Les génies montrent la voie du talent créatif pour tous… Apprendre à résister aux habitudes routinières, un défi pour le cerveau, une ressource « stratégique » pour les génies créatifs. Savoir imaginer une autre façon de réfléchir, opérer un mouvement vers l’inconnu, accepter de renoncer aux conforts acquis….le cerveau est capable de cet exploit…..pourtant la société et l’enseignement ont, pour l’instant, mal valorisé ce potentiel.
La nécessité de nouveaux types d’intelligences
François Taddei, biologiste, fondateur et directeur du Centre de recherches interdisciplinaires (CRI), alerte sur la vacuité de la sélection des élites, basée sur l’accumulation des connaissances et la capacité à résoudre rapidement des problèmes ordinaires. Il affirme que d’autres formes d’intelligence sont à privilégier. Nous avons besoin d’élites capables de pouvoir faire ce que les autres n’ont pas encore fait, ou mieux encore, capables de savoir définir des problèmes que les autres n’ont pas perçus. Pour le philosophe Arthur Schopenhauer : « le talent atteint une cible que personne d’autre ne peut atteindre ; le génie atteint une cible que personne d’autre ne peut voir ». La disruption est à ce prix. Inventer de nouveaux modèles nécessite aussi de percevoir des possibilités que personne n’a vues avant soi.
L’importance du questionnement et de la connectivité dans le cerveau
Michel Habib (1), neurologue au CHU de la Timone à Marseille, a étudié les particularités cérébrales de génies scientifiques et artistiques. Les surdoués ont un cerveau plus plastique, s’amincissant rapidement au fil des années et reflétant des capacités d’apprentissage très rapides. Les connexions entre différentes zones sont plus denses. Dit autrement, cela communique mieux et plus rapidement à l’intérieur de leur tête. De surcroît, quand il se repose, la connectivité du cerveau reste active.
Dean Keith SIMONTON, professeur de psychologie à l’Université de Californie, s’est demandé comment les génies résolvaient les problèmes. Après avoir souligné l’aspect génétique (20 %) du potentiel des génies créatifs, il propose une description « reproductible » des mécanismes cérébraux de ces individus. Les fortes capacités créatives sont associées à la désinhibition cognitive. Il faut de la flexibilité cognitive et comportementale, de la tolérance à l’ambiguïté du changement. S’exercer à produire des idées de toutes natures sans les évaluer a priori, savoir opérer des allers-retours, revenir au point de départ pour prendre un nouveau chemin, sans s’entêter, tout en étant pugnace. S’aventurer dans des territoires inconnus et revenir souvent sur ses pas est un trait commun aux génies créatifs. Einstein, Picasso, Mozart…, sont tous des explorateurs de l’inconnu. Pour trouver une idée nouvelle, il faut être préparé, les génies sont des experts de leur domaine. La pensée créative exige deux styles cognitifs : l’un est contrôlé par les schémas mentaux classiques, l’autre donne accès à une expérience non filtrée du monde qui nous entoure.
Communiquer mieux à l’intérieur de notre tête… et avec les autres
Les travailleurs laborieux que nous sommes peuvent toutefois apprendre à exercer les mêmes mouvements cognitifs et émotionnels que les génies. La créativité est un processus qui s’étudie, s’accompagne, s’encourage et s’apprend, souligne François Taddei. Il existe des méthodes et des outils pour acquérir de la dextérité imaginative. Sortir des schémas mentaux classiques, déplacer son attention sur de nouvelles perceptions, se rendre disponible à de nouvelles évaluations, faire des liens entre des éléments qui semblent ne pas en avoir, tout cela se cultive. Cela impose d’apprendre à désapprendre – au moins temporairement – la soumission aux routines cognitives. Expérimenter les conséquences des schémas mentaux automatiques et apprendre à les neutraliser est indispensable. La motivation de la recherche, l’esprit d’explorateur, le mouvement sans préjugés dans un tâtonnement d’essai-erreur, la mémorisation des expériences, l’acceptation de la confusion cognitive, due au micmac informationnel, permet à l’idée d’émerger. La surprise de l’évidence de la découverte, au détour d’un chemin, offre la récompense au chercheur ébahi. En équipe ou en solitaire, à chacun ses préférences relationnelles. Cependant, l’être créatif n’est jamais seul, il s’inspire de ses prédécesseurs, il échange avec ses pairs, il interagit avec les autres disciplines. À l’âge de l’interdépendance globale, reconnaître la puissance des liens et des interactions – dans son propre cerveau et avec celui des autres – est au cœur des innovations.
(1) Le Dr Habib à écrit :
– La Constellation des Dys. Bases neurologiques de l’apprentissage et de ses troubles. Parution mai 2014
– Musique et cerveau : Nouveaux concepts, nouvelles applications – Mars 2012
– Cerveau & Psycho : Penser comme un génie. N°66 novembre-décembre 2014
– François TADDEI, Les pratiques collaboratives dans l’éducation, Paris-tech review, avril 2015