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Municipales 2020 : Comment renforcer l’intégrité de la vie publique locale ?

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Nous sommes à trois jours du premier tour des élections municipales en France, marquées par un contexte politique rythmé par les « affaires » et par la défiance croissante des citoyens vis-à-vis de leurs dirigeants. Dans le cadre de ces élections municipales, Transparency International France, section française de la principale ONG mondiale de lutte contre la corruption, propose aux candidats en tête de liste d’engager leur liste à réaliser une série de mesures qui permettront de faire progresser les communes et intercommunalités vers davantage de transparence et d’intégrité. Transparency International-France publie une cartographie des candidats engagés pour l’intégrité de la vie publique locale qui, contre toute attente, atteste de la progression de la culture de la transparence et de l’éthique dans les territoires.

Les Français aiment leurs maires : l’échelon municipal affiche en effet un taux de confiance de 60% (+ 6 points par rapport au taux de confiance de Décembre 2018) d’après le dernier baromètre de la confiance politique du CEVIPOF. Pourtant, cette campagne des municipales a été rythmée par les « affaires » et marquée par la défiance des citoyens vis-à-vis de leurs élus. Dans ce contexte, à quelques jours du premier tour, Transparency International France (TI-France) publie la carte des candidats aux municipales qui se sont engagés à mettre en œuvre 6 mesures proposées par l’ONG afin de faire progresser l’intégrité de la vie publique locale.

Six propositions pour renforcer l’intégrité de la vie publique locale

Ces six propositions sont des mesures concrètes et réalisables si la volonté politique est au rendez-vous. Il ne s’agit pas pour TI-France de juger ou noter les candidats, mais bien de rallier les volontaires qui partagent la conviction que l’éthique et la transparence sont des exigences démocratiques légitimes.
Au cours des deux derniers mois, TI-France a invité les 556 listes officiellement candidates dans les 71 plus grandes villes de France à s’engager à mettre en œuvre ses six propositions. 

Ces propositions répondent à la fois à des situations représentant un risque réel pour les élus et les agents municipaux, mais aussi à des « zones grises » qui génèrent défiance et fantasme chez les citoyens. Transparency International France a fait le choix de se limiter à un nombre restreint de propositions pour faciliter l’engagement des candidats et le suivi de leur réalisation. Au demeurant, ces six propositions permettent de répondre aux principaux risques de condamnation pénale de l’élu local.

Si seulement une proportion infime des élus locaux et des agents publics locaux (respectivement 0,056 % et 0.007 %) ont été condamnés pour atteinte à la probité durant la mandature 2014-2020 selon les estimations de l’observatoire SMACL, chaque condamnation rejaillit sur tous les élus et contribue à alimenter la défiance des citoyens.

Les délits de prise illégale d’intérêt constituent toujours le premier motif de condamnation parmi les différentes atteintes à la probité. Ce délit pourrait être davantage évité grâce à une meilleure sensibilisation des élus locaux, objectif qui doit être poursuivi à travers cet exercice de recueil des engagements.

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« Lors du précédent mandat, seul un élu local sur mille a été mis en cause pénalement pour délits d’atteinte à la probité (corruption, prise illégale d’intérêts, trafic d’influence…). C’est une infime minorité, mais chaque affaire, qu’elle débouche ou non sur une condamnation, contribue à jeter l’opprobre non seulement sur tous les maires de France, mais aussi sur tous les élus. Appliquées, nos propositions pourraient empêcher la majorité de ces situations d’arriver, ou permettraient de les repérer suffisamment tôt » indique Bernard Soulage, administrateur de Transparency International France.

Mettre en place un plan de prévention de la corruption
La loi « Sapin 2 » de 2016 n’oblige que les entreprises à appliquer un tel plan, alors même que les collectivités territoriales et leurs groupements sont exposés aux mêmes risques de corruption et se doivent d’être encore plus exemplaires, vis-à-vis de leurs administrés. Or, encore trop peu de grandes collectivités territoriales ont mis en place des mesures globales de prévention de la corruption à ce jour. Il est pourtant indispensable d’adopter une démarche pro-active, et non plus seulement réactive, face aux risques de corruption et d’atteintes à la probité. Cela permet en effet de protéger la collectivité d’un potentiel scandale et des dégâts qui pourraient en résulter pour son image, pour l’efficacité des politiques publiques qu’elle mène et pour la confiance des citoyens à son égard.

Comment le réaliser ?
Faire adopter par l’organe délibérant un plan complet de prévention de la corruption avec les 7 volets prévus par la loi Sapin 2, adaptés aux collectivités territoriales : code de conduite, régime disciplinaire, dispositif de recueil de signalement des lanceurs d’alerte, cartographie des risques, évaluation des tiers, contrôle comptable, formation des élus et cadres au risque de corruption.

Publier les rencontres des décideurs publics locaux avec des lobbyistes sous forme d’agenda ouvert
A partir de 2021, les lobbyistes devront déclarer leurs actions d’influence auprès des décideurs publics locaux dans le répertoire de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Publier dès maintenant les rencontres avec ces représentants d’intérêts permettra de préparer cette mise en œuvre en l’anticipant.

De plus, l’agenda ouvert est un outil permettant aux décideurs publics locaux, élus et principaux cadres de la collectivité, d’assurer un équilibre dans la consultation des partie-prenantes et de veiller à l’équité d’accès à la décision publique.
Surtout, le lobbying est un sujet sur lequel l’attention est croissante et le niveau local n’échappe pas à la règle. Publier ses rencontres avec des lobbyistes constitue donc un gage de confiance envers les citoyens.

Comment le réaliser ?

  • Publier un document mentionnant, pour chaque décideur concerné : la date de la rencontre, les décideurs publics locaux présents (élus et cadres), la décision publique locale concernée et le représentant d’intérêt rencontré (organisation et ses représentants)
  • Utiliser un format en open data, accessible en ligne, avec un standard facilement exploitable.

Mieux encadrer l’usage des frais de représentation des responsables d’exécutifs locaux et en assurer la transparence
S’il est normal que les élus bénéficient des moyens nécessaires à l’exercice de leur mandat dans de bonnes conditions, les frais de représentation mis à la disposition du responsable de l’exécutif local se doivent d’être utilisés de manière exemplaire. Or, la loi n’apporte pas suffisamment de garanties de contrôle, ce qui peut laisser la place à des dérives. Alors que le Parlement a progressé sur ce point depuis 2017, un mouvement similaire doit s’engager au niveau territorial. Ainsi, il n’existe pas de référentiel des dépenses autorisées au titre de ces frais de représentation, ce qui place les élus locaux dans une incertitude sur les usages autorisés.

Comment le réaliser ?

Faire adopter par l’organe délibérant un encadrement en 3 volets :

  • Etablissement d’un référentiel des dépenses autorisées ;
  • Formalisation du dispositif de justification des frais engagés ;
  • Publication des dépenses réalisées.

Mettre en œuvre un registre public des déports
Les élus locaux ne se sont pas encore suffisamment approprié l’obligation déontologique du déport à prendre en cas de conflits d’intérêts. La mise en œuvre d’un registre public des déports constitue un support de diffusion efficace et il permet aux élus de se protéger du risque pénal de prise illégale d’intérêts. De plus, retracer publiquement les décisions de déports permet aux citoyens de constater que les nouvelles obligations déontologiques des élus aboutissent bien à des actions concrètes de prévention des conflits d’intérêts.

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Comment le réaliser ?

Mettre en place un registre accessible mentionnant : l’élu qui s’est déporté, la décision publique concernée par le déport, les dates et types de réunions (conseil municipal, commission…) auxquelles l’élu s’est abstenu de participer, et utiliser un format en open data, accessible en ligne, avec un standard facilement exploitable.

Publier en « open data » des jeux de données et documents administratifs lisibles par les citoyens
La transparence des données et des documents administratifs à l’égard des citoyens est une obligation légale, mais encore trop peu de collectivités territoriales la respectent aujourd’hui. Il s’agit pourtant de la meilleure façon de garantir la redevabilité de la gouvernance locale auprès des citoyens.

Comment le réaliser ?

  • Faire publier par la collectivité dans un format ouvert et intelligible pour le grand public les jeux de données essentiels dans les domaines sensibles à la corruption, en allant au-delà des seuils légaux de publication : marchés publics, données comptables et budgétaires, subventions…
  • Publier également les décisions d’attribution et/ou leurs critères associés, notamment dans les domaines suivants : places en crèches municipales, attributions de logements sociaux, demandes d’instruction d’urbanisme…

Publier le montant cumulé de l’ensemble des indemnités perçues par les élus
Les élus locaux peuvent cumuler plusieurs mandats, électifs ou non, dans différentes collectivités territoriales et/ou au sein des instances dirigeantes d’organismes dits « satellites » qui gravitent autour (entreprises publics locales, établissements publics…). A ce titre, ils peuvent être amenés à cumuler différentes indemnités dont il est difficile d’établir la somme exacte. Or, ces indemnités sont sources de défiance et d’idées reçues, auxquelles une publication pourrait répondre.

Comment le réaliser ?

  • Faire centraliser par la commune ou l’intercommunalité les différentes indemnités perçues par chacun de ses élus et publier, dans un document unique le montant total des indemnités perçues en précisant : l’élu, l’origine de l’indemnité, le montant de l’indemnité et ses modalités de versement (jetons de présence, mensualisé, annuel…)
  • Utiliser un format en open data, accessible en ligne, avec un standard facilement exploitable.

Les progrès du cadre légal en matière d’éthique et de transparence durant la dernière mandature

Ces dernières années, plusieurs lois ont permis des avancées significatives pour la prévention de la corruption chez les élus locaux et les agents publics des collectivités, en rendant obligatoire l’usage d’outils promus de longue date par TI-France :

  • Loi de 2013 relative à la transparence de la vie publique : définition légale du conflit d’intérêts, formalisation de l’obligation de déport que doit prendre un élu local en cas de risque de conflit d’intérêt, création de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP) et des obligations de déclarations d’intérêt et de patrimoine pour les élus locaux (1) et leur directeur/chef de cabinet.
  • Loi de 2015 visant à faciliter, pour les élus locaux, l’exercice de leur mandat : charte de l’élu local qui doit être présentée aux élus lors de la première séance du conseil municipal/communautaire ;
  • Loi de 2016 relative à la déontologie, aux droits et obligations des fonctionnaires : référent déontologue compétent pour les agents dans les collectivités, déclaration d’intérêts et de patrimoine de certains agents publics locaux.
  • Loi de 2016 pour une République numérique : open data par défaut dans les collectivités territoriales (2) .
  • Loi de 2016 sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique : création de l’Agence Française Anticorruption (AFA), plans de prévention de la corruption, référent alerte éthique obligatoire dans les collectivités (3) ;
  • La loi de 2017 pour la confiance dans la vie politique : interdiction des emplois familiaux dans les collectivités ;
  • Loi de 2019 de transformation de la fonction publique : fusion de la Commission de déontologie de la fonction publique avec la HATVP, contrôle du pantouflage resserré sur les emplois à risque et responsabilisation des supérieurs hiérarchiques et déontologues locaux, création d’un contrôle des rétro-pantouflages.

L’enjeu est aujourd’hui que les élus et agents s’approprient toutes ces mesures pendant la mandature à venir. Les six propositions proposées auprès des candidats s’inscrivent pleinement dans ce cadre légal.

Vers plus de transparence et d’éthique ?

Le résultat de cette initiative, publié sous forme de cartographie accessible sur le site internet de TI-France, met en évidence une nette progression en France de l’engagement des candidats aux municipales en faveur de la transparence et de l’intégrité de la vie locale : en effet, alors qu’en 2014, 17% des listes présentées dans les 42 villes de plus de 100.000 habitants s’étaient engagées sur ces propositions. Seules 59 listes sur 340 s’étaient engagées. Pour cette campagne, elles sont 25% à le faire cette année, soit 97 listes des villes de plus de 100 000 habitants sur 382. Cela représente une augmentation de 8 points, soit 63 % par rapport à 2014.
Cet écart témoigne de la progression de la culture de l’éthique et de la transparence de la vie publique locale. Les candidats ont compris qu’il s’agissait d’une exigence citoyenne incontournable et d’un préalable indispensable à la mise en œuvre de leur programme.

Cette évolution est notamment à mettre au crédit :
– Des nouvelles obligations légales qui pèsent sur les collectivités locales et leurs élus (présentées  ci-dessus) ;
– Des municipalités leaders en matière de transparence et d’intégrité comme Paris, Toulouse, Grenoble, Rennes, Limoges, Cannes… qui mettent en place les bonnes pratiques dépassant leurs strictes obligations légales ;
– Des « affaires » qui ont marqué l’opinion et donc de la mobilisation toujours plus importante de la société civile. En témoignent les chartes, engagements, suggestions de bonnes pratiques ou encore recommandations sur l’intégrité et la transparence au niveau local proposés par des organismes comme l’Observatoire de l’Ethique Publique, Médiacités, Anticor, la SMACL, Démocratie Ouverte ou encore Open Data France (4),

Cette diffusion de la culture de la transparence dépasse les clivages partisans puisque des candidats de toutes les orientations politiques se sont engagés sur les propositions présentées. Si aucune tendance politique n’a le monopole de l’engagement en matière d’intégrité locale, on constate que les listes de gauche représentent 45 % du total des listes engagées (Gauche et « extrême gauche » cumulées). En 2014, 10 candidats ont été élus sur les 59 qui se sont engagés sur ces propositions. Cette année, seront-ils en situation de faire beaucoup mieux ?

Si pour vous, politique doit rimer avec transparence et éthique, cette cartographie vous indique quels candidats aux municipales s’engagent à agir pour l’intégrité de la vie publique locale s’ils sont élus.
Si les candidats de votre ville n’y figurent pas, vous pouvez télécharger en trois clics un kit citoyen proposant des mails, publication Facebook et tweet type pour leur proposer de s’engager publiquement à faire progresser la culture de la transparence et de l’éthique dans les territoires !

100% des plus grandes villes de France ont au moins un candidat qui s’est engagé

Paris : 3 listes engagées sur 9 :

  • Dès demain, Paris en commun / Union gauche / Anne Hidalgo
  • L’écologie pour Paris / EELV / David Belliard
  • Décidons Paris / LFI / Danielle Simonnet 

Métropole Lyon : 4 listes engagées sur 8

  • Maintenant la Métropole pour nous / EELV / Bruno Bernard
  • Un temps d’avance / Union Centre / Gérard Collomb
  • La Métropole du bon sens / RN / Andrea Kotarac
  • C’est la gauche unie / Union Gauche / Renaud Payre 

Marseille : 1 liste engagée sur 5

  • Printemps marseillais / Union Gauche / Michèle Rubirola 

Toulouse : 4 listes engagées sur 11

  • Pour la cohésion – l’autre choix / Divers gauche / Pierre Cohen
  • Aimer Toulouse / Divers droite / Jean-Luc Moudenc
  • Archipel citoyen / Divers gauche / Antoine Maurice
  • Debout Toulouse / Debout La France / Francis Manaud

Nice : 2 listes engagées sur 8

  • Nice Écologique, soutenue par Europe Écologie-Les Verts et l’Alliance Écologiste Indépendante / Autre écologiste / Jean-Marc Governatori
  • Retrouver Nice / RN / Philippe Vardon

Strasbourg : 4 listes engagées sur 8

  • FAIRE ENSEMBLE STRASBOURG / PS / Catherine Trautmann
  • 100 % STRASBOURG / Union Centre / Alain Fontanel
  • RASSEMBLEMENT POUR STRASBOURG / RN / Hombeline du Parc
  • Citoyens engagés / Divers / Chantal Cutajar 

Nantes : 3 listes engagées sur 9

  • Nantes en commun / Divers gauche / Margot Medkour
  • Nantes en confiance / Union gauche / Johanna Rolland
  • Nantes ensemble / EELV / Julia Laernoes

Bordeaux 1 liste engagée sur 5

  • Bordeaux respire ! / Union gauche / Pierre Hurmic

Lille : 2 listes engagées sur 9

  • Lille en commun, Lille en confiance / Union gauche/ Martine Aubry
  • Décidez pour Lille / LFI / Julien Poix

Rennes : 5 listes engagées sur 9

  • Choisir l’écologie pour Rennes / EELV / Matthieu Theurier
  • Pour Rennes / union gauche / Nathalie Appéré
  • Libres d’agir pour Rennes / divers droit / Charles Compagnon
  • Révéler Rennes / LREM / Carole Gandon Rennes en commun / LFI / Enora Le Pape

(Source : TI-France)

(1) Les maires de communes de plus de 20 000 habitants, leur directeurs, directeurs adjoints et chefs de cabinet et les adjoints aux maires de communes de plus de 100 000 habitants titulaires d’une délégation de signature ou de fonction
(2) Dans les collectivités territoriales de plus de 3500 habitants et employant plus de 50 agents 
(3) Dans les communes de plus de 10 000 habitants (et EPCI à fiscalité propre apparentés), départements et régions
(4) Manifeste pour une démocratie locale réelle de Médiacités, Livre blanc pour une démocratie locale rénovée de l’Observatoire de l’éthique publique, Pour une démocratie locale plus ouverte de Démocratie ouverte, Charte de l’élu local : mode d’emploi et bonnes pratiques par la SMACL

Photo d’entête : Mairie de Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn)

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