Depuis 2009, la question du travail à distance – télétravail, coworking – et des «tiers lieux», espaces de travail autres que l’entreprise ou le domicile, est étudiée par la mission temps et services innovants de la Direction de la prospective et du dialogue public du Grand Lyon. Une charte de coworking vient d’être signée avec des partenaires actifs régionaux.
La question du travail nomade est au cœur des préoccupations de notre époque. En effet, les questions du travail à distance et d’innovation sont d’importance puisqu’au croisement de diverses politiques publiques et enjeux pour toutes métropoles : les travailleurs nomades sont de plus en plus nombreux, et pourtant souvent très seuls. Des démarches innovantes se mettent en place pour aboutir :
– à la réduction de la mobilité, source de stress pour les salariés et de nuisances environnementales pour le territoire,
– à une meilleure articulation des temps de vies pour les salariés, et d’accroissement de la qualité de vie, en pointant entre autres sur de nouvelles formes d’organisation du travail à privilégier,
– à l’attractivité diurne des territoires,
– à la création de valeur économique par le croisement d’idées, de connaissances, d’expertises, (ils sont souvent lieu primordial pour un entrepreneur avant de se lancer) ou par des projets innovants menés en partenariat…en misant sur un modèle collaboratif combinant à la fois l’émergence d’innovation forte et la rapidité d’exécution.
Il suffisait d’une volonté : celle de développer l’entraide entre les travailleurs comme les faire sortir de chez eux, partager leur espace de travail avec d’autres indépendants, construire de nouvelles solidarités professionnelles.
En 2013 l’idée a pris forme avec la mise en place d’un collectif entre le Grand Lyon et La Cordée, Locaux Motiv, l’Atelier des médias et le Comptoir Etic.
Ce travail vient d’aboutir à la signature de la Charte de coworking du Grand Lyon qui marque ainsi une étape importante dans le processus de mise en réseau des espaces de coworking à l’échelle de cette agglomération.
La charte coworking du Grand Lyon
Le coworking peut se définir comme une communauté de personnes et d’organisations qui partagent plus qu’un espace et des outils de travail : des échanges, des liens, des projets, accélérateurs d’innovations.
Le coworking Grand Lyon a pour mission de rassembler la communauté de toutes celles et ceux qui s’impliquent dans le développement du coworking sur le territoire. Au-delà de leur singularité, ces acteurs citoyens se caractérisent par quatre valeurs communes : la transparence, l’égalité, le partage, la bienveillance. Valeurs qui se déclinent à travers une douzaine d’engagements qui sont les critères des membres participatifs (mutualisation espace de travail, organisation d’ateliers participatifs mensuels, culture de la diversité,…).
Cette démarche est gagnant /gagnant pour les espaces de coworking en premier : en s’organisant en réseau, en se structurant tout en gardant chacun leurs spécificités, en conjuguant complémentarité plutôt que concurrence… et aussi pour le Grand Lyon, en donnant de la lisibilité, de la visibilité, en favorisant les rencontres, sur des critères porteurs des valeurs de liens sociaux et de dynamique économique.
Les enjeux de la ville servicielle
Comme le rappelle Bruno Marzloff (Directeur du Groupe Chronos), la ville de demain sera servicielle. On peut en tout cas affirmer qu’elle n’est pas une perspective lointaine car aujourd’hui, l’économie française est déjà largement organisée autour des activités de service. Cette évolution, amenée à être de plus en plus marquée, touche maintenant la fabrique urbaine.
D’une manière générale, la société est entrée inexorablement dans un modèle de services. Les services dans l’économie ont supplanté les productions agricoles et industrielles. Les services, ce sont quelques 65% des budgets des ménages, quelques 75% des emplois, quelques 80% du PIB, quelques 85% de la croissance, en France aujourd’hui. Dans ce modèle de service, l’homme et ses « intelligences » prévalent.
Les enjeux autour de la ville servicielle, via de nouveaux services à mettre en place sur le territoire, questionne de nouveaux mode de faire de l’action publique.
Si le modèle de l’infrastructure perdure, on ne voit pas pourquoi la ville échapperait à cette lame de fond. Il faut se mettre en posture de réfléchir à la cité servicielle. Trois raisons au moins militent pour cette rupture de paradigme :
– Les limites atteintes des croissances « physiques » (extensions urbaines, écartèlement croissant domicile-travail, etc.), les limites budgétaires, les crispations environnementales…, encouragent la mutation servicielle et sont autant d’incitations au changement. Les solutions sont ailleurs et en plus du classique aménagement urbain.
– Nous sommes passés d’un paradigme de l’offre à celui de la demande, sans en mesurer les conséquences. Au schéma descendant et univoque – l’administration savait ce qui était bon pour l’usager – s’ajoute une voie montant des usagers eux-mêmes. On leur demande d’être autonome, il faut leur donner les outils d’empowerment (maîtrise par soi-même) qui vont avec.
– La maturité de l’aire numérique urbaine (terminaux, capteurs, réseaux, applications sont en place) et des usages, assure les fondements des services et le cadre du changement. Reste à développer le carburant de ces services, la « donnée »; sans laquelle rien d’important ne peut s’envisager dans les services urbains.
Les mobilités façonnent un « urbanisme intensif »
Le point focal de la réflexion sur les services urbains se trouve dans les mobilités. D’abord, en travaillant les infrastructures dans une dimension servicielle. Ainsi, de la voiture dont on améliore le taux d’occupation avec le covoiturage, le taux d’usage avec l’autopartage ou le taux d’utilisation en articulant la voiture avec les autres modes (l’intermodalité vise à améliorer le parcours dans une construction complexe et rationnalise les usages des divers modes). Le résultat, dans tous les cas, c’est plus ou autant avec moins.
Mais encore, il faut entendre les mobilités au-delà du déplacement et des transports, comme d’autres formes d’accès aux ressources de la ville (travailler au bureau, mais aussi de chez soi, de la gare, du télécentre, du café… Idem pour les sociabilités à distance, les achats et demain pour la vidéo-formation, la télé-santé, etc.). Donc à la mobilité physique s’ajoute une mobilité numérique, aux déplacements s’ajoute le « à distance », et les modes de transports se voient proposer des alternatives et des compléments avec les outils du numériques.
Dès lors, la mobilité actuelle découvre un « urbanisme intensif » pour le meilleur et le pire, avec ses bénéfices, ses dérives et ses excès. Cette mobilité – plus dense, plus active, plus dispersée dans l’espace et le temps – conduit à d’autres rapports à la ville. Elle « fabrique » d’autres attentes à transformer en usages et façonne des passages et des continuités qui s’imposent à la ville.
La préoccupation du citadin va être de trouver la solution la plus pertinente, en fonction de sa situation de mobilité, de l’organisation du quotidien, des opportunités, etc. C’est cela qui se travaille d’ores et déjà avec une multiplicité d’outils logiciels animés par les usagers eux-mêmes (Open Street Map, Walkscore, Foursquare, etc.) qui apparaissent spontanément dans la ville 2.0, comme ils étaient apparus – pour les mêmes raisons, et dans les mêmes conditions – sur le net avec le Web 2.0.
©missionTemps-Grand Lyon – 17 avril 2014
Lire suite de l’analyse de Bruno Marzloff : Mobilités. Dérives et pistes de réponses
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26 et 27 juin prochain sur le thème « Espaces de travail et temporalités«