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L’épidémie de Covid doit être évaluée à sa mesure, sa juste mesure
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L’épidémie de Covid doit être évaluée à sa mesure, sa juste mesure

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Depuis le début de la pandémie de Covid-19, nous sommes assaillis par les chiffres et les messages parfois contradictoires. Des mesures sont prises pour enrayer les différentes « vagues » qui se succèdent mais l’ensemble du public ne comprend pas toujours leurs motivations épidémiologiques. Le professeur Jean-François Toussaint observe depuis le début l’évolution de cette maladie. Il nous livre ici ses dernières analyses, appuyées sur des statistiques de long-terme qui apportent un jour pertinent sur l’épidémie. L’objectif étant d’évaluer les mesures prises à leur juste mesure.

 TRIBUNE LIBRE


Évolution de la saisonnalité épidémique

Moyenne mobile des décès sur 7 jours en Europe (points en bleu : 40 pays, ~700 millions d’habitants) et en Amérique du Sud (points en orange : 12 pays, 420 millions d’habitants). Source CSSE.

L’alternance de phase entre les courbes européenne et sud-américaine de mortalité confirme la mise en place d’un phénomène saisonnier avec alternance hivernale Nord-Sud, suggéré dès 2020. On doit donc s’attendre à une nouvelle augmentation des contaminations et aux décès des plus fragiles d’entre nous au cours de l’hiver à venir – et des suivants, sauf à considérer une très hypothétique éradication virale en 2022 (hypothèse de moins en moins probable au regard de l’extension planétaire actuelle).

Devrons-nous pour autant nous enfermer dans nos cavernes chaque hiver ? Devons-nous cesser tout échange ? Certainement pas. Laissons cette option délibérée à ceux qui l’implorent, par phobie, et à ceux qui la requièrent, par nécessité.

Mais devons-nous laisser à nos enfants une société épouvantée par son incapacité à gérer ses moindres difficultés ? Commodément dissimulés derrière nos masques, nous ne sommes même plus capables de leur dresser honnêtement l’état du monde, de leur confier nos doutes et nos espoirs et de les aider à en prendre progressivement leur part.

Évolution de la mortalité quotidienne française 

Décès déclarés en bleu, moyenne mobile sur 7 jours en orange. Source CSSE.

 Car, après la phase initiale (mars – avril 2020), l’impact des principaux variants (jusqu’au ∂elta B.1.617.2, dernière phase significative à ce jour) montre une réduction de la pente de progression : chaque nouvelle phase présente un accroissement du nombre de décès plus faible que la précédente ce que traduisent des pentes de moins en moins verticales (entre le 15 mars et le 8 avril 2020, on dénombrait chaque jour 50 décès en plus du nombre enregistré la veille, alors que du 21 juillet au 26 août 2021 cette valeur n’est plus que de 4, une réduction d’un ordre de grandeur). Pour tenir compte des variations saisonnières, il conviendra donc, en France comme dans le monde, de comparer la progression de la prochaine phase avec celle de novembre 2020.

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Évolution de la mortalité quotidienne mondiale 

Décès déclarés (points en bleus) et moyenne mobile sur 7 jours (points en orange). Source CSSE.

De même, sur les trois semaines de l’expansion pandémique la plus rapide (de mi-mars à début avril 2020, 1ère pente), on décomptait chaque jour dans le monde 285 décès en plus du nombre enregistré la veille, alors que de juillet à août 2021 (dernière phase de progression significative et 4ème pente), cette valeur n’était plus que de 46, une réduction d’un facteur 6.

Mécanismes de défense

Dans l’interaction virus-hôte, un mécanisme adaptatif semble donc à l’œuvre (avec diminution de virulence ou progression de l’immunité – naturelle et vaccinale) qui diminue l’impact sur les populations. A l’échelle planétaire, et même s’il y participe évidemment, le taux de couverture vaccinale (52% des humains avaient reçu au moins une dose au 17.11.2021 vs 25% au début de l’été) ne semble pas suffisant pour expliquer à lui seul cette évolution sur les deux premières années de pandémie.

Parmi tous nos mécanismes de défense, l’immunité naturelle initiale fondée sur l’activation de cellules T semble permettre de se débarrasser du virus avant même qu’il n’enclenche la production d’anticorps. Certaines cellules immunitaires pourraient en effet éliminer très précocement une infection naissante à Sars-CoV-2 (expliquant aussi que les tests PCR ne se positivent pas chez ces sujets). Une telle résistance serait conférée par des cellules T mémoire qui désactiveraient un complexe de transcription sur lequel s’appuie la réplication virale. Ces cellules peuvent avoir été générées par des infections antérieures dues aux coronavirus responsables des rhumes.

Comment les gens résistent-ils au COVID ? Les soignants offrent un indice - Article publié dans Nature le 11/11/2021

Max Kozlov                 Nature            11 novembre 2021

doi : https://doi.org/10.1038/d41586-021-03110-4

Certaines cellules immunitaires pourraient empêcher l’infection par le SRAS-CoV-2 et la production d’anticorps ou de test PCR positif.

Les données de dizaines de personnels soignants britanniques suggèrent une possibilité importante : que certaines personnes puissent éliminer une infection naissante du SRAS-CoV-2 de leur corps si rapidement qu’elles ne sont jamais testées positives pour le virus ni même produisent des anticorps contre celui-ci 1. Les données suggèrent également qu’une telle résistance est conférée par des acteurs immunitaires appelés cellules T mémoire – peut-être celles produites après une exposition à d’autres coronavirus, ceux qui causent le rhume. « Je n’ai jamais rien vu de tel. C’est vraiment surprenant que les cellules T puissent contrôler une infection si rapidement », déclare Shane Crotty, immunologiste au La Jolla Institute for Immunology en Californie, qui n’a pas participé à la recherche.

Les auteurs de l’étude avertissent que leurs résultats ne montrent pas que les personnes qui ont eu un rhume sont protégées contre le COVID-19. Ils reconnaissent également que leurs conclusions comportent de nombreuses limites.

Dans l’étude, publiée le 10 novembre dans Nature, les auteurs ont examiné des échantillons de sang prélevés au cours des premières semaines de la pandémie auprès de 60 agents de santé britanniques. Tous ont travaillé dans des hôpitaux, ce qui les expose à un risque élevé de contracter le COVID-19, mais ils n’ont jamais été testés positifs et n’ont produit aucun anticorps contre le virus pendant quatre mois après leur inscription à l’étude.

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Les chercheurs ont remarqué que chez 20 de ces participants « séronégatifs », les cellules T s’étaient multipliées, signe que le système immunitaire pouvait se préparer à combattre une infection. Dix-neuf de ces personnes présentaient également des niveaux accrus d’une protéine du système immunitaire appelée IFI27, qui, selon les auteurs, pourrait être un marqueur précoce de l’infection par le SRAS-CoV-2. Ces données sont des preuves d' »infections abortives », ce qui signifie que le virus a fait une incursion dans le corps mais n’a pas réussi à s’installer.

Les auteurs ont émis l’hypothèse que les cellules T arrêtent le SRAS-CoV-2 en désactivant un groupe de protéines virales appelé « complexe de transcription de réplication », qui aide le virus à se reproduire. Ils ont trouvé des preuves pour étayer cette théorie : une proportion beaucoup plus élevée de participants séronégatifs avait des cellules T qui reconnaissaient ce complexe par rapport à ceux qui avaient contracté le COVID-19.

Les chercheurs ont également découvert que même les lymphocytes T provenant d’échantillons de sang prélevés avant la pandémie pouvaient reconnaître le SRAS-CoV-2 et le complexe de réplication. Ces cellules T pourraient avoir été générées par des infections antérieures dues à des coronavirus qui provoquent les rhumes, mais sans preuve directe de la façon dont sont apparues ces cellules, il est possible que d’autres déclencheurs aient contribué à leur formation.

La plupart des vaccins existants ciblent la protéine Spike du SRAS-CoV-2, qu’il utilise pour envahir les cellules humaines. Les protéines Spike varient considérablement entre les différents coronavirus. Mais les complexes de réplication sont similaires pour plusieurs types, faisant de cette partie une cible prometteuse pour un vaccin « pan-coronavirus » – un vaccin qui protègerait contre un large éventail de virus.

Mais des scientifiques, non impliqués dans l’étude, notent qu’il n’y a aucune preuve définitive que les soignants qui ont éliminé le virus avaient en fait des particules de SRAS-CoV-2 dans leur corps. Cela rend difficile de tirer des conclusions sur le rôle de ces cellules T, explique Donna Farber, immunologiste à l’Université Columbia à New York.

La co-auteur de l’étude, Mala Maini, immunologiste virale à l’University College London, reconnaît que son équipe manque de confirmation directe des infections abortives parmi les participants à l’étude. Mais elle note que le moment de la propagation précoce incontrôlée du virus au Royaume-Uni est bien documenté. En conséquence, dit-elle, ce n’est probablement pas une coïncidence si les chercheurs ont remarqué plus de cellules T dans le sang des participants à peu près au même moment où les personnes atteintes de COVID-19 remplissaient les hôpitaux britanniques. « Le timing est si précis », dit-elle.

Même si certains des participants à l’étude ont éliminé le virus avant qu’il ne puisse s’installer, il est possible que les infections avec des variants Delta ne puissent pas être éliminées de la même manière, explique Marcus Buggert, immunologiste au Karolinska. Institut à Solna, Suède. Il note que l’étude documente le phénomène uniquement chez les soignants, soulevant la possibilité que seules des personnes telles que le personnel hospitalier, qui sont régulièrement exposées à une grande variété de virus respiratoires, puissent organiser une réponse abortive.

L’étude n’a pas non plus été conçue pour déterminer si la réponse abortive est induite par les cellules T ou par un autre processus immunitaire inconnu. Il sera important de tester la théorie des cellules T chez l’animal tandis qu’un essai chez l’homme, dans lequel les participants seraient exposés au SRAS-CoV-2, aidera à établir si ces cellules T aident vraiment à éliminer l’infection.

  1. Swadling, L. et al. Nature https://doi.org/10.1038/s41586-021-04186-8 (2021).

L’immunité naturelle est bien une capacité qui s’acquiert et s’entretient.

Activité hospitalière

D’autre part et sur la totalité de l’année 2020, le taux d’activité des hôpitaux français consacrée au Covid a été de 2% (celle des services de réanimation de 5%). Dit autrement et malgré les nombreuses difficultés et reports, 98 malades sur 100 ont l’année dernière été pris en charge pour de tout autres causes et pathologies (des cancers, des maladies cardio-vasculaires, respiratoires, génétiques, etc.) sans rapport avec l’épidémie (l’ordre de grandeur de ces chiffres est aussi celui de la mortalité – l’un restant toujours intimement lié à l’autre – selon les multiples facteurs de risque et co-morbidités associés au décès). Si certaines régions et services ont fortement souffert en 2020, l’ensemble du système hospitalier français a donc été touché par une augmentation d‘un cinquantième de son activité.

Nous n’étions et ne sommes toujours pas en guerre mais au cœur d’une incapacité chronique, celle d’organiser les forces. Car il s’agit bien d’un problème de répartition des moyens auquel nous n’avons su répondre que très partiellement, pour des raisons de dégradation anciennes, et qui risque de s’amplifier faute de réponses adaptées.

Conséquences de nos décisions

Or pendant ce temps, selon la directrice générale de l’Unicef Henrietta Fore, 160 millions d’enfants dans le monde se sont vus contraints à un travail forcé, hors de toute éducation, un chiffre en augmentation pour la première fois depuis longtemps ; 120 millions de femmes, d’hommes et d’enfants sont décédés d’autres causes ; 110 millions ont basculé sous le seuil de grande pauvreté, la faim progresse  et la prévention mondiale des maladies infectieuses (Tuberculose, Sida, Paludisme, …) a vu ses programmes réduits de 20%, surtout dans les pays les plus fragiles alors que le Covid n’y est responsable que de 3% des pertes de vie humaine.

Le temps refermera-t-il ces plaies ?

Tout cela n’est pas le résultat de l’agression virale mais bien de la nature des décisions prises pour lutter contre lui. Ceux qui les ont annoncées n’auraient-ils pas su, ou voulu, analyser correctement le sens dans lequel le monde évoluait [1] ?

Respect démocratique

Enfin, alors que des comités de plus en plus restreints décident pour des millions de françaises et de français, nous manquons de débats démocratiques et scientifiques pour confronter publiquement les choix fondamentaux retenus et les principales raisons qui les déterminent. Et l’ampleur de ce déficit s’accentue [2].

Avant de supprimer leurs droits à ceux qui n’interprètent pas le monde comme les autres, alors que certains pays jouent à nouveau la carte du faible en reconfinant leurs populations, peut-on encore aborder sereinement ces questions ou laisserons-nous ces dérives majeures, depuis longtemps à l’œuvre [3], s’aggraver encore ?

Jean-François Toussaint, Professeur de Physiologie, Université de Paris

[1] Adrien Marck, Antero J, Berthelot G, Saulière G, Jancovici JM, Masson-Delmotte V, Boeuf G, et al. Are we reaching the limits of Homo sapiens ? Front Physiol. 2017, 8: 812. doi: 10.3389/fphys.2017.00812

[2] Emmanuel Hirsch. La démocratie endeuillée. https://emmanuelhirsch.fr/?p=1497  &  Pourquoi la vaccination des enfants pose des enjeux éthiques inédits. https://www.lejdd.fr/Societe/Sante/covid-19-pourquoi-la-vaccination-des-enfants-pose-des-enjeux-ethiques-inedits-4075852

[3] Amin Maalouf. Le naufrage des civilisations. Livre de Poche 2020   &  Vincent Brengarth et Jérôme Hourdeaux. Revendiquons le droit à la désobéissance. Fayard 2021.

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jp.gaillet@laposte.net
3 années

Le raisonnement de Jean-François Toussaint oublie de prendre en compte l’effet des mesures de réduction des contacts entre humains sur la progression de l’épidémie.( déterminanat lors des confinements) La baisse de la pente des courbes d’évolution des décès signifie simplement que la contagion baisse. ( le fameux R0) Cela peut s’expliquer, comme l’écrit JF Toussaint par une meilleure immunité acquise peu à peu au contact du virus. Mais les mesures de distanciations sociales, le port du masque, les gestes barrières agissent dans le même sens. Et, depuis un an, la vaccination fait de même. Actuellement le R0 ( ou R… Lire la suite »

jean-francois.toussaint@aphp.fr
3 années

Bonjour Notez que les faits rapportés ici ne sont pas le produit d’un raisonnement mais le résultat d’une observation. Seuls les faits observables méritent notre attention (« On ne peut employer dans la description des phénomènes aucune représentation qui ne corresponde à un état de fait observable » Max Born, Conférence Nobel 1954).       D’un autre côté, pour établir le raisonnement que vous proposez, portant sur cinq multiplications (sans que les amplitudes ou les phases des paramètres ne varient au cours de ces 5 périodes), il faudrait admettre 1. qu’un indicateur primaire, de type R0 ou autre, puisse résumer l’essentiel de la complexité des interactions… Lire la suite »

HélèneDIX
3 années

L’hérésie du covid semble inexplicable. Une folie semble avoir saisi l’élite parisienne. Pourquoi gèrer un problème sanitaire sous le secret défense? Que DOIT-on cacher? Pourquoi interdire des médicaments et retirer l’autonomie des médecins devenus subitement « incompétents »? Pourquoi refuse-t-on la logique rassuriste, la seule qui vaille. Ce problème n’est pas la crise sanitaire du siécle comme on essaye de nous le faire croire. Les courbes sont là pour le confirmer, il y a juste quelques morts de plus dans les cibles fragiles à part quelques cas inexpliqués. Mais tous les jours des personnes en excellente santé meurent d’anévrisme ou autre problème… Lire la suite »

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