On ne sait toujours pas, aujourd’hui, comptabiliser les activités de R&D
Corinne Bessieux-Ollier et Elisabeth Walliser, chercheuses en comptabilité et auteures[1], ont montré les confusions sémantiques qui perdurent entre différents termes : capital immatériel, capital intellectuel, actifs incorporels et actifs intangibles. Ceci n’est pas sans poser problème aux entreprises car le potentiel d’innovation ne se résume pas, selon nous, à la gestion du portefeuille de brevets et de marques .
Par ailleurs, à la question posée, « existe-t-il des articles de recherche définissant la R&D d’un point de vue comptable », la réponse a été : « les frais de R&D sont aujourd’hui définis et encadrés par les normes qui peuvent être différentes d’une entreprise à l’autre, d’un pays à l’autre. Mais on a toujours du mal à définir ce qu’est et comment comptabiliser la R&D.
La confusion perdure d’un point de vue comptable entre recherche et développement
De l’avis de Marie Laure Colombini, Vice-présidente de la Compagnie régionale des Commissaires aux Comptes de Toulouse, on ne sait toujours pas distinguer recherche et développement.
Cela ne nous paraît pas sans incidence sur la comptabilisation des activités de R&D, Elisabeth Walliser ayant précisé que les frais de recherche ne peuvent jamais être mis à l’actif du bilan (activés) alors que les frais de développement peuvent être activés sous certaines conditions.
De la difficulté de recueil des informations comptables relatives à l’innovation
Marie Laure Colombini témoigne également des difficultés de recueil des informations comptables nécessaires, notamment, au montage des dossiers de demande de financement : collecte des éléments tangibles, traçage des temps passés sur l’activité de R&D, prise en compte de la technicité des produits. Quid, dans ces conditions, des PME qui n’ont ni le temps, ni les ressources pour pouvoir structurer leur système d’information de telle façon à favoriser la remontée des informations demandées ?
Le retour sur investissement des innovations est encore trop réduit à la mesure d’une VAN ou d’un cash flow
De nombreuses recherches en comptabilité portent sur les méthodes de mesure de la rentabilité d’un investissement (VAN, cash flow par exemple). Les questions sont : quoi mesurer, comment mesurer ? La réponse à ces questions est cruciale pour le financement de l’innovation.
Des recherches en management de l’innovation[2] montrent que le retour financier sur investissement dans l’innovation doit s’évaluer aussi en termes de création d’un potentiel de compétitivité pour l’entreprise qui pourra être valorisé plus tard ou qui lui permettra, plus radicalement, de rester sur des marchés en pleine évolution. Mais la prise en compte de ces critères nécessite une approche multi-projets (management des portefeuilles de projets) et une stratégie de long terme, alors que, malheureusement, les détenteurs de capitaux susceptibles d’être investis, directement ou indirectement, dans l’innovation persistent à privilégier le critère de retour rapide sur investissement sur chaque projet pris individuellement.
A quand des travaux de recherche transversaux en sciences de gestion, qui associeraient des chercheurs en comptabilité et en management de l’innovation, menés en partenariat avec des experts-comptables, des commissaires aux comptes et des entreprises ?
[1] E. Walliser et C. Bessieux-Ollier (dir.), Le capital immatériel de l’entreprise : un défi pour les comptables et les managers, EMS, juin 2011, 174p. E. Walliser et C. Bessieux-Ollier (dir.), Le capital immatériel : « identification, mesure et pilotage », dossier spécial de la Revue Française de Gestion, vol. 36, 207, octobre 2010.
[2] Notamment une étude en cours au sein du Groupe GTI (cf. la rubrique Qui sommes-nous ?) dont nous aurons l’occasion de reparler
Sandrine Fernez-Walch, (Site MI http://innovationmanagement.fr/) Maître de Conférences habilitée à diriger des recherches en sciences de gestion Responsable du Master 1 Gestion de l’Entreprise Sociale et de Santé.
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