Toute la presse à travers le monde s’accorde à considérer que le sommet de la Terre Rio+20 a complètement échoué. Le site Youphil.com a recensé aujourd’hui les dernières déclarations faites en ce sens, suite au projet de déclaration finale. En voici le florilège, suivi d’une analyse sur les enjeux de la sécurité de la planète.
« L’accord le plus pitoyable et inadéquat que je n’ai jamais vu » juge Jonathan Poritt dans The Guardian à propos du projet de déclaration finale « The Futur We Want » concoctée par les négociateurs du Sommet de la Terre, qui se déroule jusqu’à vendredi 22 juin à Rio.
Des paroles sans les actes
Dans son article « Rio+20 a Univeler mais pas Cameron, signe d’une époque peu viable », le journaliste montre que l’absence à Rio du Premier ministre britannique David Cameron illustre le fait que « les gouvernements ont moins de capacité et de volonté pour prendre des décisions tandis que les marchés financiers et les multinationales ont davantage d’influence. »
Jonathan Watts and Adam Vaughan, dans leur article « Les négociations de Rio+20 sont improductives », remarquent que le verbe « devoir » n’apparait que trois fois dans le projet de déclaration finale adopté par les négociateurs, tandis que le verbe « encourager » est cité 50 fois. Illustration d’un manque d’audace politique pour le quotidien.
« La faible volonté politique des pays développés »
Le ton n’est pas plus tendre dans les colonnes de Der Spiegel. Titré: « Cessez de gémir, agissez », l’article du journaliste allemand Philip Bethge commence par un jugement sans appel: « c’était prévisible, le sommet a complètement échoué ».
Il écrit que les leaders internationaux vont ces trois prochains jours « parler et parler et nous décevoir avec des déclarations d’intentions ».
Toujours des critiques mais dirigées contre les pays développés dans le grand quotidien indien The Hindu. Il publie un article: « Economie verte: l’Inde bouscule les pays développés ». Et revient sur « la déception » de New Dehli devant « la faible volonté politique des pays développés à fournir aux pays en voie de développement les moyens de remplir les objectifs de l’économie verte. »
« Personne n’est content dans cette salle »
« Rio+20: Pas de coup d’éclat » titre enfin le journal sud-africain Mail and Guardian. Si les délégués présents à Rio sont « consternés », le quotidien l’explique par « le manque d’engagements clairs, d’agendas et de financements » dans la déclaration finale « The Future We Want ».
Le journal rapporte aussi le tweet de la représentante de l’Union Européenne, Connie Hedegaard, à l’issue des négociations: « personne n’est content dans cette salle en adoptant ce texte. Il est trop timoré! ».
Une note d’espoir conclut tout de même l’article: « les véterans des négociations internationales pensent que les derniers jours peuvent apporter quelques surprises. » (Source : article paru sur le site Youphil.com / 21 juin 2012).
Tout le monde oublie les enjeux de l’urgence
En remettant, en 2004, le Prix Nobel de la paix à la militante écologiste kenyane Wangari Maathai le président Ole Danbolt Mjoes prononçait une phrase qui pose les jalons d’une nouvelle conception de la sécurité : « La paix sur la terre dépend de notre capacité à préserver notre environnement. »
La même année, un rapport commandé par le Département américain de la Défense et rédigé par deux experts, Peter Schwartz et Doug Randall de Global Business Network, décrit dans le détail les modalités et les conséquences d’un changement climatique brutal sur la sécurité mondiale. Les auteurs concluent leur rapport sur un « monde d’États en guerre ».
Toujours la même année, est publié le rapport final du High-Level Panel on Threats, Challenges and Change, composé de seize membres internationalement reconnus, nommés par le Secrétaire général des Nations-Unies, Kofi Annan, pour examiner les principales menaces et défis auxquels le monde devrait faire face, au XXIe siècle. Parmi les conclusions de ce rapport on relève celle-ci : « Les changements environnementaux peuvent menacer la sécurité mondiale, nationale et individuelle ».
● En avril 2006 est publié, en France, le rapport de la Commission d’information de l’Assemblée Nationale sur le changement climatique. Les rapporteurs ne font plus de contorsions verbales ; ils annoncent, d’emblée, que « l’accélération du changement climatique est brutale, profonde, définitive. » Les effets de cette menace sont « prévisibles, calculés, dévastateurs. Les changements climatiques se déroulent sous nos yeux. » Le rapport parlementaire évoque l’impératif de construire « un argumentaire de la catastrophe annoncée » et la nécessité de devenir « les maîtres d’un art de l’alarme ». Il affirme enfin notre passage « dans un nouvel âge de la responsabilité » et l’urgence de favoriser l’essor d’un nouvel humanisme.
● Deux idées se rejoignent ainsi pour amorcer un changement de conscience et l’émergence d’un nouveau modèle de sécurité. La première idée est que les problèmes environnementaux menacent la paix du monde et ont un impact direct sur la sécurité. La seconde idée est que le changement climatique n’est pas un événement progressif dont les effets graves pourraient être expédiés dans un futur lointain, mais que le processus de rupture de seuil peut être brutal et proche, à l’échelle de temps d’une vie humaine.
● Ce changement de conception de la sécurité est un des mouvements les plus importants de notre époque. Il ne se produit pas sans difficultés, sans confusion et sans oppositions. Les opposants à l’idée de sécurité humaine s’accrochent fébrilement à la conception la plus étroite assimilant la sécurité à la défense. Ils n’acceptent comme menaces légitimes que les phénomènes qui sont considérés capables de mauvaises intentions ou comme le produit de mauvaises intentions. L’intentionnalité étant le critère légitimant fondamental. Le terrorisme entre dans cette catégorie ; par contre, les changements climatiques et les autres formes de dégradations environnementales ne sont généralement pas acceptés comme des menaces crédibles quels que soient l’ampleur des dégâts et le nombre de victimes qu’ils provoquent.
Selon Gregory Forster, Professeur à la National Defence University de Washington, même si on laisse de côté les tremblements de terre, les éruptions volcaniques et les épidémies et que l’on ne compte pas les blessés et les autres effets ‘collatéraux’, il y a trois fois plus de personnes qui meurent chaque année en moyenne de catastrophes naturelles pouvant être liées au changement climatique ou pouvant être exacerbées par lui, que de personnes tuées ou blessées dans les 37 dernières années d’actions terroristes.
Ces phénomènes climatiques sont implicitement laissés de côté et considérés comme des événements purement naturels et de nature métaphysique, ce qui les met hors de portée de toute intervention humaine. Les mesures punitives n’ont pas de sens à leur égard…Ces oppositions suggèrent que le modèle dominant en matière de sécurité –celui qui accorde la primauté à l’usage de la force– nous tient intellectuellement en otage et interdit le développement d’une politique stratégique compensatoire qui envisagerait le futur autrement que comme un mur. Le syndrome du Titanic est toujours vivace.
● Le futur frappant à la porte du présent, il est urgent de construire une stratégie de sécurité humaine. Ce changement de perspective permettrait de mettre en œuvre, dès à présent des mesures propres, non pas à éviter la catastrophe, mais à en diminuer les effets sur la sécurité publique. Dans cette pensée stratégique nouvelle, à dimension humaine, le rôle de l’armée est à repenser en profondeur. L’armée ne peut plus se contenter d’être une force au service de l’État ; elle doit, pour être stratégiquement efficace, devenir un instrument de pouvoir au service de la société dans son ensemble, voire de l’humanité. Dans cette optique, elle devrait être complètement réorganisée, se doter de moyens spécifiques pour non seulement maintenir la paix mais assurer la survie.
Dans le même esprit, les politiques d’urbanisme, de construction des logements, la logistique de transport et de protection des énergies vitales (électricité, eau, communications), l’architecture de nos moyens de circulation, de nos systèmes de santé publique, etc…. devraient être immédiatement revues à la lumière d’une catastrophe considérée comme inéluctable.
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