Les deux journalistes français qui ont été enlevés samedi 2 novembre à Kidal dans le nord-est du Mali, ont été retrouvés assassinés. Claude Verlon et Ghislaine Dupont, deux envoyés spéciaux de Radio France Internationale au Mali, étaient en reportage dans la ville lorsqu’ils ont été enlevés par des hommes armés. Ils faisaient simplement leur travail.
En marge des analyses géopolitiques que nombre de médias et commentateurs ont faites, la question du pourquoi demeure. Pourquoi tuer de sang-froid des journalistes ? Pour l’exemple ? Pour donner le mot d’ordre : pas d’information ici ? Si nous ne pouvons plus envoyer de reporters, de photographes, de journalistes aux quatre coins du monde, au nom du « droit de savoir », que sera l’information ?
Claude Verlon, 58 ans, technicien de reportage à RFI depuis 1982, « était un homme de terrain chevronné, habitué des terrains difficiles dans le monde entier ».
Ghislaine Dupont, 51 ans, avait tenu un rôle premier dans le lancement de Radio Okapi, en RDC. Elle en avait été la rédactrice-en-chef, au tout début de cette radio créée par la Fondation Hirondelle en 2002 (Media for peace and Human dignity) et devenue depuis, leader en RDC, principale référence de cette organisation dans le domaine de l’information et de la radio en zones de conflits.
Cette radio au service du public a fait sienne les critères édictés par l’UNESCO pour définir le service public : universalité, diversité, indépendance (surtout à l’égard des pouvoirs politiques et économiques), tout en incarnant et défendant les valeurs humaines (altérité, dignité, ouverture sur le monde).
Radio Okapi rend hommage à Ghislaine, des voix de solidarité teintées d’émotion et d’humanité s’associent, depuis le Congo, à la dénonciation de l’inacceptable, à la douleur des familles, de RFI.
Up’ Magazine, dans sa quête d’initiatives innovantes, présentait en septembre le projet de La Fondation Hirondelle visant à développer, en s’appuyant sur les réseaux existants, une nouvelle offre de programmes radiophoniques, sous forme d’informations et de débats contradictoires à caractère national, en cinq langues, pour atteindre l’ensemble de la population du Mali. Le projet médiatique proposé par la Fondation étant d’offrir une contribution originale et adaptée pour répondre aux enjeux de la réconciliation nationale et du retour de la paix dans le pays : le studio Tamani. Comme Radio Okapi créée par Ghislaine Dupont, cette initiative accorde la plus grande importance à la crédibilité de ses médias, à travers un journalisme rigoureux et factuel.
L’avenir du journaliste
La technologie, le numérique, internet, ne sont que des vecteurs d’informations. Pas un film sur YouTube, ni un smartphone ne peuvent remplacer la recherche, la sélection, l’analyse, l’expertise et la connaissance, la mise en perspective de l’information. Faire vivre et révéler l’Histoire. Camus disait « s’il est vrai que les journaux sont la voix d’une nation, nous étions décidés, à notre place et pour notre faible part [au journal Combat], à élever ce pays en élevant son langage ».
Aujourd’hui, le nombre de diffuseurs d’informations a explosé, mais aussi leur type. Les blogs et les réseaux sociaux, Twitter et Youtube augmentent et diversifient sans cesse les modes d’accès et de circulation de l’information. Pourtant, force est de constater que du média papier au support digital, le rôle du journaliste, lui, ne change pas : « chercher, trouver, révéler, trier, hiérarchiser, transmettre les informations, les faits et les réalités utiles à la compréhension du monde, à la réflexion qu’elle suscite et à la discussion qu’elle appelle » (Edwy Plenel). C’est seulement ainsi et grâce à lui que l’information circule.
Si on tue le journaliste, on tue l’information.
(Photos ©AFP)
– cf analyse du monde.fr / 4 novembre 2013
– Lire « Le droit de savoir » de Edwy Plenel / Edition Don Quichotte Février 2013