. En résumé, elles apparaissent comme plus choisies et moins subies […]

Pour Michel Grossetti, l’accès aux réseaux sociaux favorise la formation et le maintien de relations qui se distinguent des relations ordinaires comme les relations en milieu urbain se différencient des relations en milieu rural : des liens plus faibles, plus éphémères, plus disjoints, produisant des réseaux plus segmentés, à la densité plus faible. Par ailleurs, le nombre des liens, donc la taille des réseaux, semble plus élevé, puisque les usagers les plus intensifs ont plus de correspondants que les autres.

En somme, l’accès généralisé à la communication électronique pourrait avoir sur les réseaux sociaux des effets comparables à ceux qu’a pu avoir l’urbanisation en renforçant la possibilité d’échanger régulièrement et facilement avec un grand nombre de personnes : ni paradis, ni enfer, mais une évolution de nos façons de vivre ensemble …

Pour aller plus loin :

(1) Méthodologie de l’étude : Enquête réalisée par Harris Interactive en ligne les 27 et 28 avril 2023. Échantillon de 1 109 personnes représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus. Méthode des quotas et redressement appliqués aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle et région de l’interviewé(e).

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