Les investisseurs ne se plaignent pas lorsque les machines poussent à la hausse les valeurs boursières, mais seulement lorsque leurs distorsions les font retomber, comme présentement sur les bourses mondiales. Et que cela propage une immense nervosité sur les marchés financiers. Voici la logique qui renforce les craintes financières : les algorithmes du TFH (Trading Haute Fréquence) ne sont pas « conscients » des raisons de leurs transactions. Ils n’ont pas d’opinion sur les thèmes réels qui influencent l’économie globale. Par contre, les algorithmes sont programmés mécaniquement pour suivre des variables telles que le « momentum », le prix et le volume. Ils ne prennent pas de décisions en fonction des éventualités du monde réel, comme les événements politiques.
Les algorithmes peuvent-ils se prononcer sur la confiance des consommateurs chinois ? L’impact de conflit sectaire au Moyen-Orient sur le prix du pétrole ? La programmation d’algorithmes ne prend pas en compte les événements du monde réel. De plus, les algorithmes ne savent pas à quel moment s’arrêter ou changer de trajectoire ; ils peuvent donc verser trop d’argent dans une transaction, et exagérer les fluctuations. Les ordinateurs n’ont pas « d’obligation affirmative » de maintenir l’ordre dans les marchés.
Les recherches démontrent que les bourses ont tendance à réagir de façon excessive aux nouvelles lorsque l’activité TFH est à un volume élevé, et que cela peut avoir des « effets néfastes » pour les marchés.
Le TFH en France
L’Autorité des marchés financiers (AMF) en France a été particulièrement proactive au sujet de la création d’un système de réglementation robuste pour le TFH, et les règles mises en place par L’AMF offrent un bon exemple pour les pays qui sont préoccupés par l’incertitude du TFH tels que l’Australie.
L’expérience de la France dans le domaine du TFH est très particulière car elle a déjà sanctionné des sociétés TFH pour manipulation du marché. En décembre, le comité des sanctions du AMF a condamné la société Virtu Financial Europe et l’opérateur du marché français Euronext, infligeant une amende de 5 M € à chaque entreprise, ce qui représentent les amendes les plus élevées jamais infligées dans une affaire impliquant des opérateurs de TFH.
Dans ce cas, la commission de sanctions de l’AMF a considéré que plusieurs titres « avaient donné ou avaient été susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses sur l’offre et la demande de ces instruments financiers ». De plus, l’AMF a déterminé que Virtu avait adopté « un comportement qui pourrait causer une dégradation du service ou empêcher un fonctionnement ordonné du marché »
La détermination des prix
D’un point de vue théorique, les partisans du TFH ont fait valoir qu’il fournit l’information la plus à jour et facilite ainsi la « détermination des prix ». Toutefois, si les algorithmes ont simplement pour effet d’exagérer les cours sur les marchés boursiers en déplaçant des sommes importantes à des vitesses instantanées, est-ce qu’ils facilitent vraiment la juste détermination des prix ?
Le Sénat américain a lancé une enquête sur la structure des marchés financiers et l’effet du TFH sur leur volatilité. À cet effet, un rapport produit par la Banque Royale du Canada remarque que le TFH a multipliée la complexité du marché sans offrir des bénéfices aux clients. Les marchés financiers ne deviennent que de plus en plus alambiqués, et selon ces experts financiers, même les investisseurs les plus sophistiqués ne sont plus capables d’absorber toutes les subtilités causées et manipulées par les algorithmes. Au lieu de faciliter les transactions organiques d’achat et de vente, le système alambiqué encourage des « intermédiaires » qui profitent des fluctuations intenses et qui aggravent la volatilité.
Nous vivons dans un âge de transformation technologique, avec de multiples diabolis ex machina. Néanmoins, nos craintes contemporaines reflètent aussi les réflexions du Comte du Mirabeau, lorsqu’il écrivait dans sa « Dénonciation de l’agiotage, au Roi et à l’Assemblée des notables » :
L’agiotage qui s’exerce à Paris sur les effets dont le profit éventuel égare l’imagination ne peut qu’engendrer la plus abominable des industries. Et quelle compensation offre-t-elle quand son résultat unique, son dernier produit est un jeu effréné où des millions n’ont d’autre mouvement que de passer d’un portefeuille à l’autre, sans rien créer, si ce n’est un groupe de chimères que la folie du jour promène avec pompe et que celle de demain fera évanouir.
C’était en 1787. Deux ans avant la Révolution.
Usman W. Chohan, Doctoral Candidate, Economics, Policy Reform, UNSW Australia
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.