Dans le prolongement du rapport Enderlein & Pisani-Ferry et des déclarations de leur gouvernement respectif, la France et l’Allemagne pourraient être les fers de lance d’un marché unique européen du numérique qui permette aux entreprises européennes d’atteindre un rang mondial. Les auteurs du rapport appellent en ce sens à la construction d’un écosystème numérique sans frontières. La note publiée par France Stratégie détaille et prolonge cette proposition autour de quatre axes prioritaires.
Il convient de renforcer la position franco-allemande pour s’assurer que les positions dominantes actuelles acquises par les entreprises américaines restent contestables et que les principes de libre concurrence soient respectés (non-discrimination des fournisseurs de contenus, loyauté quant aux contenus affichés, accès libre des utilisateurs aux contenus de leur choix). Ce renforcement permettrait de dépasser les dissensions existantes au sein de l’UE et d’éviter le recours à une règlementation unilatérale contreproductive. L’exemple de l’Espagne est assez parlant : le service Google News a été suspendu lorsque le gouvernement a instauré un mécanisme de rémunération des sociétés de presse.
L’Europe doit esquisser une fiscalité intégrée des entreprises du numérique pour effacer les effets délétères de l’optimisation fiscale. L’intégration fiscale consisterait en la mesure du profit des entreprises numériques au niveau européen et sa répartition entre les États membres au prorata de l’activité de l’entreprise. Mettre en œuvre une telle solution impliquerait de définir les clés de répartition à l’échelle nationale du profit évalué au niveau européen. Une règlementation européenne serait nécessaire pour mettre à disposition des autorités fiscales les données pertinentes sur l’activité des plateformes (nombre d’utilisateurs, volume de données collectées ou encore dépenses publicitaires des annonceurs).
Le calcul du profit au niveau européen et sa répartition par pays ne seront réellement efficaces que s’ils s’accompagnent de l’instauration d’un taux unique d’imposition des profits sur la part du profit alloué à chaque pays au sein de l’Union européenne.
L’exploitation des données personnelles est au cœur de la création de valeur de l’économie numérique. Les questions d’accès et d’appropriation sont centrales. Il est donc nécessaire d’avoir une approche commune des données d’intérêt général qui seraient ouvertes et publiées dans un format commun (open data) pour améliorer l’efficacité et la transparence de l’action publique.
La politique de libre accès aux travaux scientifiques, actuellement en place en Allemagne et envisagée en France pour les publications financées principalement sur fonds publics, doit être étendue pour accélérer la diffusion des connaissances.
Enfin, il s’agit de poser un cadre de protection des données personnelles et de définir, dans ce cadre, un protocole d’échange, d’interopérabilité et de portabilité des données facilitant leur circulation. Le droit à l’autodétermination informationnelle, envisagé dans le projet de loi Lemaire, va dans ce sens.
La France est parmi les plus avancés tant au niveau de l’écosystème numérique (électronique, informatique, design, finance) que de celui des acteurs institutionnels (plan « objets connectés » dans le cadre de l’Industrie du futur, cité connectée à Angers, French Tech, BPI France). Mais l’Europe doit rattraper son retard en matière de standardisation pour permettre aux entreprises européennes d’atteindre un rang mondial. Il s’agit donc de veiller à un degré d’ouverture suffisant des standards dominants et de réduire le nombre de standards susceptibles de faire l’objet d’un soutien public en Europe en cas de risque de fragmentation des marchés.
(Source : France Stratégie – 16 octobre 2015)
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