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Réduire la natalité pour lutter contre la crise climatique : une idée qui refait surface

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Après la présentation du rapport du GIEC ce 8 octobre dernier, le faisceau de preuves indiquant un dérèglement massif et durable du climat s’épaissit. Chacun y va de ses solutions, de ses recommandations et de ses bonnes résolutions : brûler moins d’ampoules électriques, changer de voiture, manger moins de viande, abandonner les énergies fossiles, etc. Il y a pourtant une mesure qui, selon certains scientifiques, aurait un impact majeur sur les émissions de gaz à effet de serre et pourrait sauver la planète : elle consisterait à réduire la natalité et à freiner l’essor exponentiel de la démographie humaine. Un malthusianisme écologique en quelque sorte qui revient au goût du jour mais qui ne fait pas l’unanimité, loin de là, suscitant vives critiques et controverses.
 
Le rapport alarmiste du GIEC a fait, lundi dernier, la une des médias. Toute la presse a relayé cette information qui, il est vrai, compte pour notre avenir. Parmi les multiples articles publiés, l’AFP a eu l’idée de ressortir une étude réalisée en 2017 par des scientifiques américains établissant l’impact d’une batterie de gestes et actions que nous faisons sur le réchauffement climatique. L‘AFP a même posté sur Twitter une infographie présentant les résultats. On y observe que la mesure la plus importante, et de loin, pour lutter contre le réchauffement climatique serait d’avoir un enfant de moins.
Ce tweet a immédiatement provoqué le tollé de nombreux lecteurs scandalisés. L’agence de presse se sentit obligée de communiquer un nouveau tweet pour se dédouaner et expliquer qu’elle ne s’associait pas à cette idée et qu’elle était très éloignée de toute vocation au malthusianisme.

LIRE DANS UP : Alerte climatique : qui va nous sauver du drame annoncé ?

Pourtant, 24 heures après, le vénérable journal Le Monde publie une tribune signée par plusieurs scientifiques, démographes et intellectuels. Les auteurs ne prennent aucun gant et déclarent tout net : « Freiner la croissance de la population est une nécessité absolue ».
 
Les auteurs font remarquer que la croissance démographique est la grande absente du grand concert de voix que l’on entend à propos du dérèglement climatique. Environnement et démographie sont la plupart du temps des champs séparés. Comme si ce sujet de la démographie était tabou. Pourtant, selon les auteurs, « on ne pourra pas faire l’impasse sur une réduction de l’accroissement de la population mondiale ».
Il est vrai qu’en matière démographique les chiffres recensés par l’ONU sont édifiants. La population mondiale est, aujourd’hui, de 7.6 milliards de personnes. En 1950, on dénombrait 2.6 milliards de terriens.  Cinq milliards d’êtres humains en plus sur l’échelle d’une vie d’homme. Et la progression ne devrait pas s’arrêter là. En 2030, nous devrions être 8.6 milliards, puis 9.8 en 2050 et dépasser allégrement les 11.2 milliards à la fin du siècle.
 
 
Tous ces êtres qui vivent, qui consomment, qui respirent, qui dégagent naturellement du gaz carbonique, qui se déplacent, travaillent, s’amusent, tous ces terriens semblent bien nombreux pour une planète bien petite, et qui s’avère désormais extraordinairement fragile.
 
Face à ce constat, l’idée de réduire la croissance de la population terrienne parait aller de soi. Ce n’est d’ailleurs pas une idée neuve puisqu’en 1992 déjà un rapport établi par un comité de l’Académie nationale des sciences des États-Unis affirmait : « Les impacts de la planification familiale sur les émissions de gaz à effet de serre sont importants à tous les niveaux de développement ». En 2009, le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) écrivait que la Terre était «au bord du gouffre », et que la baisse de la croissance démographique était le facteur principal de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Mais cette idée heurte les esprits. Le professeur François Gemenne, expert des questions géopolitiques de l’environnement à Sciences-Po explique au Figaro qu’une présentation maladroite fait que la réduction de la natalité dans la lutte pour le climat « est vue comme une variable d’ajustement technique parmi d’autres ». Or demander aux gens de faire moins d’enfants n’est pas une variable technique et implique des dimensions éthiques non négligeables.
 

No Kids

Il n’en demeure pas moins que la question de la réduction de la natalité pour sauver la planète touche les esprits. Aux Etats-Unis, des groupes de femmes, les Ginks (pour Green Inclinations No Kids) accusent la surpopulation d’aggraver le réchauffement climatique et ont décidé de ne pas procréer pour sauver la planète. Selon Le Point, les militants de ce mouvement pensent sérieusement que, quand une famille américaine se prive d’un enfant, elle réduit son bilan carbone autant que 680 adolescents qui décideraient de recycler, à vie, tous leurs déchets.
 
Au-delà de ces réactions caricaturales, la question de la relation entre le poids démographique et les dérèglements climatiques pose de vraies questions. En effet, la population humaine va croître de façon exponentielle, mais avec une répartition très inégale sur la planète. Le continent Africain est celui qui enregistrera la plus forte progression démographique. Mais c’est aussi celui dont l’impact carbone par habitant est le moins élevé. Le niveau de développement est un facteur majeur dans la prise en compte de l’impact écologique. Deux pays de taille équivalente en termes de démographie comme la Chine et l’Inde n’ont pas le même impact en termes d’émissions de CO2. La Chine, plus développée, émet trois fois plus de gaz à effets de serre que l’Inde. Le mode de vie est un facteur principal : l’empreinte écologique d’un Américain n’a rien à voir avec celle d’un Bangladais.
 
Bien que son rôle soit difficile à quantifier parmi les nombreux facteurs qui contribuent au débit accru d’émissions carbonées, la croissance démographique compte parmi ceux qui influent sur leur volume total tant dans les pays en développement que dans les pays industrialisés. Dans une population donnée, chaque nouveau venu consommera des vivres et aura besoin d’un logement, et de manière générale la plupart utiliseront des moyens de transport qui consomment de l’énergie, ainsi que du combustible pour chauffer leurs demeures et avoir accès à l’énergie électrique. Logiquement, l’effet de tout nouveau venu sur l’accroissement du débit d’émissions est le plus important là où la consommation moyenne d’énergie et de marchandises par habitant est la plus grande – c’est-à-dire dans les pays développés. Et, même si la corrélation ne prouve pas un lien de cause à effet, l’Agence internationale de l’énergie prévoit que les émissions ne diminueront en 2030 par rapport à leur niveau actuel qu’en Europe et au Japon, là où la population a déjà commencé ou commencera bientôt à diminuer.
 
Malgré ces prévisions et analyses, la question de la démographie est encore passée sous un relatif silence dans les discussions internationales sur le climat. Question sensible sur laquelle aucun gouvernement n’ose prendre position et encore moins proposer des mesures de « contrôle de la population » reliées à la question climatique.  Un tabou qui pourrait être sur le point d’être levé.
 
 

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