Le début de l’année 2018 est résolument placé sous le signe de l’Intelligence Artificielle. Plusieurs événements marquent l’actualité en France et sur la scène internationale : à Las Vegas, la voix et l’intelligence artificielle ont été les moteurs du CES 2018 et le très attendu rapport de Cédric Villani, mathématicien et député LREM de l’Essonne, chargé par le premier ministre d’une mission sur l’intelligence artificielle.
En tant que citoyen et chef d’entreprise européenne, Jacques Richier, qui a créé il y a plus d’un an une entité dédiée au Big data et à l’Intelligence Artificielle chez Allianz pour répondre aux enjeux de l’assurance de demain, veut dire que cette technologie largement crainte peut aussi être synonyme de progrès à condition de s’engager pour l’apprivoiser : Comment saisir cette opportunité d’entrer maintenant dans la nouvelle économie de la connaissance ? Comment en faire un élément de compétitivité et de différenciation français ? Comment l’Europe peut-elle se démarquer dans ce débat ?
Tribune libre
Le surgissement de l’Intelligence Artificielle à un moment clé du développement de l’économie de la connaissance – que les pays occidentaux appellent de leurs vœux depuis 20 ans – apporte aujourd’hui un nouveau tournant à ce projet de société.
C’est un fait que nos sociétés ont conçu l’avènement de l’économie de la connaissance comme le 4ème niveau de la création de valeur économique, après la révolution agricole, industrielle, et celle des services. Ce devait être un aboutissement : celui d’un niveau de compétence élevé généralisé. Dans cette optique, les jeunes ont été formés de plus en plus longtemps, atteignant les portes du monde du travail de plus en plus diplômés. Les développements actuels de l’Intelligence Artificielle constituent un virage, qui fait entrer l’économie de la connaissance dans une nouvelle ère.
Nos modèles d’entreprise eux-mêmes ont évolué dans le même sens : la fabrication, qui en était la clé, a été remplacé petit à petit par l’innovation et la conception, devenues les vraies sources de différenciation et de création de valeur sur le long terme. La première leçon que nous devons tirer de cette évolution est la suivante : dans l’économie de la connaissance, les nouveaux modèles d’entreprise doivent évoluer rapidement sous peine de disparition. L’Intelligence Artificielle est un des catalyseurs de cette évolution.
La question qui se pose à nous, entrepreneurs et citoyens est donc la suivante : comment saisir cette opportunité offerte par l’Intelligence Artificielle d’entrer maintenant dans la nouvelle économie de la connaissance ? Comment en faire un élément de compétitivité et de différenciation français ? Si nous voulons en être, quel rôle les entreprises ont-elles à jouer ?
A partir du moment où l’on reconnaît que l’Intelligence Artificielle incarne un volet important de l’économie au 21ème siècle, alors il n’y a pas à hésiter : il faut s’engager !
Tout doit être mis en œuvre au niveau national pour que notre pays s’approprie cette opportunité. Cela passe par une vraie prise en compte des enjeux, la mise en place de formations appropriées pour faire monter les talents en compétence, et l’anticipation des nouveaux services apportés par l’Intelligence Artificielle au quotidien, dans l’univers professionnel comme domestique.
L’ampleur du bouleversement a bien été saisie en France et en Europe. A présent, il faut agir et se donner des moyens à la hauteur de l’enjeu historique. Nous courons un vrai risque à nous laisser paralyser par des débats stériles de type « pour ou contre l’Intelligence Artificielle » au lieu de nous demander « quels moyens se donner pour rivaliser avec les milliards de dollars investis chaque année par les Etats-Unis et la Chine pour faire de l’Intelligence Artificielle un élément de croissance responsable ? ». Faute de se poser cette question, dans 10 ans, notre pays n’aura aucune chance de soutenir la comparaison avec ceux qui ont embarqué l’Intelligence Artificielle de manière industrielle.
A l’évidence, c’est à l’échelle européenne que la bataille de l’Intelligence Artificielle pourra se gagner. L’Europe veut rayonner comme un continent compétitif selon un modèle alternatif qu’elle entend faire valoir. La France a les meilleurs experts de l’Intelligence Artificielle à valoriser. Elle doit être un des leaders au sein de l’Union européenne à s’emparer de ce sujet. Ce serait une erreur de ne pas saisir pleinement cette opportunité !
Pourtant, à l’heure de ce rendez-vous crucial, force est de constater que l’on persiste à aborder l’Intelligence Artificielle sous les angles réglementaires et éthiques.
S’il faut, en effet, être un acteur du cadre réglementaire qui est en train de se fixer en ce moment, l’Europe ne doit pas dépenser l’essentiel de son énergie à encadrer le développement de l’Intelligence Artificielle, mais bien plutôt à l’encourager. Oui, l’éthique des algorithmes « apprenants » est un vrai sujet de société, et la CNIL s’en est emparé : elle a publié ses recommandations en fin d’année dernière. Considérons comme une chance cette vigilance particulière qui caractérise la réglementation française. Elle apporte déjà de vrais garde-fous à bien des peurs brandies lorsque l’on évoque l’Intelligence Artificielle.
Ne laissons pas la peur de l’inconnu nous rendre aveugles aux opportunités majeures ouvertes par l’Intelligence Artificielle ! Agissons dès maintenant de façon volontaire.
C’est maintenant que l’Europe doit travailler au développement de l’Intelligence Artificielle et à la montée en capacité de ses futurs acteurs.
Demandons-nous en priorité quels moyens mettre sur la table pour ne pas laisser passer le train. Soyons parties prenantes du développement de l’Intelligence Artificielle ! Mettons en route un vrai écosystème de l’innovation autour de l’Intelligence Artificielle ! Soyons courageux, ambitieux et humains.
Côté entreprises, avançons en pleine conscience de notre responsabilité : celle de développer les nouveaux services grâce à l’Intelligence Artificielle, intégrons-la activement à nos opérations tout en nous souvenant que nous avons à inventer une nouvelle complémentarité entre l’homme et la machine.
Dans mon secteur d’activité comme bien d’autres, une chose est sûre : si l’on ne sait pas ce que sera le modèle de l’assurance demain, il est certain en revanche qu’il sera transformé par l’Intelligence Artificielle. Alors anticipons son impact sur les métiers, transformons les tâches au quotidien, là où les métiers sont appelés à évoluer, installons les collaborateurs dans de nouveaux processus opérationnels et faisons de l’Intelligence Artificielle un vrai sujet de transformation et de service augmenté.
Disons-le sans crainte : l’Intelligence Artificielle est une forme de progrès, et comme tout progrès, elle interroge. Il est naturel de prêter à tout progrès aux contours par définition inconnus des contenus multiples dont certaines font évidemment débat. Saisir les progrès proposés par l’Intelligence Artificielle demande un effort pour ne pas s’arcbouter d’abord sur les sujets d’inquiétude, mais de considérer sereinement ce que l’Intelligence Artificielle nous fait gagner en tant qu’individu ou collectivité en termes d’intelligence.
Les entreprises testent déjà dans différents domaines des solutions basées sur le « machine learning » pour analyser son impact et améliorer la rapidité d’exécution dans les parcours clients. Pour mon métier d’assureur, au cœur duquel se trouve la tarification des risques, l’on peut s’attendre à ce que le machine learning nous rende plus intelligent à l’avenir dans la compréhension des risques et leur juste tarification au bénéfice de chacun.
C’est une belle avancée, sachons l’accueillir pour ce qu’elle est : un progrès !
Jacques Richier, PDG d’Allianz France
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