Le dernier rapport de l’ONU-Eau et de l’Unesco publié ce mardi 22 mars n’y va pas par quatre chemins : l’humanité est face à une « crise de l’eau imminente ». L’humanité « vampirique » épuise « goutte après goutte » les ressources en eau de la planète mettant en danger des milliards de personnes.
« Une surconsommation et un surdéveloppement vampiriques, une exploitation non durable des ressources en eau, la pollution et le réchauffement climatique incontrôlé sont en train d’épuiser, goutte après goutte, cette source de vie de l’humanité », s’alarme le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres dans l’avant-propos d’un rapport publié à quelques heures de cette conférence des Nations unies sur l’eau, inédite depuis près d’un demi-siècle. « L’humanité s’est engagée aveuglément sur un chemin périlleux », souligne-t-il. Et « nous en subissons tous les conséquences ».
Crise mondiale de l’eau
Pas assez d’eau par endroits, trop à d’autres où les inondations se multiplient, ou de l’eau contaminée : si les situations dramatiques sont légion dans de nombreux endroits de la planète, le Rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau, publié par l’UNESCO au nom d’ONU-Eau souligne le « risque imminent d’une crise mondiale de l’eau ».
« Combien de personnes seront touchées par cette crise mondiale de l’eau est une question de scénario », explique à l’AFP son auteur principal Richard Connor. « Si rien n’est fait, entre 40 et 50% de la population continuera à ne pas avoir accès à des services d’assainissement et environ 20-25% à de l’eau potable », note-t-il. Et même si les pourcentages ne changent pas, la population mondiale grossit et le nombre de personnes touchées avec.
Pour tenter d’inverser la tendance et espérer garantir d’ici 2030 l’accès pour tous à de l’eau potable ou à des toilettes, objectifs fixés en 2015, quelque 6.500 participants, dont une centaine de ministres et une douzaine de chefs d’Etat et de gouvernement se réunissent jusqu’à vendredi à New York, appelés à venir avec des engagements concrets. Mais déjà, certains observateurs s’inquiètent de la portée de ces engagements et de la disponibilité des financements nécessaires pour les mettre en œuvre.
Aucune conférence de cette ampleur n’avait été organisée depuis 1977 sur cette question vitale mais trop longtemps ignorée. Dans un monde où lors des 40 dernières années, l’utilisation de l’eau douce a augmenté de près de 1% par an, le rapport de l’ONU-Eau met en premier lieu en avant les pénuries d’eau qui « tendent à se généraliser », et à s’aggraver avec l’impact du réchauffement, jusqu’à frapper prochainement même les régions aujourd’hui épargnées en Asie de l’Est ou en Amérique du Sud.
Soif d’eau
Pour répondre à leur soif d’eau, les humains se tournent vers les nappes phréatiques avec des extractions parfois excessives : entre 100 et 200 km3 des réserves d’eau souterraine sont épuisés chaque année.
Ainsi, environ 10% de la population mondiale vit dans un pays où le stress hydrique atteint un niveau élevé ou critique. Et selon le rapport des experts climat de l’ONU (Giec) publié lundi, « environ la moitié de la population mondiale » subit de « graves » pénuries d’eau pendant au moins une partie de l’année.
Une situation qui met aussi en lumière les inégalités. « Où que vous soyez, si vous êtes assez riches, vous arriverez à avoir de l’eau », note Richard Connor. « Plus vous êtes pauvres, plus vous êtes vulnérables à ces crises ».
Selon la Banque mondiale, ces pénuries d’eau renforcées par le changement climatique pourraient coûter dans certaines régions jusqu’à 6% du PIB d’ici 2050 en raison des impacts sur l’agriculture, la santé, les revenus, et potentiellement des migrations forcées voire des conflits.
Ville contre agriculture
L’agriculture utilise plus de 70% des ressources mondiales en eau, mais avec la demande des villes qui devrait augmenter « de 80% d’ici à 2050, l’approvisionnement en eau des centres urbains à partir des zones rurales est devenu une stratégie courante » pour répondre à ces nouveaux besoins, note l’ONU.
Mais ça ne devrait pas être suffisant. Le nombre d’habitants des zones urbaines menacés par les pénuries d’eau devrait passer de 933 millions en 2016 à entre 1,7 et 2,4 milliards en 2050, selon l’ONU-Eau, qui note que l’Inde devrait être le pays le plus gravement touché.
Pénuries d’eau et inondations
Avec le réchauffement de la planète, l’humidité dans l’atmosphère augmente environ de 7% par degré supplémentaire, entraînant davantage de précipitations, plus intenses et moins régulières.
Entre 2000 et 2019, les inondations auraient provoqué 650 milliards de dollars de dégâts, touché 1,65 milliard de personnes et causé plus de 100.000 morts, selon le rapport.
Le réchauffement multiplie aussi les sécheresses qui, sur la même période, ont concerné 1,43 milliard de personnes et causé 130 milliards de dollars de dommages.
Ensemble, sécheresses et inondations comptent pour plus de 75% des catastrophes naturelles subies par l’humanité.
Le problème de l’assainissement
Le problème n’est pas seulement le manque d’eau, mais la contamination de celle qui peut être disponible, en raison de l’absence ou de carences des systèmes d’assainissement. En 2020, 2 milliards de personnes (26% de la population) étaient toujours privées d’une eau potable sûre et 3,6 milliards (46% de la population) n’avaient pas accès à des services d’assainissement gérés de façon sûre, dont 494 millions n’avaient d’autre choix que de faire leurs besoins en plein air.
Toujours en 2020, plus de 40% des eaux usées domestiques n’étaient pas traitées de façon sûre avant d’être rejetées dans l’environnement.
En outre, 2,3 milliards de personnes (29 % de la population mondiale) ne bénéficiaient pas de services d’hygiène de base, dont 670 millions sans aucune installation pour le lavage des mains. Et au moins deux milliards de personnes boivent de l’eau contaminée par des excréments, les exposant au choléra, la dysenterie, la typhoïde et à la polio. Sans oublier les pollutions par les produits pharmaceutiques, chimiques, pesticides, microplastiques ou nanomatériaux.
Écosystèmes en danger
Et ces pollutions menacent aussi la nature. Les écosystèmes d’eau douce qui rendent des services inestimables à l’humanité, notamment en aidant à lutter contre le réchauffement et ses impacts, sont « parmi les plus menacés au monde » selon le rapport. Des écosystèmes victimes notamment des ruissellements d’origine agricole.
Ces écosystèmes sont « parmi les plus menacés dans le monde », note le rapport, qui évoque notamment la disparition de plus 85% des zones humides.
Et « la perte de services environnementaux et de biodiversité devrait se poursuivre au fur et à mesure que les zones naturelles disparaissent au profit de terres cultivées ». Avec le risque de provoquer des émissions de gaz à effet de serre « considérables » lorsque les tourbières sont « drainées et converties en terres cultivées ».
« Maintenant ou jamais »
« Nous avons brisé le cycle de l’eau », résume à l’AFP Henk Ovink, envoyé spécial pour l’eau des Pays-Bas, co-organisateurs avec le Tadjikistan de cette conférence. « Nous devons agir maintenant parce que l’insécurité liée à l’eau sape la sécurité alimentaire, la santé, la sécurité énergétique ou le développement urbain et les problèmes sociaux », a-t-il ajouté. « C’est maintenant ou jamais, l’opportunité d’une génération ».
«Il est urgent d’établir de solides mécanismes internationaux pour éviter que la crise mondiale de l’eau ne devienne incontrôlable. L’eau est notre avenir commun et il est essentiel d’agir ensemble pour la partager équitablement et la gérer durablement », déclare la Directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay.
Pour garantir notamment un accès universel et équitable à un approvisionnement en eau potable d’ici 2030, il faudrait multiplier par trois les niveaux d’investissement actuels. Les estimations sont difficiles, mais une étude citée par le rapport évalue à plus 1.000 milliards de dollars par an les investissements nécessaires pour atteindre d’ici 2030 le sixième « Objectif de développement durable » de l’ONU, sur l’eau et l’assainissement pour tous.
Avec AFP
Pour aller plus loin :
- Livre « La Terre a soif » d’Erik Orsenna – Editions Fayard
« Nous sommes les avocats de la Terre. Les créatures de la Nature. Nous défendons « les non-humains et les humains ». Merci à Philippe Descola. Nous sommes la voix des vivants et inversement , et inversement. « Paroles d’ enfants de CM2 , et plus si vous le voulez. Depuis ecoleducerisier.wordpress.com . Il faut « fabriquer « des récits . Chanter le Monde pour faire entendre sa voix … « Le monde est parcouru de lignes de chant. Il appartient à chacun de les parcourir et de les reparcourir sans cesse, en chantant, parce que sous ses pas, quelque chose s’éveillera. Mais si le… Lire la suite »
« Le poète, il va venir nous voir ? », page Récits, ecoleducerisier.wordpress.com