Comment nos récepteurs olfactifs reconnaissent-ils les molécules odorantes ? Avec l’avènement des réseaux de neurones, une équipe de chimistes du CNRS vient de parvenir à prédire les interactions entre l’ensemble des odorants et les récepteurs connus. Une avancée cruciale pour comprendre le fonctionnement de l’odorat grâce à l’IA.
L’odorat est un sens d’une fascinante complexité qui nous rend capables de détecter des quantités infimes de molécules volatiles, de percevoir des changements mineurs dans la composition d’un mélange ou encore de différentier deux énantiomères (molécules de même composition chimique, mais de structures images l’une de l’autre dans un miroir).
Pour ce faire, le système olfactif suit une stratégie de reconnaissance extrêmement sophistiquée reposant sur un répertoire d’environ 400 récepteurs olfactifs (RO) présents dans l’épithélium olfactif. Ce dispositif est basé sur une méthode de reconnaissance de formes plutôt que sur l’identification isolée d’une molécule spécifique. La grande majorité des récepteurs olfactifs n’est d’ailleurs pas dédiée à la reconnaissance d’une molécule ou d’une fonction chimique particulière. Lors de l’inhalation, une molécule odorante interagit avec un sous-ensemble de récepteurs. L’activation différentielle de ce sous-ensemble est ensuite interprétée par le système nerveux central comme une odeur. C’est ce que l’on appelle le code combinatoire des odeurs.
Malgré des avancées importantes sur l’olfaction au cours des dernières décennies, les mécanismes biologiques de reconnaissance des molécules odorantes par les récepteurs olfactifs n’ont pas encore été réellement déchiffrés jusqu’ici et l’immense majorité du code combinatoire des odeurs reste inconnue. Avec l’avènement des réseaux de neurones, une équipe de l’Institut de chimie de Nice (CNRS/Université Côte d’Azur) vient de parvenir à prédire les interactions entre l’ensemble des odorants et des récepteurs connus.
L’équipe a méticuleusement analysé les publications des 25 dernières années et construit une base de données regroupant les résultats de tests d’associations de plus de 46 000 paire odorants-récepteurs. En analysant ces données à l’aide des réseaux de neurones à graphes (GNN), qui utilisent l’intelligence prédictive de l’apprentissage profond, sous-ensemble de l’IA, et les modèles de langage de protéines de grande taille, l’équipe a développé un nouveau modèle de prédiction d’interaction entre un ligand et un RO.
Ces résultats constituent une avancée majeure, avec l’ensemble du code combinatoire (400 récepteurs) pour les 6000 molécules olfactives connues. (A retrouver dans la revue annuelle International Conference on Learning Représentations). En reliant ces modèles d’activité à la perception olfactive, l’équipe a confirmé que les odorants sont reconnus par un sous-ensemble unique de récepteurs et que ces sous-ensembles sont spécifiques à une caractéristique olfactive précise (une odeur).
De manière plus étonnante, ce travail pourrait avoir un impact au-delà de l’olfaction, car les RO sont également exprimés dans des tissus non nasaux, où ils sont impliqués dans la régulation de différentes fonctions métaboliques, ou présents dans les cellules cancéreuses. Les RO sont ainsi en train de devenir des cibles médicamenteuses prometteuses, et comprendre leurs spectres de reconnaissance chimique est d’une importance majeure pour la conception rationnelle de futurs médicaments.
Source : CNRS