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Nanomatériaux, attention danger !

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Les nanomatériaux révolutionnent les produits de tous les jours, au bénéfice de la société, mais beaucoup de questions demeurent sans réponse quant aux risques que pourraient présenter certains d’entre eux pour notre la santé et pour l’environnement (1). Ils sont partout, y compris dans les déchets ménagers qui finissent rejetés dans l’environnement, où ils terminent leur vie. 
Mais quels sont les risques pour la santé humaine et les écosystèmes au regard de la quantité toujours plus importante de nanomatériaux manufacturés ?
 
C’est l’OCDE qui alerte sur cette problématique, selon un rapport « Nanomaterials in Waste Streams: Current Knowledge on Risks and Impacts » publié le 22 février. « Il nous faut de toute urgence mieux comprendre ces risques pour pouvoir évaluer s’il convient, ou non, d’adapter nos systèmes de traitement des déchets pour les recevoir quant aux risques que pourraient présenter certains d’entre eux pour notre la santé et pour l’environnement », indique Simon Upton, Directeur de la Direction de l’environnement de l’OCDE. 
 
Nanomatériaux manufacturés finissent dans des décharges, incinérateurs et stations d’épuration qui ne sont pas conçus pour retenir des particules d’à peine un millionième de millimètre, des particules lilliputiennes, dont la taille se mesure en nanomètre, ou milliardième de mètre, soit 50 000 fois moins que l’épaisseur d’un cheveu. Des nanoparticules se retrouvent donc dans les boues d’épuration utilisées comme engrais en agriculture et dans les effluents des stations déversés dans les cours d’eau et les lacs, ainsi que dans les produits recyclés. 
 
D’après les recherches existantes, les caractéristiques des nanomatériaux – qui peuvent pénétrer plus facilement dans la peau et les cellules que les composés de plus grande taille – pourraient présenter des risques sanitaires et environnementaux : risque cancérigène au niveau pulmonaire, effets toxiques sur le système nerveux et propriétés antibactériennes potentiellement nuisibles pour les écosystèmes. Malgré cela, des déchets contenant des nanomatériaux manufacturés sont évacués dans les flux de déchets classiques, sans précautions ni traitements particuliers.
 
Les nanomatériaux manufacturés sont prisés pour les propriétés nouvelles que leur confère leur taille proche de celle de l’atome, et le nombre de produits contenant ce type de matériaux a quintuplé entre 2006 et 2011, les fabricants les ayant mis à profit pour améliorer les performances de plus de 1 300 produits, allant des pneus aux raquettes de tennis en passant par les piles de smartphone, les déodorants, dentifrices ou encore les après-shampoing, mais aussi le sel blanc ou le sucre… Selon l’OCDE, le nombre de produits contenant des nanoparticules a été multiplié par cinq entre 2006 et 2011. Le marché mondial des nanomatériaux était estimé, en 2012, à un volume de 11 millions de tonnes, pour une valeur de 20 milliards d’euros (2).
La france est le premier pays européen à avoir mis en place, depuis le 1er janvier 2013, un registre des nanomatériaux produits, importés ou distribués sur le territoire national. Le dernier inventaire, qui vient d’être publié par le ministère de l’environnement, révèle que, de janvier à mai 2015, « plus de 14 000 déclarations ont été effectuées par des entreprises françaises [fabricants, importateurs ou distributeurs], ce qui représente une augmentation de 40 % par rapport à 2014 et de 500 % par rapport à 2013 ».
 
Le rapport constate que si les installations de traitement des déchets les plus modernes sont  capables de retenir une grande partie des nanomatériaux présents dans les déchets, les procédés moins efficients largement utilisés dans le monde font que de grandes quantités sont probablement rejetées dans l’environnement via les effluents gazeux issus des incinérateurs, les cendres appliquées sur la voirie, les eaux épurées ou les lixiviats pénétrant dans le sol et les sédiments aqueux.
 
La présence de nanomatériaux dans les boues d’épuration séchées et compostées, souvent épandues pour fertiliser les terres agricoles, est particulièrement préoccupante. En France, par exemple, la moitié des boues d’épuration produites dans le pays sont utilisées comme engrais. La possible transformation des nanomatériaux manufacturés dans le sol, leurs interactions avec les plantes et les bactéries et leur transfert dans les eaux superficielles n’ont jamais été étudiés en profondeur.
 
Le rapport préconise de mener des recherches sur les types et quantités de nanomatériaux entrant dans les flux de déchets, ce qu’ils deviennent dans les installations de traitement et les impacts potentiels des déchets résiduels contenant des nanomatériaux. Il recommande de renforcer les mesures de sécurité pour protéger les employés des installations de recyclage.
Le rapport s’appuie sur quatre études de cas présentées par l’Allemagne, le Canada, la France et la Suisse.
 
L’Anses (Agence française de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) avait déjà rendu un avis en mai 2014 prônant un encadrement règlementaire renforcé des nanomatériaux, considérés comme toxiques, au titre du principe de précaution. S’appuyant sur une revue de l’ensemble des données et publications scientifiques disponibles au niveau international, le rapport fait l’inventaire d’effets identifiés sur des organismes vivants. Sur la base de tests in vitro et in vivo sur l’animal, il met en évidence, en premier lieu, la capacité des nanomatériaux à passer les barrières physiologiques et pointe également la toxicité de certains d’entre eux, sachant qu’il n’existe pas à l’heure actuelle de données directement sur l’homme, en raison de l’absence d’études épidémiologiques. 
Compte tenu de ces éléments et face à la complexité du sujet, l’Agence émet plusieurs recommandations visant à stimuler la recherche pour réduire les incertitudes encore très nombreuses sur un plan scientifique, mais aussi à se doter d’outils réglementaires et normatifs pour mieux protéger l’homme et l’environnement.

LIRE AUSSI DANS UP’ : Les nanomatériaux dans l’alimentation. Quelles fonctions et applications ? Quels risques ?

 
(1)  Selon Simon Upton, directeur de l’environnement à l’OCDE.
(2) Voir le site nanotoxiques
 

Livre « Nanomatériaux et risques pour la santé et l’environnement – Soyons vigilants ! » de l’association AVICENN – Editions Yves Michel – 5 février 2016

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