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Il est temps de réinventer le travail !

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Une nouvelle organisation du travail monte en puissance : le coworking. Le collectif glisse vers le collaboratif, le vivre ensemble s’organise autour d’espaces de valeur qui font communauté, l’innovation d’usage prime sur les avancées technologiques : développement d’une culture numérique, collaborative, mobile, … Lieu fertile à la création d’entreprise, à l’innovation et à l’emploi, lieu où se tisse du lien social, lieu de mutation du rapport au travail, les espaces de coworking nous disent beaucoup des aspirations et des valeurs des nouvelles générations. Quel bureau demain ? Les initiatives se multiplient pour répondre à cette question. Ce 7 juin une expérimentation innovante, est dévoilée par Neo-nomade et le Centre Michel Serres. Objectif : lancer une dynamique pour accompagner les multiples métamorphoses du travail.
 
Les espaces de coworking sont des espaces de travail fondés sur deux principes clés : la mutualisation et la collaboration. Quel que soit leur métier, les entrepreneurs individuels, les très petites entreprises ou les startups ont vocation à se réunir pour mutualiser les coûts. Mais pas que … De nouveaux venus comme des salariés prennent un rythme régulier et un lieu relativement fixe (hors entreprise) pour exercer leur métier. Ils viennent chercher plutôt un lieu de socialisation afin de rompre l’isolement. Les espaces de coworking sont de parfaits exemples de tiers-lieux. Ils sont gérés de façon à favoriser les rencontres, les échanges et la collaboration, et ainsi des projets émergent, des idées sont enrichies.
Il en existe plus de 7 800 dans le monde (Enquête Deskmag) et, selon l’étude Xerfi, cette nouvelle solution de travail concerne déjà plus de 200 espaces actifs, début 2016, en France, après seulement deux ans d’existence pour la moitié d’entre eux. D’abord concernés, les travailleurs nomades et hyperconnectés, les salariés des générations Y et bientôt Z plébiscitent ces nouvelles solutions de travail, même si encore 77 % des salariés français se rendent tous les jours dans leurs entreprises contre 65 % des Britanniques et seulement 54 % des Suédois (1).
Deskmag a aussi réalisé une estimation prospective intéressante sur le nombre prévisionnel d’espaces de coworking dans le monde : il y en aurait plus de 18 000 en 2018 dans lesquels travailleraient alors plus d’un million de coworkeurs. 74 % des salariés et 51 % des dirigeants estiment que le coworking va devenir incontournable dans le futur (Sondage Mobilitis / Opinion Way).
 
Julie Fabbri est professeure assistante à EMLyon Business School et chercheure associée au Centre de recherche en gestion de l’Ecole polytechnique de Paris-Saclay (i3-CRG). Elle étudie les synergies entre espace et organisation dans des contextes d’innovation. Son doctorat (2015) portait sur les dynamiques collaboratives inter organisationnelles dans des espaces de coworking pour entrepreneurs innovants.
Dans une récente interview à Millénaire3, elle déclarait que la troisième génération de coworkers qui émerge aujourd’hui opère une bascule importante. Pour eux, rejoindre un espace collaboratif signifie avant tout rejoindre une « communauté ».
Fin 2010, le coworking était encore très jeune en France. Le boom a eu lieu à partir de 2012 avec des relais médiatiques forts et des porteurs très divers mobilisés autour des enjeux du télétravail, du bureau « intelligent », de la réfection de nouveaux sièges sociaux, etc.
La génération de 2013-2016, qui rassemble les « adopteurs précoces », est attirée par le discours médiatique sur la socialisation et les effets de réseaux que produisent ces lieux. Mais les espaces de coworking ne savent pas encore bien valoriser et promouvoir cette fonction de socialisation et de réseaux et l’offre reste encore très focalisée sur un argumentaire technique et fonctionnel (surfaces de bureaux, équipements, abonnement ou réservation en fonction du temps passé selon les prix de l’immobilier d’affaires au mètre carré).
La génération d’aujourd’hui opère une bascule importante. Pour ces coworkers, rejoindre un espace collaboratif signifie avant tout rejoindre une « communauté ».
Communautés qui contribueraient à l’émergence et au soutien de projets innovants en général, qu’ils soient portés par des individus, des entreprises, des associations ou des institutions publiques. Les communautés qui fonctionnent bien reposent sur des logiques de don/contre-don, des relations gagnant/gagnant. La norme dans ce type de communauté est de sortir des relations fournisseurs/clients et des relations business basées sur la domination. Une dimension intéressante, développée par le Professeur François-Xavier de Vaujany (Université Paris-Dauphine), est la dimension émotionnelle de la communauté. Elle repose sur des relations de confiance, d’entraide et de valeurs partagées, mais aussi d’expériences sensibles par l’intermédiaire du design du lieu, son atmosphère et son organisation. Tout cela contribue à la création de liens interpersonnels plus forts, au développement de compétences relationnelles indispensables à un porteur de projet et à la co-construction de son projet avec un certain nombre de parties prenantes.
En outre, la fréquentation de ces espaces offre aux entrepreneurs une capacité de rebond plus forte. En effet, ils sont placés en situation d’exposer régulièrement l’état d’avancement de leurs projets, de les tester auprès de la communauté. Cela contribue en quelque sorte à la précipitation de l’échec ou à les faire pivoter plus rapidement, et donc à moindre coût. Cela permet de se reconcentrer plus vite sur des projets à plus haut potentiel. On constate par ailleurs qu’un entrepreneur qui échoue ou décide d’arrêter son projet à un moment donné est en capacité de se replacer très facilement, en rejoignant des projets entrepreneuriaux portés par d’autres membres de la communauté par exemple, ce qui n’exclut pas qu’il revienne par la suite à un projet en propre.
 

Mutations du travail : quelles tendances ?

Abandon de la hiérarchie pyramidale, quête de sens et d’authenticité : le consultant Hugues de Vaulx, associé-fondateur à Coop Alternative, cabinet conseil en responsabilité sociétale, décrypte trois nouvelles tendances, au cœur des organisations du travail, à l’occasion des 1ères Assises du coworking de février 2017.
La première tendance : c’est l’abandon de la pyramide hiérarchique. Dans un environnement complexe, en mutation permanente, une organisation fonctionne mieux sans pouvoir centralisateur.
Dans les espaces de coworking, il n’y a pas de neurone roi, pas de PDG, de petits chefs, ni de compétition. D’après certaines enquêtes, c’est ce qui rend l’ambiance meilleure. Une coworkeuse a même dit : « ici, il n’y a pas d’esclave comme on en trouve beaucoup trop dans les entreprises ». La valeur forte qui y est associée, c’est la liberté. Que signifie la « liberté » au travail ? Suffit-il de ne plus avoir de responsable hiérarchique, de travailler chacun dans son coin, sans tenir compte des contraintes de ses partenaires, pour être vraiment « libre » ?
 
La seconde tendance, c’est le pilotage par la raison d’être. Faire du profit n’est qu’un moyen, pas la finalité d’une entreprise. La raison d’être d’une organisation, c’est le cap fixé. Le but ultime visé à long terme, qui dépasse les intérêts particuliers, fédère les actions et facilite la prise de décision. La mission du Bon Coin, premier site immobilier et d’offres d’emploi de France est simple : « faciliter les échanges au quotidien », déclinable à tous les métiers, de la comptabilité à l’offre client. Ce n’est ni un site d’immobilier, ni un site d’emploi. C’est une agrégation de tout cela. Depuis leur création, les vrais espaces de coworking ont un pilotage par la raison d’être. La Cordée, par exemple, affiche sur son site internet : « créer un écosystème de travail bienveillant, productif et convivial, pour tous les porteurs de projet et travailleurs autonomes, créatifs et bigarrés. »
 
La troisième tendance consiste à aider les personnes à être totalement elles-mêmes au travail. L’absence de hiérarchie, un travail qui a du sens, ne suffit pas. Les organisations innovantes et les espaces de coworking créent des dispositifs pour encourager les personnes à oser se montrer telles qu’elles sont, dans une confiance mutuelle étonnante et assez touchante… 
Pour fonder son analyse, Hugues de Vaulx s’est appuyé sur l’ouvrage, « Reinventing organizations : Vers des communautés de travail inspirées », de Frédéric Laloux.
 
Le 144, espace de coworking à Nantes (44)

L’entreprise a-t-elle encore besoin d’un lieu de travail ?

Booster l’innovation économique ou le vivre-ensemble, réduire les temps de transport, et par là-même, l’impact énergétique : le coworking a un impact direct sur la construction et l’organisation des villes et l’aménagement du territoire.
La revue d’exploration et d’analyse sur l’architecture Stream 02 publiait en 2012 (déjà !) un article passionnant questionnant l’organisation des entreprises : L’entreprise a-t-elle encore besoin d’un lieu de travail ? Après avoir mis l’accent depuis de nombreuses années sur les variables structurelles, organisationnelles, financières et humaines, il est temps de s’attaquer à la problématique spatiale, en l’abordant avec un regard neuf, pour penser l’espace de travail comme un sujet – son utilité – plutôt qu’un objet – sa surface –, et faire de l’entreprise un lieu de rencontres et d’apprentissage permanent, source d’innovation et de performance mais aussi d’attractivité et de rétention des talents. Une nouvelle organisation de l’espace doit faciliter la respiration entre le temps de la connexion et de l’échange et celui de la concentration et de la prise de recul – une respiration désormais indispensable à toute forme de création.
Julien Eymeri, consultant en organisation, rédacteur de l’article, y expose les résultats d’une enquête menée par un chef d’entreprise en Californie, auprès de ses salariés : le bureau n’apparaît pas comme un lieu favorable au travail efficace, mais les réponses semblent aussi montrer une volonté de fuir tout ce que le bureau représente : un espace physique dédié et fixe, investi sur une période temporelle déterminée et collective (les « heures de bureau »).
 
La 7e édition du baromètre de l’Observatoire Actineo de la qualité de vie au bureau, réalisée avec l’institut Sociovision (2), permet de répondre à un certain nombre de questions telles que « Quel est l’environnement perçu comme idéal par les actifs travaillant dans un bureau ? »,  « La mutation annoncée des espaces de travail (flex office, open space, coworking…) alimentée par une génération millennials hyper-connectée et collaborative, est-elle réellement en marche ? », «  L’espace et la gestion du temps sont-ils les nouveaux défis à relever pour les entreprises ? ».
 
Jusqu’à ce jour, 3 actifs sur 5 travaillent aujourd’hui dans un bureau fermé mais 2 salariés sur 5 sont prêts à travailler en flex office (sans poste de travail attribué). Les nouvelles pratiques révèlent que 32 % utilisent des espaces de coworking, fablabs, incubateurs d’innovation (45 % des actifs âgés de moins de 35 ans) ; 1/3 des actifs français travaillant en bureau souhaitaient pratiquer le télé travail et 25 % le pratiquent de façon officielle. Plus de 1 travailleur sur 4 est un travailleur nomade régulier.
 
 
Pour l’architecte britannique Frank Duffy, spécialiste de l’aménagement des espaces de travail, dans un papier publié dans Stream 02,  la ville du futur sera tournée vers la mutualisation, l’interaction, la socialisation. Les immeubles de bureaux doivent muter vers des surfaces plus petites, des modes de location plus souples, des espaces de circulation plus généreux pour favoriser les rencontres. L’offre immobilière actuelle, dominée par une logique de transactions, demeure encore trop éloignée de ces réflexions sur les usages et la fonction de l’espace.
La puissance, la fiabilité et l’omniprésence croissantes de la technologie posent une question fondamentale, et même existentielle, sur l’utilité et la valeur du lieu physique dans un monde de plus en plus virtuel. Qu’apporte-il de plus que la virtualité ? Associées, la synchronisation universelle et la connectivité instantanée semblent bien placées pour évincer des conventions spatiales et temporelles de plus en plus superflues – comme celle du travail en interaction constante pendant toute la journée. Les travailleurs du savoir – c’est-à-dire nous tous, tôt ou tard – seront libérés de ces conventions obsolètes. La vie et l’économie des villes seront certainement revigorées par le nombre croissant de personnes profitant d’horaires flexibles et du potentiel intellectuel développé par une connectivité toujours plus spontanée et fortuite.
Les travailleurs du savoir, mobiles et maîtres de leur temps, auront besoin de beaucoup moins d’espace de bureau mais l’utiliseront de façon bien plus intensive – que ce soit à l’heure, à la journée, à la semaine ou à l’année. Les enquêtes sur l’emploi du temps ont déjà suffisamment démontré qu’une grande partie des espaces de bureaux est actuellement, et sérieusement, en déficit d’utilisation – jusqu’à 50% – y compris au cours des traditionnelles huit heures de travail.
Les espaces souples et à usages mixtes seront très appréciés. L’excédent, déjà très évident, d’espaces de bureaux conventionnels sera reconverti et adapté à de nouvelles fonctions. De nouveaux types de bâtiments et de nouvelles formes de location seront conçus pour accueillir des usages variés et complémentaires.
 
 

Quel bureau demain ?

Quels seront demain les nouveaux modes de travail ? Même si le télétravail se démocratise en France avec les ordonnances Macron et qu’il est recommandé par la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, 17% des salariés qui font une demande de télétravail se la voit refusée (3).
Les récentes difficultés de transport des français avec les épisodes de grèves SNCF ou encore les problèmes de pollution ont mis en avant l’intérêt de solutions alternatives aux transports domicile-travail comme le télétravail ou le coworking. Alors, comment comprendre et analyser les pratiques de mobilité et de télétravail pour préfigurer la ville de demain, sachant que 65% des salariés souhaitent pouvoir travailler à distance avec 98% des -25 ans ?
 
Une expérimentation innovante va être lancée le jeudi 7 juin. Elle va permettre de tester de nouveaux modes de travail, mais va également permettre de collecter de la data sur ces pratiques. Ces données anonymisées issues de la plateforme Neo-nomade (4) seront complétées par des entretiens qualitatifs. Elles permettront de mesurer les impacts de ces nouvelles pratiques de travail au niveau des organisations participantes, mais également à l’échelle des territoires sur lesquels elles sont implantées. Néo-nomade s’est associée au Centre Michel Serres (5) pour créer cette expérimentation inédite baptisée Quel bureau demain ?
“ Le fait de rentrer dans une dynamique collective, en acceptant de partager de donner et de partager les expériences tout cela va bénéficier aux territoires qui, pour la première fois, vont pouvoir quantifier, évaluer l’impact que les nouvelles pratiques de travail, nomment le télétravail et la mobilité, peuvent avoir sur les infrastructures de transports et la localisation des activités en première et deuxième couronne grâce à ce travail hors du bureau .” déclare Nathanaël Mathieu, co-fondateur de Neo-Nomade.“ Face à ces enjeux, les entreprises sont en questionnement et cherchent de nouveaux modèles. Nous pensons que la solution réside dans un savant mélange entre expertise, outils technologiques et intelligence collective. C’est pourquoi nous nous sommes rapprochés du Centre Michel Serres. De cette rencontre est née Quel bureau demain ? ”
 
L’ambition ? Accélérer la mise en mouvement des nouvelles pratiques de travail. Quel bureau demain ? a pour volonté de permettre aux entreprises et aux administrations de tester de nouveaux modes de travail et analyser leurs impacts sur l’organisation, la qualité de vie des collaborateurs, la mobilité, la performance etc, mais aussi sur les territoires dans lesquels elles sont implantées.
Une expérimentation alliant recherche et outil digital : Quel bureau demain ? comprend quatre phases :
– une phase de diagnostic pour permettre à l’entreprise de savoir où elle en est sur ces sujets et de se fixer un cap en termes de transformation des pratiques de travail ;
– une phase de test où l’entreprise, une fois le cap défini, choisit les pratiques qu’elle souhaite explorer avec ses collaborateurs : le télétravail, l’utilisation d’espaces de coworking pour ses salariés, le développement d’espaces de coworking internes…
– une phase d’analyse pilotée par le Centre Michel Serres qui a balisé l’expérimentation avec des indicateurs de suivi (sur les temps de transports, la qualité de vie, la performance…). De plus des entretiens qualitatifs seront menés ponctuellement auprès des expérimentateurs pour permettre une analyse approfondie des impacts liés aux nouvelles pratiques de travail testées.
– une phase de bilan dans laquelle les résultats sont communiqués aux organisations dans un document de restitution avec des pistes pour engager la transformation de l’entreprise.
Suite à ce bilan, un rapport pour le bien commun sera disponible gratuitement pour tous les partenaires de l’expérimentation.
 
En parallèle, Neo-nomade a développé une plateforme digitale de gestion de la mobilité au travail qui permet de recenser en toute confidentialité l’ensemble des données étudiées : pratique du travail à distance, lieu du travail et déplacement, utilisation de coworking…. Disponible sur application iPhone/Androïd et dans sa version desktop, Neo-nomade permet aux salariés de travailler en mobilité de manière plus simple et plus efficace pour par exemple déclarer sa journée en télétravail, réserver un espace de coworking ou une salle de réunion, ou même retrouver des collègues …
Par ailleurs, Neo-nomade permet à l’entreprise de pouvoir suivre en temps réel, à la fois l’évolution de ces nouveaux usages, les profils de nomades et plus généralement les impacts associés tels que la qualité de vie, la performance, l’immobilier et le collectif.
 
Le programme est national, avec un premier déploiement en Ile-de-France, avec le soutien de la Région Ile-de-France et de Paris La Défense et dans la métropole nantaise. En effet, bien qu’inventé dans les métropoles, le coworking séduit de plus en plus les territoires en périphérie ou à la campagne. Il représente pour eux le moyen de se (re)vitaliser.
Le programme est ouvert à toutes les entreprises et organisations désireuses de tester de nouvelles pratiques de travail liées à la mobilité ou à l’évolution des bureaux. Les entreprises pourront rejoindre l’expérimentation entre septembre 2018 et juin 2019 pour une durée minimum de six mois.
 

Rencontre avec Nathanaël Mathieu,

cofondateur de Neo-nomade et dirigeant de LBMG

 
 Nathanaël Mathieu, vous lancez ce 7 juin une expérimentation baptisée Quel bureau demain ? Avec Neo-nomade, vous avez déjà entrepris de refonder les modèles du travail. Pourquoi le travail au bureau devrait-il être réinventé ?
 
Le travail poursuit une métamorphose majeure et l’usage du bureau tel qu’il est encore pratiqué ne correspond plus, ni aux besoins des travailleurs, ni à ceux des entreprises. Les organisations du travail évoluent vers des formes plus flexibles et nécessitent d’assembler, recomposer et fédérer des équipes qui fonctionnent bien souvent en partie à distance. La rencontre physique des individus au travail fait également apparaître davantage de besoins de convivialité, de collaboration et d’inspiration plus que des espaces cloisonnés, uniformes et bien souvent standardisés.
 

 Vous incitez les entreprises à mettre en œuvre une révolution du travail fondée notamment sur la mobilité et le télétravail. Comment parvenez-vous à les convaincre ? Qu’est-ce qui peut inciter une entreprise ou une organisation à abandonner le modèle du bureau traditionnel pour se lancer dans l’aventure du télétravail, du nomadisme et du coworking ?
 
Aujourd’hui une majorité de français peuvent, s’ils le souhaitent, travailler à distance. Cette mobilité grandissante ne peut pas se limiter à la mise à disposition par l’entreprise d’ordinateurs portables, elle doit être accompagnée car elle implique de la confiance et un changement de posture pour de nombreux dirigeants et managers. Les convaincre n’est pas si simple. Bien souvent le sujet télétravail apparaît au travers d’un événement spécifique : déménagement, besoin d’attirer ou de garder une ressource particulière, pression sur les déplacements. Il faut alors profiter de ces occasions pour expérimenter et dépasser les clichés notamment autour de l’efficacité à distance ou du lien avec le collectif de travail.
Par ailleurs, nous n’incitons pas vraiment les entreprises à abandonner le bureau mais plutôt à revoir le rôle de celui-ci. On viendra de moins en moins au bureau parce que l’on y ait obligé mais pour une raison bien spécifique : retrouver ses collègues, participer à une réunion, accéder à des ressources ou outils particuliers, etc…
Quand on pose la question : « pourquoi venez-vous au bureau ? », lors de nos interventions, on s’aperçoit que dans 70% des cas ce sont pour des raisons « sociales ». Il serait donc faux de parler de fin du bureau traditionnel car son rôle tant au niveau social qu’au niveau de l’identité de l’entreprise reste important. Celui-ci se transforme plutôt en « hub » collaboratif et se prolonge par de multiples autres espaces de travail comme le domicile, le coworking, le TGV, etc.
 

 Le télétravail est-il vraiment une réalité en France aujourd’hui ? Vous avez des chiffres et des mesures de performance ?
 
Il y a de nombreux chiffres sur le sujet. On oscille entre 15 et 20% de télétravailleurs dont les 2/3 jusqu’à présent le faisait de manière officieuse. Avec les ordonnances Macron, le télétravail occasionnel est désormais facilement activable. Cela facilitera encore plus son déploiement au sein de la population et notamment au sein des TPE et PME.
Il faut noter qu’il y a un peu plus d’un an encore près d’un salarié sur deux se voyait refuser le télétravail. (enquête parlons travail de la CFDT). Le chemin est encore long .
J’en profite pour préciser qu’en moyenne les français télétravaillent 1,2 jours par semaine. On est donc loin du télétravail qui coupe du collectif.
 
 

 Le nouveau mode de travail que vous préconisez repose un réseau d’espaces de coworking. Travailler à la maison n’est pas une solution ? Pourquoi ? Comment organiser son travail dans un espace de coworking ? Y-en-a-t-il suffisamment en France ? Comment voyez-vous leur futur ?
 
Le nouveau mode de travail que nous préconisons repose sur la fluidité des espaces et la liberté de choix de son environnement de travail. Le coworking est une alternative au bureau et au domicile pour ceux qui ne peuvent ou veulent pas travailler de chez eux. Il ne faut pas chercher à opposer les différentes pratiques de travail à distance. Certaines sociétés ont créé leurs propres espaces de travail nomade, d’autres font le choix du coworking.
 
Nous pensons que le coworking apporte un plus à tout ça car en plus de la solution immobilière qu’il représente il ouvre la porte à un deuxième collectif de travail, à une ouverture vers l’extérieur de l’entreprise et pour certains salariés un véritable bol d’air. Notre première expérimentation en 2015 avait par ailleurs fait ressortir différents profils d’utilisateurs :
Les sédentaires à la recherche d’espace où ils peuvent se concentrer ; 
les aventuriers qui vont dans des espaces de coworking pour les échanges, l’innovation ;
les sociaux qui sont à la recherche d’une communauté de travail complémentaire à  celle de l’entreprise ;
les coordinateurs qui viennent plutôt pour des réunions ;
les ultra nomades comme par exemple les commerciaux et qui utilisent les lieux sur des durées courtes et sans forcément de lien avec les autres utilisateurs
On le voit, ces besoins sont très différents et les espaces ou services doivent être adaptées et imaginés en conséquence. 
 

 Dans votre volonté de révolutionner les modalités du travail vous vous êtes sans doute rendu-compte que ces nouvelles formes d’activité ne pouvaient s’opérer sans un minimum d’organisation. Vous avec donc édité la plateforme numérique Neo-nomade. En quoi consiste-t-elle ?
 
Aujourd’hui on partage voiture, vélo, appartement et de plus en plus nos bureaux. Cette mutualisation a des intérêts économiques et écologiques mais peut perturber notre organisation quand il s’agit de l’espace de travail.
Neo-nomade a été pensé comme un outil de mobilité globale, qui facilite et simplifie le travail en mobilité des salariés, en leur offrant un choix large de modes et d’espaces de travail : par exemple déclarer sa journée en télétravail, réserver un espace de coworking ou une salle de réunion, ou même localiser et retrouver des collègues !
Par ailleurs nous ne voyons pas le service Neo-nomade uniquement comme une plate-forme technique car au-delà de l’appli c’est tout une transformation culturelle et managériale que nous initions et accompagnons.
 

 Cette application n’est-elle pas un moyen de contrôle encore plus intrusif sur leurs employés pour les managers d’une entreprise ? N’êtes-vous pas en train de mettre en place des liens encore plus forts et subtils, parce que numériques, entre l’employé à son entreprise ?
 
Cette application n’a pas été conçue comme un outil de contrôle, mais comme un outil qui permet de fluidifier l’organisation du travail dans un monde où le travail est fait de plus en plus fréquemment à distance. L’objectif est de faciliter la mobilité du travail pour en faire un réel gain pour les collaborateurs, pour les entreprises et pour les territoires.
Ceci suppose que les entreprises qui lancent ces dispositifs le fassent pour les bonnes raisons : dans un climat de confiance et de bienveillance – ce sont des choses auxquelles nous veillons dans les discussions amont avec les entreprises et dans l’accompagnement que nous proposons.
Cela étant, il est aussi normal et justifié, ne serait-ce que du point de vue juridique ou des assurances, que les entreprises souhaitent aussi encadrer ces pratiques, et avoir un niveau de suivi minimum. Du coup, certaines informations, notamment la déclaration des journées en télétravail, pourront être utilisées par les DRH pour formaliser le dispositif. Comme vous déclarez aujourd’hui vos congés dans un système RH. Le travail en mobilité implique « des droits et des devoirs » et notre outil a été pensé pour permettre cet équilibre.
L’idée est aussi d’utiliser la data anonymisée pour comprendre les impacts pour l’entreprise (Qualité de Vie au travail, déplacements, occupations des m2…) et pour les territoires.
 

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 Vous avancez que ce néo-nomadisme du travail va transformer la ville et les territoires. Qu’entendez-vous par cette promesse ?
 
Les habitants des grandes métropoles souffrent chaque jour dans leurs déplacements domicile-travail. On est dans une course aux investissements dans les infrastructures avec des moyens malheureusement de plus en plus limités et pas adaptés à la croissance des villes.
 
Pendant des années on a mis en avant les dispositifs d’éco mobilité : covoiturage, vélo, autopartage et on a un peu oublié le télétravail. Il y avait plusieurs raisons à cela. L’administration n’était pas exemplaire et elle n’avait pas beaucoup d’accroche sur les décideurs en entreprise. Et pourtant si vous regardez les attentes des salariés de la Défense, premier quartier d’affaires en Europe, en matière d’écomobilité (résultats du PDIE 2015). Ils sont 50% à voir le télétravail comme solution à leurs problématiques loin devant le covoiturage ou l’autopartage à 5 ou 6%
 
La non mobilité liée au télétravail que ce soit à domicile ou en coworking mérite d’être creusée et soutenue c’est pourquoi nous lançons quel bureau demain ? et allons placer une attention particulière à l’analyse des données pour les entreprises mais aussi à l’échelle des territoires qui nous soutiennent comme la Région Ile-de-France ou Paris La Défense. 
 

 Dans vos propos vous dites souvent vouloir mettre l’humain au centre. En quoi les nouvelles formes de travail que vous préconisez remplissent-elles cet objectif ?
 
Lancer ces expérimentations c’est déjà remettre l’humain au centre des préoccupations des dirigeants et se mettre dans une vraie logique d’amélioration de la qualité de vie au travail.
C’est aussi remettre le salarié au centre des réflexions sur l’organisation du travail. On parle de co-design ou plus largement de responsabilisation. En laissant plus de choix et de « liberté » dans leurs temps et espaces de travail on rééquilibre les temps de vie. Par ailleurs nous nous sommes aperçus que le sujet bureau est un sujet universel sur lequel tout le monde a un avis et une envie de contribuer. C’est pour cela que nous pensons que profiter d’une réflexion sur le bureau de demain dans une logique de conception collective et une bonne façons d’impliquer les salariés et d’expérimenter des pratiques moins descendante.
 
 
 
(1) Source : Observatoire Actineo – Réalisée en 2014 auprès de « 2500 salariés des secteurs privé et public travaillant dans un bureau, issus d’échantillons représentatifs de la population active de cinq pays » via un questionnaire en ligne.
(2) Ce baromètre 2017 s’appuie sur un échantillon représentatif de 1 200 actifs travaillant dans un bureau, et s’enrichit d’une mise en perspective avec les données de l’enquête Sociovision 2017-2018 portant sur tous les actifs français. Il a été réalisé entre le 26 juin et le 10 juillet 2017.
(3) source : CFDT enquête Parlons travail – https://www.parlonstravail.fr/
(4) Pionnier depuis 2010, Neo-nomade est la première plateforme de réservation d’espaces de coworking en France avec plus de 1200 espaces référencés. Son offre BtoB permet aux entreprises de faciliter le nomadisme des salariés et de rendre l’immobilier plus flexible. De grands noms comme EDF, le Crédit Agricole et Generali utilisent déjà cette plateforme pour leurs collaborateurs. Neo-nomade a été conçu par LBMG Worklabs, société qui accompagne les entreprises dans la transformation de leur organisation du travail et crée des espaces de travail innovants.
(5) Le Centre Michel Serres, créé par HESAM Université, forme des étudiants de niveau Master et Post-Master à l’interdisciplinarité et à l’innovation globale en s’appuyant sur trois valeurs essentielles : l’interdisciplinarité, la conception de projets avec des partenaires du monde socioéconomique, et la responsabilisation des étudiants en les rendant acteurs de leur formation. Maîtrise d’usage, revalorisation du patrimoine et des territoires, ruralité, approche participative de l’action publique… le Centre Michel Serres a réalisé avec succès près de 40 projets depuis sa création dont les thématiques représentent de forts enjeux d’aujourd’hui et de demain.
 

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