Le Sénat américain a approuvé à l’unanimité une loi qui reconnaît au secteur privé un droit de propriété sur des ressources obtenues dans l’espace. Les Etats-Unis ouvrent ainsi une première porte pour permettre l’exploitation commerciale de l’espace. Une première entaille dans le consensus adopté en 1967 empêchant un Etat à décréter sa souveraineté sur un corps spatial.
Dix petites années après le premier vol de Spoutnik, les grandes puissances se sont accordées sur un texte signé en 1967 pour interdire toute réclamation de propriété sur n’importe quel type de corps situé dans l’espace. L’époque était à la Guerre froide et le Traité était conçu pour éviter toute utilisation de l’espace à des fins militaires.
Le Sénat semble outrepasser aujourd’hui cet agrément. En jouant sur une finesse sémantique : un américain ne pourra pas dire qu’il est propriétaire d’un corps spatial, comme un astéroïde par exemple, mais qu’il pourra s’en accaparer les ressources, et notamment les ressources minières.
Cette loi est faite sur-mesure pour des sociétés américaines créées pour l’exploitation des ressources spatiales. C’est le cas de Planetary Resources, une startup soutenue financièrement par le PDG de Google, Larry Page et le réalisateur de cinéma américain James Cameron. Son dirigeant, Chris Lewicki, s’est d’ailleurs immédiatement félicité avec emphase de ce vote du Sénat : « C’est une législation historique, qui facilitera l’émergence d’une économie qui va assurer la prospérité future de l’humanité ».
Planetary Ressources et d’autres sociétés sur le même créneau avançaient jusqu’à présent dans un grand flou. En effet le Traité de 1967, s’il interdit la propriété des objets patiaux, ne dit rien sur leur exploitation. Qui ne dit mot consent ? Le Sénat lève toute ambiguïté et leur libère la voie vers la conquête de l’espace. La loi stipule en effet, qu’à défaut de propriété sur le corps lui-même, les sociétés disposeront d’un droit de propriété sur toutes les ressources obtenues lors de l’exploitation des astéroïdes et de l’espace. Elles seront ainsi les seules à pouvoir revendre de l’eau, par exemple, ou certains métaux comme le platinium, provenant d’un astéroïde.
Le texte stipule un droit de propriété opposable seulement aux Etats-Unis. Mais que se passera-t-il si d’autres pays décident d’en faire autant et de se retrouver à mettre en œuvre leur convoitise sur le même astéroïde ? Silence de la loi. Dans ce cas, c’est la loi du Far-West qui risque de s’appliquer prévient Popular Science : premier arrivé, premier servi !
Exploiter des mines situées à plusieurs centaines de milliers de kilomètres de notre bonne vieille Terre peut sembler de la science-fiction très éloignée de nos préoccupations actuelles. Pourtant, ce n’est pas ce qu’entendent plusieurs sociétés qui s’activent sur ce créneau. Planetary Ressource a déjà lancé un premier satellite de test. Chris Lewicki déclarait récemment ainsi à Space.com avoir bon espoir de voir la « création d’une économie du ravitaillement en carburant dans l’espace dans les dix prochaines années… » .
Une autre startup, Deep Space Industries prépare des satellites de prospection. Ces engins ont la possibilité de scanner un astéroïde pour déterminer sa composition, et donc de savoir s’il comporte des ressources exploitables. Le premier de ces satellites doit être lancé en 2017.
De son côté, la NASA vient de mettre au point un détecteur capable d’identifier tous les éléments qui composent un astéroïde.
Si toute cette activité se développe si intensément, c’est parce que le marché des ressources spatiales est considérable. CNBC l’évalue à plus de 1000 milliards de dollars.
Selon les informations cités dans une enquête approfondie du Nouvel Obs, les ressources ne manquent pas sur les astéroïdes :
-De l’eau, pour la transformer en carburant pour les fusées (hydrogène et oxygène). Les astéroïdes considérés comme les prochaines stations-services de l’espace…
-Des métaux rares comme le platine, largement utilisé dans l’électronique, qu’il sera plus économique bientôt de chercher dans l’espace où il existe en abondance plutôt que sur Terre.
-Des métaux ordinaires pour créer des métallurgies de l’espace afin de fabriquer fusées et modules, sur place.
La Lune pourrait aussi faire l’objet de convoitises. Notre satellite semble en effet idéal pour établir des bases permanentes, pas trop loin de la Terre, avec une faible gravité, une porte d’envol parfaite pour l’espace. Tout le monde s’y intéresse. Même Google qui, à travers son Lunar XPrize, cherche à détecter et soutenir des sociétés capables d’installer des activités sur la Lune et notamment déployer des missions robotisées dès 2016.
il faut en effet dire que le texte du Sénat américain a fait l’objet d’un amendement de dernière minute pour préciser que les ressources devaient être « abiotiques », c’est-à-dire sans composante biologique. Si cet amendement avait été omis, on peut penser que le droit de propriété aurait pu concerner des organismes vivants. E.T. propriété des States !
Le texte passe aussi sous silence le cas d’une découverte scientifique majeure qui adviendrait pendant l’exploitation ; à qui appartiendrait-elle ? Fera-t-elle l’objet de marchandisation elle aussi ?
Gérard Ayache, Chroniqueur UP’ Magazine
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