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La spintronique : l’électronique du futur

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A partir des Chroniques de Joël de Rosnay sur le site de Swiss Up, faites dans les années 2002-2003 comme des prédictions, UP’ Magazine se propose de vous les retranscrire ici semaine par semaine, pour un peu de réflexion sur le temps qui a passé. Avait-il vu juste ?

L’électronique est en train de changer de dimension, en vitesse de traitement des informations et en taille des composants. On raisonne maintenant en terme d’électronique moléculaire et d’ordinateur quantique. La dernière née des disciplines de pointe dans ces domaines s’appelle la spintronique (spintronics) ou électronique de spin.

Elle se fonde sur une propriété fondamentale des électrons : leur spin, c’est à dire leur mouvement de rotation ultrarapide sur un axe, comme une Terre miniature tournant sur elle-même. En plus de leur charge électrique et de leur masse, les électrons sont donc aussi caractérisés par leur spin. Cette rotation crée un champ magnétique (comme celui la Terre, permettant d’indiquer le Nord avec une boussole). Le moment angulaire du spin, représenté par un vecteur (une petite flèche), peut avoir deux directions : si la rotation se fait « d’ouest en est » on dit que le spin est « up » (nord) ou dans le sens opposé, qu’il est « down » (sud). Dans un champ magnétique les électrons « up » ou « down » ont une énergie différente.

En manipulant ce spin grâce à des composants appropriés, on peut contrôler les flux d’électrons et donc mémoriser des informations et effectuer des traitements de données dans des conditions de taille et de vitesse encore jamais atteint. En effet, les techniques des ordinateurs classiques utilisent des flux d’électrons (un courant électrique) contrôlés par des champs électriques et dont l’intensité, détectée par des capteurs magnétiques, permet d’enregistrer ou de lire des «bits » d’information exprimés sous forme de 0 ou de 1.

Dans un courant normal, les spins des électrons sont orientés au hasard. Ce spin ne joue donc aucun rôle pour déterminer la résistance d’un circuit ou l’amplification d’un transistor. Avec la spintronique, chaque électron (plutôt que des milliers dans un courant) peut, selon la direction de son spin, représenter un bit d’information, appelé quantum bit ou qubit. On exploite ainsi, non seulement la charge, mais aussi le spin de l’électron, ce qui ouvre d’extraordinaires possibilités à l’informatique. Par exemple, les nouveaux composants qui font l’objet de recherches dans de nombreux laboratoires internationaux, sont capables de modifier le transport du courant électrique en fonction de l’orientation du spin des électrons.

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On peut ainsi créer des valves ou des filtres qui ne laissent passer le courant que si le spin des électrons est aligné dans la bonne direction. Comme on peut « polariser » ce spin grâce à des matériaux ferromagnétiques en multiples couches, on dispose d’un puissant moyen de contrôle du flux d’électrons et donc de possibilités de mémorisation et de traitement de l’information. Une mémoire d’ordinateur spintronique ainsi peut survivre à la perte complète d’énergie électrique et conserver ses informations. Ou encore, en disposant d’une grande quantité de qubits dans une superposition d’états alternatifs, un ordinateur quantique peut fonctionner comme un processeur parallèle permettant à des algorithmes quantiques d’opérer sur plusieurs nombres en même temps ! Ces ordinateurs quantiques ne fonctionneraient donc plus à partir d’une logique binaire (0 et 1), mais d’une infinité d’états de spins et de combinaison entre ces états.

La spintronique a vu le jour dans en 1988 quand des physiciens français et allemands ont découverts un effet appelé la magnétorésitance géante (GMR, giant magnetoresistance), exploitant les effets de spin électronique dans des multicouches de matériaux magnétiques. Depuis, des entreprises comme IBM ont développé des mémoires de masse utilisant la GMR et le Département de la Défense américain investit des centaines de millions de dollars dans la recherche en spintronics, notamment dans le cadre du Center for Advanced Photonic and Electronic Materials (CAPEM), dirigé par Bruce D. McCombe de l’Université de Buffalo et regroupant, les Universités de Notre Dame, Wuerzburg (Allemagne), Indiana, Texas à Austin, North Carolina State, Vanderbilt, Worcester Polytechnic Institute et l’U.S. Naval Research Laboratory (NRL).

De nombreux problèmes demeurent avant l’industrialisation de composants spintroniques : la distance de transport des excitations, la durée de vie des composant, ou la nécessité de fonctionnement à très basse température pour éviter la perte d’alignement des spins.

Une équipe de l’Université de Buffalo vient de réussir une percée déterminante dans ce domaine en obtenant un semi-conducteur constitué de sandwich de manganèse et d’antimoniure de gallium fonctionnant à température ambiante tout en conservant les propriétés d’alignement des spins. Les perspectives ouvertes par ces travaux laissent espérer le développement proche d’un semi-conducteur spintronique permettant de combiner les traitements logiques, la mémoire et la communication sur une seule puce « moléculaire » mesurant à peine une centaine de nanomètres. A cette échelle, le plus puissant des ordinateurs connus aujourd’hui aurait la taille d’un morceau de sucre.

Chroniques de Joël de Rosnay sur le site de Swiss Up / Prédictions 2002-2003 sur la Wifi, les RFID, l’avenir de Google, le Grid computing, l’étudiant du futur...(Carrefour du futur)

Pour aller plus loin :

Mémoire spintronique – Juin 2012

– Conférence de Février 2010 : 

La spintronique : des spins dans nos ordinateurs par cerimes

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