Repenser la mobilité pourrait être une piste d’innovation, face à la crise de l’industrie automobile en France et notamment, celle que traverse aujourd’hui le groupe PSA.
A l’image du pôle Véhicule du Futur, labellisé depuis 2005 pôle de compétitivité, ne faudrait-il pas inventer des solutions pour les véhicules et les mobilités du futur dans une perspective de développement durable au service du territoire ?
Pour faire un état des lieux de la situation, rappelons-nous tout d’abord la conférence en 2009 de Jean-Martin Foltz (ancien PDG de PSA Peugeot-Citroën) qui posait la question suivante « Les crises vont-elles accélérer les mutations technologiques dans l’automobile ? ».
Lors de cette conférence, Jean-Martin Folz rappellait le contexte dans lequel s’inscrit l’avenir de l’industrie automobile : crise économique et financière, crise environnementale (changements climatiques), crise énergétique (raréfaction des ressources en hydrocarbures fossiles). Les impacts sur cette industrie concernent bien sûr la demande de transport en général, la demande de transport individuel versus collectif et le choix du moyen de l’automobile parmi d’autres moyens de transport individuel. « Pour ma part, je suis convaincu que l’automobile a encore une longue vie devant elle, mais elle devra être moins chère et consommer moins », souligne Jean-Martin Folz. Quelques chiffres : le parc automobile mondial d’aujourd’hui, ce sont environ 700 millions de véhicules, avec une perspective de forte croissance dans les prochaines années compte tenu de la demande dans les pays émergents.
Au plan technologique, l’automobile actuelle n’est guère différente dans son principe de base de ce qu’elle était au début du XXe siècle, souligne par ailleurs l’ancien PDG de PSA : il s’agit, très schématiquement, d’un convertisseur d’une énergie stockée à bord en énergie mécanique. Son évolution impose alors de répondre à trois grandes questions : quels sont les besoins en énergie mécanique d’un véhicule ? Quel convertisseur choisir ? Quel type de stockage d’énergie embarquer à bord de la voiture ? En termes de convertisseur, deux voies ont toujours été en concurrence, l’une utilisant un moteur thermique, l’autre un moteur électrique. Le moteur à explosion a toutefois gagné au début du XXe siècle, en dépit de ses deux graves défauts (faible rendement et émission de gaz polluants ou à effet de serre) et ce, pour une raison simple : le problème du stockage à bord de l’énergie électrique n’a jamais été résolu et, pour l’instant, la piste des piles à combustible reste très hypothétique.
Quelles sont à ce jour les solutions disponibles ? L’adoption du moteur électrique suppose donc de régler le problème du stockage, mais aussi celui du temps de rechargement des batteries (aujourd’hui encore rédhibitoire). La voie d’innovation la plus probable se situe au niveau des voitures hybrides rechargeables (à la fois par le moteur thermique et sur secteur), indique Jean-Martin Folz.
« Mais le moteur à combustion interne et à carburant liquide me paraît encore avoir des atouts colossaux. Sauf révolution dans le stockage d’énergie électrochimique, je ne vois pas se profiler de mutation dans le court ou moyen terme. Je reste persuadé que l’essentiel des voitures fonctionneront encore demain et après-demain avec un moteur thermique (éventuellement associé à un moteur électrique dans un véhicule hybride) alimenté en hydrocarbures liquides».
Les évolutions devraient donc se poursuivre dans le domaine des économies d’énergie, de réduction du poids de la voiture, la sécurité, la fiabilité, etc., mais pas de vraie rupture technologique dans un avenir proche. (Source : D. Chouchan /academie-technologies.fr)
Pourquoi PSA est-elle en crise ?
Pour faire marcher les usines, il faut surtout des clients. Or les ventes de voitures s’effritent en Europe. C’est ce constat qui motive le plan social de PSA. Au premier semestre 2012, le groupe affiche une perte de 700 millions d’euros dans sa filière automobile. Une analyse erronée d’après les syndicats qui estiment que l’entreprise continue à gagner de l’argent. D’après les spécialistes du secteur automobile, le problème du PSA n’est pas seulement l’atonie du marché automobile européen mais surtout des erreurs stratégiques et un mauvais positionnement.
Les constructeurs allemands fabriquent par exemple les véhicules hauts de gamme qui génèrent les marges les plus fortes chez eux et délocalisent la production des petits modèles beaucoup moins profitables quand ils sont fabriqués sur le sol allemand. Le précédent dirigeant du groupe PSA avait aussi pêché par excès d’optimisme en se fixant l’objectif de sortir 4 millions de voiture par an.
Résultat, le groupe a des surcapacités de 25% en Europe, notamment sur le segment des petits véhicules. PSA Peugeot Citroën n’a pas de créneau porteur comme les voitures hybrides du japonais Toyota ou les low cost de Renault qui contribuent fortement à ses bénéfices.
Petit rappel : la filière automobile emploie 10% de la population active en France, pèse 1% du produit intérieur brut et 15% des dépenses de recherche et développement.
L’automobile française est confrontée à des problèmes de compétitivité et à « l’érosion régulière » de la production de véhicules dans l’hexagone. De plus en plus de petits modèles sont produits dans des pays où le coût de la main d’oeuvre est inférieur, comme les pays d’Europe centrale et orientale ou la Turquie.
« Aujourd’hui, si on veut garder notre industrie automobile, il faut l’aider à se financer et l’aider à assurer sa mutation, à trouver de nouveaux débouchés et à être plus compétitive », déclarait en 2011 un ancien ministre.
Une solution : miser sur la technologie
Trouver des solutions à une sortie de crise reste une équation difficile à résoudre.
Selon un expert du secteur automobile, Rémi Cornubert du Cabinet Olivier Wyman : « A court terme, il faut laisser les constructeurs restructurer leur outil de production. Et il faut les aider à restructurer. A plus long terme, les constructeurs doivent être plus à l’écoute des clients. Ils doivent leur proposer des produits au juste nécessaire avec plus de services (ce qui serait un moyen de créer des emplois localement). Ils doivent aussi intégrer le fait que le budget des clients est de plus en plus sous contrainte.
Enfin, il faut miser sur la technologie, les programmes de recherche et sur la formation pour rendre la filière automobile plus attractive. En France, la fabrication n’est pas perçue comme quelque-chose de noble, contrairement à l’Allemagne ou au Japon. On a du mal à y consacrer autant de ressources qu’à la conception ou aux métiers plus nobles de l’ingénierie et du design. La conséquence est que certaines innovations sont parfois récupérées par des concurrents étrangers qui savent industrialiser des technologies inventées en France (cas de l’injection common rail). »
Créer des nouveautés ?
La création de nouvelles marques pour segmenter encore plus le marché est-elle la solution ? C’est apparemment une piste de réflexion chez Renault (Initiale Paris, Alpine). PSA s’est déjà lancé (DS) au risque de cannibaliser ses autres modèles, faute de réseaux de distribution dédiés.
La nouveauté, bonne pour l’image et le marketing, n’est pas tout. Plutôt que de créer de nouvelles gammes, les constructeurs généralistes devraient se préoccuper d’être profitable sur les gammes existantes. Là encore, les analystes du Credit Suisse estiment que la moitié des véhicules vendus en Europe le sont à perte. D’où l’importance d’ajuster les capacités. Mais au-delà de cette logique d’attrition, l’important est surtout pour les constructeurs de continuer à innover et à redevenir leader sur des technologies où certains pays émergents (Chine) poussent leurs pions très rapidement (véhicules électriques par exemple).
Dans un tel contexte, l’Union européenne a sans doute un rôle à jouer. Comment ? En développant une plus grande capacité d’anticipation et d’accompagnement des restructurations. C’est un constat qui s’applique aussi à la France. Pays où les gouvernements successifs se sont contentés d’accompagner les plans de restructurations plutôt que d’essayer d’anticiper les difficultés (sans doute en raison d’une déperdition de compétences et d’une méconnaissance du tissu industriel national).
Repenser la mobilité de demain ?
Dans les années soixante, on disait : « la ville doit s’adapter à l’automobile » ! Aujourd’hui, pour repenser la mobilité, on doit repenser la rue, la ville qui a changé puisque la société a évolué (internet, travail à domicile, évolution du rythme de la vie professionnelle, réduction du temps de travail,…).
« En 2030, la circulation dans les mégalopoles sera entièrement saturée », assurait dernièrement Chris Borroni-Bird, le directeur des technologies avancées chez General Motors. Lors de la dernière exposition universelle à Shanghai, le constructeur a dévoilé trois prototypes de voitures urbaines censées répondre à ce défi. D’une autonomie de 40 km environ, ces prototypes sont le fruit de la collaboration entre GM et son partenaire chinois Shanghai Automotive Industry Corporation (SAIC). Les « EN-V » pourront communiquer entre eux, s’arrêter automatiquement lorsqu’un piéton traverse la rue et se garer dans une place de parking trois fois plus petite qu’une voiture normale. Date de sortie estimée : pas avant 2030.
Mais nous allons vers un nouvel usage de l’automobile : les technologies évoluent, les comportements et les usages doivent évoluer avec. Repenser la mobilité et modifier l’usage des transports. Plus que la technologie équipant nos voitures, c’est notre façon de se déplacer qui va changer. Cela passe par exemple par le changement de réflexe : ne pas prendre systématiquement notre voiture pour nos déplacements en ville et pour des courts trajets (ce qui est la solution la moins rapide et la plus chère avec 30 centimes d’euros du kilomètre).
C’est également acquérir de nouveaux réflexes lors de nos longs trajets : penser train, covoiturage, autopartage, compensation carbone également :
– Covoiturage : plusieurs personnes partagent l’utilisation d’un véhicule pour effectuer tout ou partie d’un trajet commun. Le chauffeur, non professionnel, peut être indemnisé (frais de carburant, péage, amortissement du véhicule…) Le covoiturage est particulièrement adapté dans les zones rurales et périurbaines où les transports collectifs sont peu développés. Sites dédiés : http://www.covoiturage.fr/ , http://www.co-voiturage.fr/, http://www.covoiturage-france.fr/, http://www.tribu-covoiturage.com/, http://www.vadrouille-covoiturage.com/covoiturage-france/,…
– Autopartage : service de mise à disposition de voitures pour une courte durée au profit d’utilisateurs abonnés (services accessibles 24h/24 et 7j/7). L’autopartage permet d’effectuer des trajets qui n’auraient pas pu être faits autrement qu’en voiture (pas de transports publics). Après le succès des vélos en partage (Vélib’), et le système analogue -Autolib’- en développement dans des grandes villes (Paris et sa banlieue, Lyon) pour de petites voitures électriques en libre service, louées pour de courtes durées. Elles permettront de relier des lignes de transports en commun, d’atteindre des lieux de rendez vous mal desservis, ou de transporter des objets trop volumineux en vélo. Des prototypes futuristes voient le jour sur ce mode de concept : la Mobi du designer indien Ajinkya Yadav ou le proptotype d’Angel Sanchez Vargas ou encore celui du designer japonais Daisuke Iguchi.
– Le grand mix des transports : l’intermodalité. Les spécialistes l’appellent l’intermodalité ou la multimodalité. C’est l’art de faire un cocktail de transports : prendre un bus, un train et rentrer à pied de la gare, aller en vélo à la gare et pouvoir le transporter dans le train pour l’enfourcher à l’arrivée. Les combinaisons sont nombreuses.
Aujourd’hui, beaucoup de personnes utilisent déjà cette intermodalité des transports (notamment les personnes habitant en banlieue parisienne). Ce qui va évoluer demain, ce sont les modes de transport qui seront mieux adaptés et les technologies qui permettront de pouvoir combiner plus facilement différents modes de transport.
– La mobilité 2.0 : l’informatique au service de la mobilité qui développe des solutions afin de favoriser l’accès aux données qui nous permettront d’adapter nos déplacements en fonction de critères donnés. Il existe déjà des applications permettant de savoir quand passera le prochain bus depuis son ordinateur ou depuis son portable.
Demain, depuis son téléphone portable, des applications connectées à plusieurs bases de données proposeront de connaître instantanément les itinéraires les plus performants, en associant plusieurs modes de transports, incluant si on le souhaite, l’emprunt d’un vélo à un réseau d’automobiles en partage, ou en réservant au besoin une place dans un train ou un véhicule de location…
Ces applications pourront également faciliter les rencontres, en nous indiquant si un ami est dans le prochain train ou dans le suivant…
– Imaginer de nouveaux transports : l’imagination n’a pas de limite ! Selon les endroits, des modes de transports originaux et adaptés peuvent être mis en place : taxis collectifs ou bus à la demande, batobus au fil de l’eau, bus aquatique, Auto-Tram, téléphérique dans les villes en pente, train magnétique, Motorbike et aussi véhicules à propulsion individuelle comme les segways ou les vélos électriques (http://velobuc.free.fr/vae.html). Dans les pays nordiques, beaucoup de solutions sont imaginées, et il n’est pas rare de voir dans la rue des parents transportant à vélo leurs enfants dans des remorques spéciales.
De nouveaux acteurs industriels
De nouveaux acteurs peuvent rentrer et modifier en profondeur le paysage de l’industrie automobile. Ce n’est pas Bell Telephone Company qui a invernté le smartphone ! Ce n’est pas IBM qui a inventé l’ordinateur personnel ! De nouveaux entrants peuvent émerger dans l’envirronnement automobile et apporter des solutions radicalement différentes. La voiture sans chauffeur de Google en est certainement un prémice. L’avenir de l’automobile ne passera peut-être pas par l’industrie automobile telle qu’elle existe actuellement…
Même si aujourd’hui, de nombreux facteurs remettent en cause la suprématie de la voiture individuelle dans nos déplacements (épuisement des ressources fossiles, hausse du prix du carburant, péages…), la voiture occupe encore une place importante dans nos modes de vie, notamment à travers le statut social qu’elle nous confère. C’est notamment le cas dans les pays émergents, comme la Chine, où posséder une voiture est davantage une question de statut que de déplacement.
Ainsi, pour conserver une mobilité, nécessaire dans notre société, l’objet automobile, la perception et l’usage qu’en ont les individus doivent évoluer pour permettre à cette industrie de se ré-inventer, pour enfin innover vraiment.
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