Manifeste pour une écologie de la différence, d’Hicham-Stéphane Afeissa – Editions Dehors, 4 février 2021 – 144 pages
Comment pourrait-on espérer mettre un terme au rapport de domination et de violence que nous entretenons avec la nature en général et, plus particulièrement, avec les animaux ? A en croire certains, il conviendrait d’apprendre à reconnaître la part de naturalité et d’animalité que chacun d’entre nous porte en lui, à se réconcilier avec cette vie qui relie de manière fondamentale l’homme et l’animal, à penser aussi vraiment le corps et à sauver le primat de la sensibilité, à entrer enfin en « résonance » avec une nature qui a cessé de nous parler et qui est exclusivement perçue comme simple ressource, … Peut-on espérer y parvenir en apprenant à nous réconcilier avec la Vie censée relier de manière fondamentale l’homme et l’animal ?
Le but de ce Manifeste est de montrer les limites et les faiblesses du principe d’une telle solution en plaidant pour une écologie de la différence. L’animal conçu comme être essentiellement sensible et vulnérable, méritant en tant que tel pitié et compassion, est une abstraction philosophique qui, sous couvert d’élever le statut des animaux et de leur garantir une forme de protection morale et juridique, commence par leur faire violence en ne respectant pas leur altérité fondamentale et la richesse de leur mode d’existence.
La planète – même et peut-être plus que jamais à l’âge de l’Anthropocène – demande elle aussi à être reconnue dans son extériorité et dans son étrangeté par rapport aux activités humaines, comprise comme nature créative, potentiellement incontrôlable et foncièrement imprévisible, dont il faut apprendre à respecter la spontanéité, la résistance et l’indépendance.
En remettant en cause le modèle dominant de « civilisation », la crise écologique globale que nous traversons nous oblige à reconsidérer avec urgence les principes fondamentaux selon lesquels nous pensons et éprouvons le monde.
Face à des événements et des phénomènes dont les effets se déploient dans des dimensions inséparablement naturelles, culturelles, sociales, économiques, techniques et politiques, nous ne pouvons éluder plus longtemps les conséquences redoutables des présupposés selon lesquels nous avons jusqu’à présent cru pouvoir organiser et maîtriser rationnellement notre environnement.
Cette tâche, d’une ampleur inédite, suppose de sortir des cadres consensuels, des propositions et des choix implicites qui conditionnent et épuisent nos pensées et nos désirs. Par la publication de cet ouvrage et en accompagnant des expériences, des modes d’organisation et des réflexions qui se réalisent de par le monde, les éditions Dehors veulent contribuer à donner sa pleine signification politique et philosophique à l’élaboration de nouvelles pratiques collectives dans et par-delà la société des hommes, à travers une sélection d’écrits merveilleusement illustrés.
Dans un monde las et désorienté par ce qui se maintient sous le nom de « crise », cette maison d’édition a fait le pari de se libérer des affects, de redonner sens à la critique, et ainsi saisir l’occasion inouïe de s’ouvrir à la passion du réel : au Dehors.
Hicham-Stéphane Afeissa est professeur agrégé, docteur en philosophie et docteur en géosciences & environnement de l’Université de Lausanne.
Il est l’auteur d’une dizaine de livres portant principalement sur la philosophie de l’environnement et sur la philosophie animale, notamment Esthétique de la charogne, Edition Dehors 2018 ; Nouveaux fronts écologiques, Edition Vrin, 2012 ; La fin du monde et de l’humanité, Edition Puf, 2014.
Il a réalisé de nombreuses traductions de l’allemand et de l’anglais et a dirigé divers numéros thématiques pour la revue Multitudes.
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