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L’IA, au service de l’entreprise augmentée

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Le think tank digital HUB Institute publie aujourd’hui son HUBREPORT « Future of Artificial Intelligence », réalisé en partenariat avec IBM. Ce rapport fournit un état des lieux de l’IA et se penche sur cinq secteurs clés où l’IA révolutionne l’expérience client, tout en portant une réflexion sur le potentiel vertueux de la technologie au-delà de la sphère strictement marchande. Quels sont les impacts de l’IA sur les marchés du retail, des banques ou des assurances, de l’énergie, des télécoms, de l’industrie et de l’hôtellerie ? Quelles sont les limites et le sens à donner à l’IA si l’on veut une vision humanisée et un usage responsable de ses technologies ?
 
« L’intelligence artificielle sera l’avantage commercial du futur. » A voir l’effervescence du marché en pleine ruée vers l’IA, c’est le constat du rapport de PWC « A Revolutionary Partnership : How AI Is Pushing Man And Machine Closer ». Deep learning (apprentissage profond), machine learning (apprentissage automatique), réseaux de neurones, entreprises et processus apprenants, la vague de l’IA déferle sur bon nombre d’industries et de secteurs d’activité, signant l’avènement d’une 4e Révolution industrielle.
Le marché de l’IA est florissant et comprend aujourd’hui une variété de technologies et d’outils qui facilitent la décision humaine : agent virtuel, reconnaissance faciale, reconnaissance d’images etc… et révolutionnent l’expérience et les services clients. L’impact à terme : une véritable transformation des interactions clients/marques, des gains de productivité améliorés et une expérience client « augmentée » personnalisée, sans couture et simplifiée.
 
Ce rapport, réalisé en partenariat avec IBM, vise à fournir les clés de compréhension et à présenter la réalité des premières adoptions et retours d’expérience liés à la mise en œuvre de l’IA par les marques dans le domaine de la relation et des processus client.
Après avoir dressé un état des lieux de ce marché, l’étude détaille diverses applications sectorielles, puis s’attache à définir le potentiel vertueux de l’IA au-delà de la sphère strictement marchande.
 
Ce HUBREPORT Future of Artificial Intelligence plaide pour une vision humanisée et un usage responsable de l’IA, qui vise à augmenter les capacités humaines et non pas à les remplacer. Si la technologie est neutre, ce sont bien les hommes qui en définissent les usages.
 
« Il faut changer d’état d’esprit par rapport à l’IA – qui est un moyen – et se concentrer sur l’objectif : l’Augmentation de l’Intelligence Humaine », Frédéric-Gérard Leveque, Directeur Transformation Numérique, HUB Institute.
 
« Nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère de l’expérience client qui vise à créer une approche inédite pour interagir avec l’être humain. Cette expérience client associera langage naturel, compréhension des sentiments, capacité visuelle et empathie », déclare Jean-Philippe Desbiolles,, Vice-président Cognitive Solutions, IBM Watson France.
 
PREMIERE PARTIE – ÉTAT DES LIEUX MONDIAL DE L’IA
 
Dans cette partie, le HUBREPORT s’attache à définir l’IA et son fonctionnement, tout en retraçant son historique et en dressant un état des lieux des technologies déjà en œuvre. 
 
1.1 – De quoi parlons-nous ?
Qu’est-ce que l’intelligence artificielle et d’où vient-elle ? Discipline scientifique inventée en 1955, l’IA est composée d’algorithmes et de réseaux neuronaux. On parle d’IA forte lorsqu’elle s’applique à reproduire le fonctionnement d’un cerveau humain, et d’IA faible lorsqu’elle se focalise sur la maîtrise d’une tâche unique. L’IA est alimentée par des données, dont le traitement relève d’une discipline nommée machine learning.
En résumé, l’IA n’est pas une technologie à part entière mais un ensemble de technologies et d’outils, qui permet de transformer les données en actions intelligentes.  
 
1.2  – L’IA est déjà là
L’IA est déjà présente dans notre vie quotidienne au travers des robots, chatbots et objets connectés, dont les enceintes vocales qui ont permis l’émergence du V-commerce, tendance phare de 2018. L’internet des objets permet de tout relier à l’IA et se trouve à la source de toutes les innovations actuelles : smart city, véhicule autonome, télémédecine, domotique…
 
1.3  – La ruée vers l’IA
Si l’IA se développe actuellement de manière exponentielle, c’est qu’elle bénéficie d’une accélération intensifiée, qui se traduit par des levées de fonds et des financements sans précédents : les montants levés par des startups AI se sont multipliés par 3 entre 2010 et 2016. De plus, l’IA promet une rentabilité accrue des entreprises, avec une prévision globale de +38 % en 2035 et un impact sur le profit des entreprises de tous les secteurs.
Un regain de financement sans précédent : Entre 1993 et 2017, 1980 levées de fonds ont été réalisées sur les cinq continents pour accompagner des projets intégrant l’intelligence artificielle. Entre 2010 et 2016, les montants levés par les jeunes pousses du secteur ont été multipliés par trois, passant de 0,6 à 1,8 milliard de dollars.
Géographiquement, ces levées de fonds ont été actées pour 62% aux US, 7% au UK, 3% en Allemagne comme en France, 4% en Israël, 3% en Inde, 3% au Canada, les 15 autres % étant dans le reste du monde.
Le développement de l’IA représenterait une croissance économique de 14 000 milliards de dollars en valeur ajoutée brute dans 16 secteurs d’activités et 12 pays.
 

1.4  – Un marché en forte croissance mais immature
Depuis 2012, nous assistons à une véritable accélération de la course à l’achat de startups comme vecteur d’acquisition des compétences. Objectif : disposer de l’arsenal logiciel et matériel pour accompagner et intégrer les évolutions technologiques rendues enfin possibles grâce à l’intelligence artificielle. Trimestre après trimestre, plus de 200 acquisitions ont été réalisées dans ce domaine. (Source : The State of Artificial Intelligence, CB Insights, 2017).
Le marché reste tout de même dominé par les géants technologiques, principalement américains et asiatiques. Google a réalisé 12 acquisitions de startups AI entre 2012 et 2017, Apple 7, Facebook 5, ainsi qu’Intel et Microsoft.
IBM a réalisé trois acquisitions pour élargir l’offre de son IA Watson :
– Mars 2014 : acquisition d’AlchemyAPI, API d’analyse de texte et de reconnaissance d’images
– Mai 2014 : acquisition de Cognea et de ses assistants virtuels
– Avril 2015 : acquisition d’Explorys dans le domaine des données sur la santé.
 
 
En France, l’écosystème se construit grâce à d’excellentes écoles et des centres de recherche reconnus, mais souffre d’une culture en silo. Si tous les domaines d’activité sont concernés, les investissements sont très inégaux selon les secteurs. Une étude de Spiderbook porte sur 500 000 sociétés à l’international et met en évidence une inégalité d’investissement dans l’IA selon les différents secteurs d’activité.
Les industries qui investissent le plus dans l’intelligence artificielle sont celles qui sont les plus directement concernées : les entreprises de services numériques et les éditeurs de logiciels (32%). A l’inverse, les autres secteurs investissent encore faiblement (de 0,92% pour le divertissement jusqu’à 8,78% pour Internet et 4,19% pour les télécommunications).
 
1.5 – L’IA révolutionne l’expérience client
Une étude de PwC révèle que l’intelligence artificielle sera l’avantage commercial du futur. Elle transforme et améliore l’expérience client en boostant l’engagement client, l’aide à la décision et à la création. Le nombre de ses possibilités d’applications est vertigineux.
Quelles solutions fondées sur l’IA ont le plus d’impact sur vos activités ?
Dans l’étude réalisée par PwC en avril 2017 auprès de 500 décideurs, les assistants personnels virtuels sont considérés comme la solution IA la plus susceptible d’impacter les activités des décideurs. En outre, l’étude montre que 63% des consommateurs pensent que l’IA aidera à résoudre les problèmes complexes de la société moderne.
 
 

Comment l’IA améliore l’expérience client ?
– En créant une nouvelle forme d’interaction enrichie avec les clients à la fois simplifiée et personnalisée et en langage naturel.
– En dévoilant aux spécialistes du marketing les corrélations cachées, l’IA permet enfin aux marques d’offrir une expérience vraiment individualisée à leurs clients. Comment ? La compréhension des données structurées et non-structurées et l’apprentissage continu rendent possible l’hyperpersonnalisation du contenu et des offres.
– En proposant des recommandations de produits et de services. La transparence et le taux de confiance associé aux préconisations permettent d’instaurer une relation de confiance entre un conseiller clientèle et son client.
 

DEUXIEME PARTIE – APPLICATIONS SECTORIELLES

Dans cette deuxième partie, le HUBREPORT se focalise sur cinq secteurs transformés par l’IA, au travers d’une analyse des enjeux, d’études de cas d’usage par des grands groupes permettant de mettre en évidence des best practices, et d’un sourcing et d’une présentation des startups à suivre. 
 
2.1 – La banque et l’assurance
Les enjeux à retenir : dans ce secteur, l’IA transforme l’expérience du client final mais aussi celle des collaborateurs avec des assistants virtuels qui leur fournissent des recommandations personnalisées pour chaque client.
Le cas d’usage du Crédit Mutuel : le Crédit Mutuel utilise ainsi Watson, l’IA d’IBM pour analyser l’urgence des mails reçus et répondre à des questions posées en langage naturel à partir d’une masse d’informations. Ce « super stagiaire » a permis d’augmenter la vitesse de réponse des conseillers de 60%.
D’autres cas d’usage : Orange Bank et la Royal Bank of Scotland utilisent quant à eux la plateforme cognitive Watson en tant que conseiller virtuel directement auprès des clients, garantissant une disponibilité 24h/24 et 7j/7. 
Personetics, la startup à suivre : la société israélienne développe une solution clé en main pour les acteurs bancaires avec une analyse comportementale en temps réel.
 
2.2  – La distribution
Les enjeux à retenir : la capacité de l’IA à prédire la demande, à automatiser certaines tâches et à délivrer une expérience client hyper-personnalisée en fait une technologie répondant particulièrement bien aux enjeux du secteur de la distribution.
Le cas d’usage de Bazarchic : la société utilise ainsi l’IA pour personnaliser son parcours client et cibler sa base de données lors de l’envoi de sa newsletter.
D’autres cas d’usage : Deliveroo et 1-800-Flowers.com s’appuient également sur de l’IA pour améliorer leurs services, que ce soit pour optimiser la livraison ou pour conseiller les clients.
Cognitive Matchbox, la start-up à suivre : fondée en 2016, cette start-up française est spécialisée dans les solutions d’IA basées sur la mise en relation des clients et des agents. Sa valeur ajoutée : offrir une meilleure compréhension des personnalités et des émotions des clients.
 
2.3  – Les télécoms et les services
Les enjeux à retenir : dans le secteur des télécoms, l’IA permet de baisser les coûts de gestion d’un client, de faire progresser la qualité du service et de créer des nouveaux services à forte valeur ajoutée.
Le cas d’usage de Bouygues Télécom : pour l’opérateur, l’IA permet de ne pas mobiliser des conseillers pour répondre aux problèmes les plus courants, ce qui se concrétise par un gain de temps pour les employés.
D’autres cas d’usage : Telefonica et Softbank ont eux aussi investi dans l’IA pour élargir leurs services.
Sigfox, la licorne à suivre : créé en 2011, le spécialiste français de l’IoT a bâti un réseau mondial sans fil connectant 2,5 millions d’objets au web dans 45 pays, s’appuyant uniquement sur des sources d’énergie à proximité et à bas débit.
 
2.4  – L’industrie 4.0
Les enjeux à retenir : l’industrie 4.0 est le royaume de la cobotique, où robots, machines et humains collaborent pour gagner en agilité et en personnalisation des produits.
Le cas d’usage de la SNCF : l’IA permet à la SNCF d’améliorer sa maintenance et de réduire ses coûts opérationnels tout en optimisant son service client.
D’autres cas d’usage : Schneider Electric parvient à gérer à distance une ferme solaire au Nigéria grâce à l’IA, tandis que Bosh a créé un système d’auto-formation pour les opérateurs utilisant une tablette et des bracelets connectés pour contrôler et guider leurs mouvements.
Intesens, la startup à suivre : la société crée des solutions de maintenance connectée pour des applications industrielles.
 
2.5 – L’hôtellerie
Les enjeux à retenir : Automatiser certaines tâches et repenser les process pour fluidifier l’expérience client et personnaliser le service.
Le cas d’usage d’AccorHotels : le groupe hôtelier utilise un logiciel de « smart pricing » pour établir ses tarifs.
D’autres cas d’usage : Au Japon, l’hôtel Henn-Na est entièrement robotisé tandis que de nombreuses autres chaînes hôtelières intègrent des automates.
Victor & Charles, la start-up à suivre : créée en 2014, la start-up française propose aux professionnels de l’hôtellerie de de connaître à l’avance les goûts, les habitudes et le « potentiel » de leurs clients via sa solution d’IA basée sur l’analyse de données numériques publiques. Cela se traduit par des campagnes e-mailing personnalisées, des surprises préparées pour certains clients ou la création de séjours sur-mesure.
 

TROISIEME PARTIE – IA FOR GOOD

Cette dernière partie pose la question des limites et du sens à donner à l’IA en plaidant pour une vision humanisée et un usage responsable des technologies d’IA.
 
3.1 – Faut-il avoir peur de l’IA ?
Alors que de nombreux experts s’inquiètent des développements technologiques et prédisent un remplacement des humains par l’IA, il importe de relativiser la dimension intelligente de l’IA. L’IA n’a ni éthique ni conscience. La responsabilité nous échoit de l’utiliser à bon escient. La disruption de l’emploi se traduira par une transformation du marché et un déplacement des compétences humaines vers les « soft skills ». 
L’impact à court terme de l’intelligence artificielle dépend de qui la contrôle. Et, à long terme, de savoir si elle peut tout simplement être contrôlée.
Stephen Hawking, physicien théoricien »
 
L’intelligence artificielle est-elle vraiment intelligence ?
Il faut relativiser la dimension “intelligente” de l’IA. L’IA a une intelligence très mathématique, basée sur des algorithmes rigoureux qui ne laissent pas de place à l’improvisation. Cette “intelligence” diffère de l’intelligence humaine, biologique et duale (dépendant à la fois de la raison et des émotions). La dimension artificielle prend ici tout son sens.
De plus, l’IA ne tire son intelligence que d’une base de données, qui même extrêmement large, sert de limite à la machine. Son discours va toujours être factuel, à la différence des humains.
L’aliénation volontaire par la machine est donc vraiment peu plausible. L’IA n’a ni éthique ni conscience. La responsabilité nous échoit de l’utiliser à bon escient.
L’intelligence ne se résume pas à la seule logique ou aux raisonnements mathématiques. L’IA reste un monde froid, qui n’expérimente ni le bonheur ni le malheur, ni l’envie. Les IA n’ont pas d’amis ni d’amoureux. On ne peut les hypnotiser ou les exaspérer. Elles ne ressentent pas de fierté après avoir battu un humain aux échecs, sans parler de leur absence d’instinct, d’empathie ou de bon sens. L’erreur fondamentale, qui nous vient surtout d’outre-Atlantique, est de vouloir dissocier le corps de l’esprit.
Didier Schmitt, Ancien membre du bureau des conseillers de politique européenne (BEPA) »
 
Pour certains, l’IA disrupte l’emploi. On entend souvent que l’IA va faire disparaître des emplois et concurrencer l’homme. D’après Gartner, un tiers des emplois dans le monde sera remplacé par des algorithmes et des technologies d’intelligence artificielle à horizon 2025.
Or, l’IA est complémentaire des humains. L’IA augmente les compétences et facilite le travail soit en augmentant la performance, soit en délestant l’homme des tâches ingrates et à faible valeur ajoutée.
Comme toute innovation (machine à vapeur, électricité, informatisation,…), l’IA va faire évoluer un certain nombre d’industries et de métiers…. supprimant certains emplois mais en créant d’autres.
L’IA va transformer le marché de l’emploi en libérant du temps aux employés qui pourront se consacrer à des tâches à plus forte valeur ajoutée. Selon un rapport de Dell et de « l’Institut pour le Futur », 85 % des emplois de 2030 n’existent pas encore aujourd’hui !

LIRE DANS UP’ : Les dix emplois de demain qui n’existent pas encore aujourd’hui

Pour d’autres, l’IA n’est pas prête à prendre les emplois humains :
Il faut être attentif à la différence entre la capacité des machines à effectuer certaines tâches et leur capacité à occuper certains emplois. Si vous prenez l’exemple de la voiture autonome, imaginez un véhicule qui conduirait tout seul dans 99 % des cas : il aura toujours besoin d’un chauffeur. Maintenant, imaginez un modèle autonome dans 100 % des cas. La différence peut sembler minime, mais l’impact sur le marché du travail est énorme : soit vous avez besoin d’un chauffeur humain, soit vous n’en avez plus besoin. Et il faudra plus de temps qu’on ne le pense pour arriver au point où les machines font l’ensemble des tâches et bouleversent vraiment le marché du travail.
Nick Bostrom, Philosophe et professeur à Oxford »
 
L’IA apporte des bénéfices en termes de productivité et de croissance. Pour exemple :
– Retail : Augmentation des ventes en ligne de 30% pour les retailers grâce à l’usage de prix dynamiques et de la personnalisation.
– Manufacturing :  Accélération de 30% de la production pour les industries ouvrières grâce au machine learning.
– Energie électrique :  Une réduction potentielle de 10% des coûts d’électricité par l’usage de deep learning pour anticiper la demande.
– Santé :  Une réduction potentielle de 10% des dépenses de santé avec des traitements sur-mesure grâce au machine learning.
 
L’IA pousse l’humain à se réinventer : Il est inutile pour l’humain de tenter de lutter contre l’IA dans certains domaines, comme celui des mathématiques ou de la connaissance pure de faits. En revanche, l’humain a encore un rôle à jouer dans un monde du travail “IA integrated” puisque la différenciation se fera justement sur l’humain et plus particulièrement sur ses capacités créatives et émotionnelles.
Le potentiel de la technologie est infini mais l’infini ne suffit pas à faire une vérité, il n’est qu’un champ de possibilités. En se développant en fonction de nos réactions, la technologie ne cesse de nous interroger comme un miroir sorti de nous-mêmes. Un révélateur qui repousserait en permanence nos convictions sur ce que nous sommes et sur la façon dont nous fonctionnons et nous réinventons.
Benoît Raphaël, Expert en innovation digitale et média »
 
3.2  – L’éthique, un enjeu clé
A présent que les technologies fonctionnent et ouvrent l’horizon de plus en plus loin, il importe de se poser la question des limites.
Les limites ne sont plus technologiques, elles doivent donc être humaines et les développeurs IA doivent se poser les bonnes questions. On ne fait pas de l’IA pour l’IA mais pour atteindre un but. Il existe un réel enjeu de dépassement des biais humains, qui ne sera possible qu’en installant de la transparence autour de l’IA.
Les chercheurs, ingénieurs et entrepreneurs qui contribuent à la conception, au développement et à la commercialisation de systèmes d’IA sont amenés à jouer un rôle décisif dans la société numérique de demain. Il est essentiel qu’ils agissent de manière raisonnable, en prenant en considération les impacts socio-économiques de leurs activités. L’objectif est simple : obliger les développeurs d’IA à se poser les bonnes questions, au bon moment.
Cédric Villani, Mathématicien et député de l’Essonne, chargé de mission sur l’Intelligence Artificielle »
 
Quelle IA et pourquoi ? Avoir un but et une stratégie. On ne fait pas de l’IA pour l’IA mais pour atteindre un but.
L’IA et la technologie sont neutres et n’ont pas d’éthique ou de conscience. A nous de décider si nous voulons les utiliser pour faire le bien ou le mal.
A la suite d’une conférence internationale organisée par l’Institut du Futur de l’Humanité, le 12 janvier 2015, ce dernier a publié une lettre ouverte pour inciter le monde de la recherche à ne pas se concentrer uniquement sur le développement des capacités de l’intelligence artificielle, mais aussi sur ses bénéfices pour la société et la constitution de garde-fous.
Plusieurs visions de l’IA se développent, avec un débat sur le degré de “conscience” qu’une IA doit avoir. On parle d’IA forte ou d’IA faible. Il est à présent important de parvenir à définir un cadre de développement et d’anticiper les possibles dérives pour les prévenir.
Le rapport The Malicious Use of Artificial Intelligence : Forecasting, Prevention, and Mitigation, publié mardi 20 février 2018 par 26 spécialistes de l’IA, fournit des recommandations pour éviter ou limiter les principaux dangers.
 
Une responsabilité de chacun à mettre des limites à ce que l’on construit : Pour Kate Crawford, auteur et chercheuse sur les systèmes data, le machine learning et l’intelligence artificielle, la désobéissance civile pourrait encadrer les usages de l’IA.
Elle fait référence à l’ingénieur français René Carmille qui a saboté les tabulatrices utilisées par les nazis pour localiser les juifs français. Les ingénieurs de l’IA doivent ainsi considérer quelles lignes ne doivent pas être franchies par leur technologie. Y a-t-il des choses qui ne devraient pas être construites ?
 
L’IA pour dépasser les erreurs et biais humains :
– L’IA représente une ambition : celle de transcender l’humanité et de former des machines qui seraient “meilleures” que les humains. Dans ce cas, nous sommes face à un réel enjeu de correction de nos biais humains. Avec le machine learning, l’IA risque de reproduire les mêmes biais que ceux des humains.
– Une IA qui analyserait les modes de recrutement d’une entreprise en machine learning pourrait reproduire les mêmes biais de genre et de race.
– Une IA construite uniquement par des hommes blancs occidentaux risque de reproduire “naturellement” certains biais sexistes et racistes. Face à cet enjeu, de nombreuses associations se sont formées, comme Women in Machine Learning ou Black in AI.
 
Un enjeu crucial : la transparence. Les systèmes d’intelligence artificielle sont devenus très opaques et n’expliquent pas les processus de prise de décision. L’IA ne peut pas être une boîte noire d’où l’on obtient une réponse que l’on ne saurait pas expliquer. Il est indispensable de savoir comment et par quel moyen l’IA fonctionne pour pouvoir la contrôler, par exemple comprendre quel élément d’analyse a poussé une IA à proposer tel diagnostic médical.
Lors du Forum économique mondial de Davos 2018, Virginia Rometty, CEO d’IBM, a appelé à «une nouvelle ère de responsabilité des données» caractérisée par la transparence autour de l’IA :
S’agissant des nouvelles capacités de l’intelligence artificielle, nous devons être transparents sur quand et comment elle est appliquée, sur qui l’a mise en place, avec quelles données et de quelle manière. Nous devons expliquer pourquoi ses algorithmes prennent telle ou telle décision. Il est indispensable d’adopter des principes de gérance des données et de transparence en matière d’IA ».
(Source : Ere cognitive : les 3 principes essentiels selon IBM pour garantir transparence et confiance IBM, 2017)
 
Fin 2017, IBM s’est associé au MIT pour créer un laboratoire de recherche commun, le MIT-IBM WATSON AI LAB dont la priorité est le contrôle et à la transparence de l’intelligence artificielle.
Cette collaboration s’articule autour de quatre axes :
1. l’avancement des algorithmes de base pour rendre les processus de développement plus transparents,
2. le développement de nouveaux logiciels et hardware,
3. la prospérité de l’IA – analyse des impacts sociétaux,
4. les applications potentielles de l’IA dans la société.
 
3.3 – L’IA représente l’espoir
L’IA peut être « for good » et travailler pour le bien commun, en constituant un moyen d’atteindre les objectifs de développement durable définis par l’ONU. Le concours AI XPRIZE sponsorisé par IBM Watson met ainsi en compétition des équipes travaillant sur des applications d’IA qui permettent de relever des grands défis humanitaires ou de développement durable.
 
 
L’Europe et particulièrement la France ont l’opportunité de s’imposer comme des acteurs d’une IA qui serait centrée sur l’éthique, ainsi que l’a souligné le président Macron lors du sommet AI for Humanity suite à la remise du rapport Villani « Donner un sens à l’IA ».
L’IA est un secteur dominé par les Etats-Unis et la Chine grâce à leurs géants digitaux aux moyens colossaux en recherche et en développement. Mais l’Europe n’est pas hors-jeu et tient une réelle opportunité de s’imposer comme un des leaders du secteur.
 
Les GAFAM, et maintenant leurs équivalents chinois, vivent déjà de l’exploitation informatique de nos données personnelles. L’IA va encore décupler leur emprise. Les failles possibles des applications de l’IA sont légion et la cybersécurité a de grands jours devant elle. D’autres vulnérabilités nous guettent, comme le passage des ‘fake news’ à la manipulation de masse. Toujours est-il qu’une nouvelle ère s’ouvre inéluctablement : il y aura un ‘avant’ et un ‘après’. C’est bien pourquoi le continent des Lumières doit se réveiller. Il doit devenir un acteur qui imprime sa spécificité et son éthique, et évitera par-là que l’IA ne devienne une réelle boîte de Pandore.
Didier Schmitt, Ancien membre du bureau des conseillers de politique européenne (BEPA) »
 
 
Il existe un écosystème français avec des acteurs qui se posent la question du cadre à donner à l’IA et des limites à poser. La France peut émerger comme une 3e voie qui serait centrée sur l’éthique.
François Hollande avait lancé en janvier 2017, en fin de mandat, l’initiative FranceAI avec l’ancienne secrétaire d’État au Numérique et à l’Innovation, Axelle Lemaire, et Thierry Mandon, ancien secrétaire d’Etat à l’Enseignement supérieur et à la Recherche. Un rapport avec des recommandations stratégiques a été remis au gouvernement le 21 mars 2017.
La déclaration de politique générale d’Edouard Philippe du 4 Juillet 2017 a fait de l’intelligence artificielle l’une des priorités du gouvernement Macron, avec trois engagements phares :
1. Miser sur nos talents :
• Mise en place d’un programme national pour l’IA coordonnée par l’Inria, sous la forme d’instituts émaillant le territoire.
• Doublement du nombre d’étudiants formés à l’IA.
• Fluidification des échanges publics/privés : un chercheur pourra diviser son temps de travail.
• Investissement d’1,5 milliards d’euros pour le développement de l’IA.
2. Rassembler nos forces :
• Ouvrir les bases de données centralisées pour permettre aux acteurs de chaque secteur de les exploiter de d’innover.
• Cette politique d’ouverture doit respecter l’intimité de l’usager et s’accompagner d’un cadre européen de protection des données personnelles.
3. Poser un cadre éthique :
• Transparence des algorithmes.
• Création d’un groupe international d’experts sur l’IA pour organiser une expertise mondiale indépendante.
• Créer des programmes d’éducation qui mettent transparence et loyauté au cœur de la formation.

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Des acteurs internationaux investissent sur l’IA en France. Après Google et Facebook, le groupe Samsung et IBM ont annoncé fin mars 2018 des investissements massifs en France.
 
Samsung va implanter son 3e plus grand centre de recherche mondial sur l’IA à Paris ou Saclay.
IBM va recruter 400 experts d’IA en France d’ici à deux ans. Une partie de ces ingénieurs, développeurs, chercheurs, data scientists s’installeront au sein du pôle scientifique et technologique de Paris-Saclay.
La technologie avec les valeurs de la France, c’est la technologie par l’homme et pour l’homme. Pour développer l’intelligence artificielle en accord avec ces valeurs, IBM va créer 400 nouveaux emplois en France.
 

 

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