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Myriam El Khomri

La ministre du travail Myriam El Khomri veut introduire le droit à la déconnexion dans la loi

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Alors que le projet de loi El Khomri divise syndicats et politiques et va mobiliser les étudiants, un point du texte semble en revanche faire l’unanimité : le « droit à la déconnexion » pour les salariés.
De quoi s’agit-il ? De plus en plus de professionnels travaillent en dehors de leurs heures de bureau ailleurs que sur leur lieu de travail. Ce mouvement est favorisé depuis longtemps maintenant par la dotation que font les entreprises de smartphones, tablettes ou ordinateurs portables à leurs salariés. Que ce soit par conscience professionnelle ou pression du management, ce lien permanent avec le travail grignote de plus en plus la vie privée, provoquant stress, impossibilité de décompresser. Certains médecins avancent même dans cette hyperconnexion une des causes du désormais fameux burn-out.
 
Le droit à la déconnexion pour les salariés dans l’utilisation des outils numériques sera effectif à compter de 2018. C’est ce que prévoit le projet de loi sur de « nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs » porté par la ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social qui doit être présenté en Conseil des ministres le 24 mars 2016. Afin « d’assurer le respect des temps de repos et de congés », l’article 25 du projet de loi prévoit qu’ « à défaut d’accord », l’employeur communiquera « par tout moyen », aux salariés, les modalités d’exercice de leur droit à la déconnexion. Dans les entreprises d’au moins 300 salariés, ces modalités feront l’objet d’une « charte » élaborée après avis du comité d’entreprise ou à défaut, des délégués du personnel. Elle devra prévoir, notamment, la mise en œuvre d’actions de formation et de sensibilisation » à l’usage des outils numériques destinés aux salariés, à l’encadrement et à la direction.
 

Les suites du Rapport Mettling

 
L’encadrement de ce droit à la déconnexion était un des points majeurs du rapport sur la « transformation numérique et la vie au travail » de Bruno Mettling, directeur général adjoint en charge des ressources humaines (RH) et de la communication interne d’Orange. Dans son rapport remis en septembre 2015 à la ministre du Travail, ce spécialiste des RH prône à la fois un droit à la déconnexion et un devoir de déconnexion, le tout assorti d’une obligation pour l’entreprise « de former ses collaborateurs au bon usage des outils digitaux ».
 

LIRE DANS UP’ : Rapport Mettling: le devoir de déconnexion

 
Le débat n’est pas récent. En 2002, le juriste du travail Jean-Emmanuel Ray posait déjà la délicate question de l’amplification des TIC et de l’imperméabilité des frontières entre vie privée et vie professionnelle, jusqu’à s’interroger sur « le droit à une vie privée au XXIe siècle [1] »…
 

Déconnecter des salariés hyperconnectés

 
Le droit à la déconnexion est déjà une réalité dans certaines entreprises (Volkswagen et BMW en Allemagne, La Poste, Société générale, Accenture et Orange en France), et certains secteurs professionnels. La branche Syntec (sociétés de conseils et d’ingénierie) a ainsi inscrit « une obligation de déconnexion des outils de communication à distance » dans son avenant à l’accord temps de travail signé en avril 2014 après l’invalidation de son dispositif sur le forfait-jours par la Cour de cassation. Encore faut-il que les salariés sur-connectés adhèrent à ce principe… Comme le souligne Gwen Boulzennec de la F3C CFDT, dans un entretien à l’hebdomadaire Entreprise & Carrières : « La déconnexion reste un vrai sujet, ce n’est pas une préoccupation pour la jeune génération [2] », et pas pour les seuls adeptes de la culture geek.
 

Des syndicats vigilants et prudents

 
Satisfaits de l’avancée du débat qu’ils portent depuis longtemps, les syndicats se montrent aussi prudents. À propos du rapport Mettling, l’Ugict-CGT (cadres) qui a lancé l’an dernier une campagne pour le droit à la déconnexion, regrette qu’il « occulte les menaces en matière de suppression d’emplois et reste sur des ambiguïtés sur la façon de sécuriser le forfait-jours ». De son côté, FO pointe « une logique d’inversion de la hiérarchie des normes au profit d’une régulation au niveau des entreprises ». Le directeur de l’Obervatoire des conditions de travail et de l’Ergostressie (Obergo), Yves Lasfargues n’est pas sur la même ligne. Pour lui, la protection des salariés hyperconnectés doit s’effectuer « par accords locaux au sein des entreprises. Aucun règlement coercitif ne pourrait s’appliquer, car ce qui est valable dans une entreprise ne l’est pas dans une autre » [3] . Pour les syndicats, le droit à la déconnexion détourne aussi par son « approche réductrice », de « la réalité des charges de travail [qui] se trouve masquée par l’utilisation intensive des technologies en dehors du temps au travail » [4].
 
 
Source : ANACT – Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail
 
 
[1] « Naissance et avis de décès du droit à la déconnexion : le droit à la vie privée au XXIe siècle », Jean-Emmanuel Ray, Droit social, n°11, novembre 2002
[2] « La déconnexion, un droit et un devoir à co-construire », Elodie Sarfati, Entreprise & Carrières, N° 1255 du 22/09/2015
[3] « Harcèlement numérique : le droit à la déconnexion ». Changer le travail, Sciences humaines, 2014, Yves Lasfargues
[4] « Droit à la déconnexion : atteinte ou renforcement des libertés individuelles ? », Rodolphe Helderlé, Miroir Social, 25/02/2015
 
 

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