Si un brevet est utile pour se défendre contre la copie, c’est aussi le sésame pour sécuriser les investissements de R&D et lever des fonds. C’est également un excellent moyen de gagner en visibilité et d’asseoir le sérieux et le caractère innovant de l’entreprise. Or aujourd’hui seules 15% des startups françaises déposent des brevets. Selon Magali Touroude Pereira, Fondatrice de YesMyPatent, il faut donc inciter les startups à déposer des brevets pour de meilleures chances de réussite.
L’institut national de la propriété industrielle (INPI) a publié son étude annuelle (1) sur les entreprises privées déposantes de brevets. Celle-ci porte sur les demandes de brevets publiées en 2016, et montre que les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) déposent de plus en plus de brevets, en étant à l’origine de 29% des demandes de brevets publiées. Dans sa dernière étude, publiée le 19 avril 2017, France Brevets (2) estime que les startups qui détiennent un portefeuille de brevets ont trois fois plus de chances de réussir à 10 ans que les autres. En 2016, sur les 3 465 personnes morales françaises qui ont eu au moins une demande de brevet publiée à l’INPI, 1 993 sont des PME (entreprises de moins de 250 salariés), dont près de la moitié des très petites entreprises (TPE de 0 à 9 salariés) ; 482 sont des ETI (entreprises de 250 à 4 999 salariés) ; et 605 sont de grandes entreprises (de plus de 5 000 salariés). Ce n’est pas encore le cas des startups …
L’inventeur dépossédé de son idée par un tiers n’est pas rare. C’est d’ailleurs la triste mésaventure de Studio Banana, une startup espagnole qui, après une levée de fonds réussie sur KissKissBankBank.com pour développer son Oreiller autruche, a vu son produit copié et distribué à grande échelle par une entreprise chinoise. Sans brevet, Studio Banana n’a pu faire valoir son invention, ni stopper la commercialisation de ces copies.
Selon France Brevets, seules 15% des startups françaises déposent un brevet dans leur phase d’amorçage contre 23% pour l’Allemagne, 22% pour les États-Unis et 22% pour la Chine. Un moyen pourtant efficace pour lutter contre la contrefaçon.
Pourquoi alors si peu de brevets sont déposés en France ? Le dépôt d’un brevet représente une somme conséquente pour ces toutes jeunes entreprises puisqu’il faut débourser environ 5 000 euros la première année pour une protection européenne, auxquels il faut ajouter un montant à peu près équivalent la deuxième année. Et si on souhaite une protection internationale, les coûts s’envolent.
Rien d’étonnant donc que les startupeurs préfèrent investir leurs fonds – qui bien souvent ne s’élèvent qu’à quelques milliers d’euros – dans la communication, le marketing ou la commercialisation de leur projet et attendre une levée de fonds pour s’engager dans cette dépense. Mais c’est une erreur, et à plusieurs titres. Outre le fait qu’une invention divulguée ou commercialisée n’est plus brevetable, une stratégie de protection des inventions notamment par le dépôt de brevets est indispensable pour lever des fonds. En sécurisant l’investissement fait dans la R&D contre les copies et en accréditant la valeur de l’innovation, le brevet donne une image de sérieux à l’entreprise et rassure les investisseurs.
Un brevet est un actif de l’entreprise tout autant que le sont les usines, ou les outils de production dans l’économie traditionnelle. Sans brevet, et même si l’invention est révolutionnaire, la startup aura bien des difficultés à lever des fonds. En effet, rien ne prouvera à l’investisseur qu’une fois le produit sur le marché, un compétiteur ne commercialisera pas une copie, moins chère puisque n’ayant pas à supporter les frais de R&D, mettant ainsi son investissement en grand danger. Un risque qu’aucun fond d’investissement n’est prêt à prendre.
Le brevet est également un excellent outil de communication. En effet, c’est un moyen de gagner en visibilité puisqu’après 18 mois les demandes de brevets sont publiées au Bulletin Officiel et accessibles sur de nombreuses bases de données gratuites, telles qu’Espacenet ou Google Patents. Or les fonds et les grandes entreprises les épluchent en vue d’une prise de capital ou d’une acquisition. Selon l’étude de France Brevets, 30 % des jeunes pousses qui ont déposé au moins un brevet ont soit fusionné, soit été rachetés, ou ont réussi une introduction en Bourse. Un taux qui chute à 8% pour les startups sans titre de propriété industrielle. Détenir un brevet multiplie par trois les chances de succès d’une startup.
Mais attention, tous les brevets ne se valent pas. Pour être un atout, un brevet doit être de qualité – un investisseur fera toujours réaliser un audit des brevets par un cabinet de conseil en propriété industrielle avant tout investissement – mais aussi couvrir les principaux marchés visés et pays où sont susceptibles de sévir les contrefacteurs. Dès lors qu’une entreprise touche un marché international, le brevet doit donc être déposé au minimum en Europe, aux Etats-Unis et en Asie. Là encore, le prix est conséquent puisqu’il peut s’élever à 100 000 euros, voire plus selon la complexité de l’invention. Il est donc important de bien identifier ces frais en amont d’une levée de fonds car si un investisseur ne s’engage pas dans une startup sans brevet, il prendra toutefois en compte les frais d’une extension de brevet à l’international, qu’il sera prêt à financer s’il croit au projet.
Aujourd’hui, peu d’écoles d’ingénieurs et d’universités forment à la propriété industrielle. Pourtant le brevet est une arme économique majeure. Il permet de gagner en notoriété, d’attirer des investisseurs, des partenaires, des collaborateurs. Le brevet ne doit pas être perçu comme une charge financière pour l’entreprise mais comme une richesse, un pari sur l’avenir et une assurance vie pour la pérennité de l’entreprise face à une compétition toujours plus rude et internationale. Il est crucial d’anticiper la stratégie de protection de la propriété intellectuelle, et en particulier des inventions, dès la création de la startup, au risque sinon de la voir disparaître avant même qu’elle n’ait eu le temps de vraiment exister.
Magali Touroude Pereira, Fondatrice de YesMyPatent
(2) Pour aider les startups, France Brevets a lancé il y a plus de deux ans un programme d’accompagnement sur-mesure, baptisé La Fabrique à brevets.
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