Quand l’improbable surgit, un autre futur revient dans la partie, de Yannick Roudaut – Editions La Mer Salée, octobre 2020 – 237 pages
Au printemps 2020, l’improbable a surgi. L’impensable aussi : stoppée. Qui aurait imaginé ce jeûne économique ? Des avions cloués au sol, des matchs sans public, des industries polluantes à l’arrêt… Nous savons désormais que la trajectoire peut être infléchie ; l’interrupteur existe. L’effondrement annoncé n’est pas une fatalité, c’est un choix. Ce choc inattendu nous rappelle que les prévisions sont régulièrement démenties. L’Histoire est une succession d’événements improbables qui s’enchaînent, s’affrontent et s’entremêlent pour donner naissance à un futur inimaginable quelques mois auparavant. Depuis la pandémie des événements nouveaux, des décisions inespérées surgissent dans le monde. Un autre futur tente de s’imposer.
Cet ouvrage imagine les événements improbables qui peuvent faire advenir ce scenario concurrent. Il explore aussi les récentes découvertes scientifiques sur nos capacités à influer sur l’avenir via nos intentions. Tout peut arriver au cours de la décennie 2020-2030. Tout doit arriver. Elle est celle de tous les dangers et de tous les espoirs, celle de La bifurcation.
Lucide et optimiste, une réponse aux craintes d’effondrement. Prospectiviste, Yannick Roudaut questionne le prétendu inéluctable. Oui, le pire est possible d’ici 2050, mais il est loin d’être assuré ! L’Histoire est une succession de phénomènes inattendus qui modifient nos trajectoires, faisant mentir les prévisions scientifiques les plus étayées.
Par des actions, des intentions nous pouvons aider un autre futur à se densifier dans la réalité. L’hybridation inédite entre physique quantique, psychanalyse, écologie et spiritualité livre un angle de vue et des solutions face à l’incertain. Visionnaire au moment de son écriture, l’auteur apporte un recul salutaire sur les événements que nous traversons.
Petite histoire de ce livre, Avant-propos de l’auteur
« En entamant l’écriture de ce livre en juillet 2019, j’avais une forte intuition. Des événements inattendus allaient se produire pour nous réveiller, nous sortir de la léthargie qui nous conduisait tout droit dans le gouffre. Je gardais en tête cette phrase du philosophe Hans Jonas, « la voie prise depuis deux siècles ne peut que mener vers l’impasse tragique, et la nature mettra son ultime veto ». L’impasse, nous y allions tout droit, en appuyant sur l’accélérateur. Et rien ne semblait pouvoir nous arrêter. Malgré les manifestations pour le climat, le réveil des jeunes, les pétitions, les initiatives citoyennes en faveur d’un autre monde, la puissance de l’économie mondialisée libérale semblait inébranlable, inattaquable, tel un monolithe lisse, sans prise.
Qu’importe. Malgré le cynisme d’une poignée d’individus prêts à sucer la moelle de la planète pour quelques points de PIB en plus, malgré l’inconscience ou le déni de milliards de consommateurs attendant que l’autre agisse à sa place, je gardais espoir. Je n’arrivais pas à accepter l’effondrement écologique annoncé. J’étais convaincu de la fin de notre mode de vie occidental depuis plusieurs années (j’ai pris la parole sur l’effondrement de notre civilisation pour un Tedx en janvier 2013 et écrit un livre sur le sujet), mais je ne pouvais pas me résigner au pire des scénarios écologiques.
Je décidais donc de croire en cette possibilité de tordre la trajectoire bien linéaire du temps, telle une flèche que l’on casserait pour indiquer une nouvelle direction. Il me paraissait évident que les choses ne pouvaient pas se dérouler de manière linéaire. Nous étions embarqués collectivement dans un bolide que rien ne semblait pouvoir arrêter mais un obstacle allait nous contraindre à freiner puis nous dévier de notre route. Un gros caillou, un événement imprévisible mais suffisamment brutal pour nous stopper net en pleine course. Pour nous réveiller. Je décidais donc d’écrire un livre sur l’improbable et les raisons de croire encore à un autre futur. L’improbable étant notre seule bouée face au No Future.
L’improbable. Ce phénomène n’est pas mesuré car il représente une option si infime, si peu probable, qu’on ne la retient pas. Un événement non recensé, identifié comme étant inutile à mesurer, inutile à probabiliser puisque qu’improbable par essence. L’improbable c’est cette lueur qui scintille au fond d’un tunnel obscur. Une fragile flamme de bougie, susceptible de s’éteindre à tout moment, mais qui nous guide néanmoins vers la lumière, vers la sortie.
Cette intuition du surgissement d’un autre futur était d’autant plus forte après la lecture du livre de Jocelin Morisson et Romuald Leterrier, « Se souvenir du Futur » (3). Ce livre consacré à notre représentation du temps et aux états modifiés de conscience, m’a conforté dans l’idée selon laquelle, une multitude de futurs était encore possible et pas seulement celui moribond d’une nature saccagée et d’une humanité réduite au survivalisme. L’humanité ignore encore tant de choses sur la vie, l’énergie vitale, l’univers. Un éveil peut-il jaillir ?
Au même moment, j’ai commencé à m’intéresser aux travaux de Carl Gustav Jung, éminent psychologue contemporain de Freud, père de la notion de synchronicité, ces heureuses coïncidences. Mon livre se précisait. Il s’appellerait « Face à l’effondrement écologique, le pari de l’improbable ».
Et puis l’improbable a effectivement surgi. Une pandémie a suspendu le temps. L’économie mondiale s’est arrêtée, brutalement. Toutes les personnes qui tentent d’anticiper l’avenir avaient ce scénario pandémique en tête. Mais nous n’avions aucune idée du quand et du comment. Pandémie, krach financier mondial, bug informatique, révolution des jeunes, catastrophe nucléaire…autant d’étincelles qui pouvaient et peuvent encore nous faire basculer dans une autre direction, nous faire emprunter une nouvelle trajectoire. Notre organisation économique mondiale en flux tendus est tellement fragile, qu’un grain de sable suffit à bloquer la machine. L’interdépendance des pays, la disparition des productions locales et autonomes, est notre talon d’Achille. Le point de bascule n’est donc jamais loin.
Quelques jours avant l’annonce du confinement, mon manuscrit était quasi terminé. Sauf que la pandémie l’avait rendu caduc, obsolète. Elle ne relevait plus d’un improbable potentiel. Elle était là. Durant les trois premières semaines de confinement, je retravaillais donc mon manuscrit. J’y intégrais les conséquences de cette pandémie. Je modifiais mon sommaire, des paragraphes entiers, je réécrivais des chapitres pour tenter d’ajuster mon propos sur l’improbable et ce virus qui venait le soutenir. En vain. Quelque chose était en train de se dérouler. Tenter de retenir un mode de pensée prépandémique, n’avait plus de sens, de cohérence. Je m’obstinais à bricoler, à tenter de sauver mon manuscrit. C’est très douloureux de jeter à la corbeille autant de pages, de signes écrits durant des mois. Au fil des jours, je m’inclinais. Je pliais. Difficilement. Je coupais certains passages, les rangeant dans un dossier « rush »…au cas où. Je retravaillais le sommaire. Mais cela ne collait toujours pas. Il me manquait un nouveau fil, un angle comme on dit dans la presse, pour mettre en cohérence mes idées. Moi qui vantais la nécessité d’accepter l’incertitude, de nous préparer à des chocs improbables, je m’accrochais et refusais de me laisser traverser par cet improbable.
Un soir, la solution m’a sauté aux yeux. Cela était tellement évident que je n’avais pas vu la solution. Cette phrase, je l’avais griffonnée sur un papier après l’avoir lu hâtivement sur les réseaux sociaux. Je l’avais insérée en tête de chapitre. Elle me plaisait bien. D’autant que l’auteur était mon partenaire de travail depuis quelques mois. Mais ce soir-là, le mardi 7 avril 2020, cette citation a pris une tout autre dimension. Les mots ont pris leur relief, et les pièces du puzzle se sont assemblées sous mes yeux, dans mon corps. « Les crises, les bouleversements et les maladies ne surgissent pas par hasard. Ils nous servent d’indicateurs pour rectifier une trajectoire, explorer de nouvelles orientations, expérimenter un autre chemin de vie ». Il me fallait rectifier la trajectoire de ce livre, explorer de nouveaux champs d’études pour l’enrichir et me transformer. Un autre livre est revenu dans la partie.
L’auteur de cette citation n’est autre que Carl Gustav Jung qui vous le verrez, est très présent dans les pages qui vont suivre. Était-ce une synchronicité ? Le signe d’un futur qui tente de se manifester ? Peut-être. J’y reviendrai dans le dernier chapitre. Quoi qu’il en soit, Jung a beaucoup apporté à ma réflexion depuis le mois de juillet 2019 ; il m’a permis de changer de trajectoire afin de finaliser cet ouvrage, qui je l’espère, vous redonnera confiance en l’avenir, malgré les évènements douloureux et enthousiasmants que nous serons amenés à vivre au cours de cette décennie 2020-2030. Car il s’agit bien d’une nouvelle étape vers un inconnu ; cet inconnu ne peut pas être pire que la voie mortifère sur laquelle nous sommes engagés ces dernières années. Si la pandémie n’était pas survenue, nous continuerions à foncer en klaxonnant vers un réchauffement global de +3°C à +4°C. Peut-être plus. Si la bifurcation n’est pas encore spectaculaire, si en apparence, tout redémarre comme avant, le retour à la normale n’est plus envisageable. Aujourd’hui, un premier coup de frein a été donné. L’effet domino se met en place. Nous verrons que certaines activités polluantes ne retrouveront jamais leur niveau d’avant crise (automobile, aéronautique, gaz de schistes). Je suis bien conscient des conséquences sociales, humaines, que nous allons subir ou subissons déjà, mais ce choc me nourrit d’espoir pour les enfants. C’est l’occasion « d’explorer de nouvelles orientations, d’expérimenter un autre chemin de vie ».
L’ambition de cet essai est de proposer des approches improbables pour penser de nouveaux futurs, soutenables, agréables et non catastrophiques. Les futurs dépendent de nos intentions présentes. Partant de ce constat, je vous propose de réfléchir à un certain nombre d’évènements, d’éléments, qui permettront d’infléchir la trajectoire linéaire du futur qui semble faire l’unanimité. Chacun de nous peut affronter la réalité, faire preuve de lucidité sur la situation, tout en étant serein et déterminé à croire en l’improbable. Cet essai, je l’espère, vous apportera la force de continuer à imaginer un futur souhaitable, l’envie de développer une posture déterminée, en misant sur des scénarii non prévisibles car non écrits encore, ou tout simplement inimaginables.
Yannick Roudaut »
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