Nous sommes plongés dans un monde numérique. Ceci transforme profondément nos modes de vie, nos relations à autrui, notre rapport à la connaissance. De nouvelles questions émergent, sur le plan sociétal, économique, technologique, juridique.
Fin 2012, dans le prestigieux hémicycle du Conseil économique, social et environnemental, des acteurs de l’entreprise, de l’enseignement supérieur et de la recherche et des pouvoirs publics, des responsables socio‐économiques et des étudiants ont partagé ces questions et ont échangé à l’occasion d’un grand débat centré sur trois thèmes sociétaux de la vie de tous les jours : la culture : «l’homme connecté sait-il tout ?», la santé : «que sait le patient – que sait le médecin ? », la ville : «comment la ville s’ouvre-t-elle au citoyen numérique ?».
« Aborder la question de l’Homme – au sens général, bien sûr de l’être humain, de l’homme et de la femme – dans son environnement numérique, c’est tout à la fois contribuer à informer nos concitoyens sur ce que j’appellerai l’impératif numérique et ne pas rejeter les apports décisifs d’une avancée révolutionnaire à bien des titres » commence par déclarer Jean‐Paul Delevoye, Président du Conseil économique, social et environnemental.
« Je viens de prononcer le mot « révolutionnaire ». Oui, nous vivons une véritable révolution. Comme nous n’en voyons pas encore les tenants et les aboutissants, nous qualifions la situation actuelle de « crise ». En réalité, c’est plutôt d’une grande ou d’une profonde mutation que nous devrions parler, sous le double impact de l’énergie et, bien sûr, du numérique. Le futur n’est plus la projection du passé, comme ce pouvait être le cas au cours du siècle dernier – je pense au Plan soviétique ou à la futurologie d’Alvin Toffler, par exemple, qui dessinaient, l’un comme l’autre, un avenir tracé à l’avance –, non, le futur aujourd’hui remet en cause le passé. Nous changeons d’ère, et nous commençons à le savoir. Nous prenons conscience de la nécessaire adaptation de la société, de ses structures, de ses leaders. Nous comprenons de mieux en mieux la nécessité d’incuber l’innovation et d’encourager la prise de risque. Le numérique bouleverse nos structures sociales comme nos structures mentales, nos représentations, notre rapport au temps, à l’espace, à l’autre, jusqu’à la construction de notre identité. La troisième communauté mondiale après la Chine et l’Inde n’est‐elle pas facebook, qui a dépassé le milliard d’utilisateurs en septembre 2012 ?
Cette révolution donne parfois le vertige : on m’expliquait récemment que mon i phone possédait une puissance de calcul deux fois supérieure à celle utilisée par les ordinateurs de la NASA en 1970 pour la mission Apollo 13 ! Plus important, elle touche tous les domaines. » poursuit-il.(…)
Et de conclure : « Je voudrais souligner que le monde numérique accompagne autant qu’il initie, facilite autant qu’il produit de nouvelles pratiques. Celles‐ci reposent sur trois piliers :
• La diffusion de l’information (mais quid de sa hiérarchisation, de sa compréhension ?)
• L’émergence de l’individu dans sa capacité de choix et d’expression (mais quid de sa capacité d’écoute ? quid du lien collectif ?)
• La structuration d’une société par le réseau plus que par le pouvoir, le statut ou la hiérarchie, une société plus horizontale que verticale, une société plus à réguler qu’à contrôler.
La fin d’un monde n’est pas la fin du monde. Entrons de plein pied dans cette nouvelle ère ! Avec sagacité, mais surtout avec enthousiasme.
Troisième partie : Ville / Comment la ville s’ouvre‐t‐elle au citoyen numérique ?
– Comment les usages numériques font-ils évoluer notre vie urbaine ?, par Thierry Happe, Fondateur et Président de Happening Co, société qui édite l’Observatoire et le Forum NETEXPLO (Synthèse réalisée par Pierre‐Etienne Girardot, Ingénieur‐Elève du Corps des Mines, Institut Mines‐Télécom)
Thierry Happe insiste tout d’abord sur les convictions qui structurent sa démarche.
La société va plus vite que les Etats et les entreprises
La démarche de Netexplo nécessite ainsi une grande humilité devant la vitesse et l’omniprésence des changements : « Internet, c’est nouveau pour tous […] et tous les jours ». La manière dont les institutions vont pouvoir s’adapter aux changements de technologies, mais également d’usages, constitue une question cruciale.
Les usages avant les technologies
Le citoyen numérique est considéré comme l’acteur principal des révolutions en cours. Comprendre la logique de ces révolutions nécessite ainsi d’étudier la manière dont la demande pressante structure les changements. Si, du côté de l’offre, les acteurs économiques poussent vers la commercialisation de solutions et de technologies rentables, ces dernières seront utilisées, appropriées et enfin détournées par le citoyen numérique qui fait avancer la société grâce à l’invention de nouveaux usages.
Le marketing de l’offre
Prospecter du côté de la demande est en revanche inopérant pour anticiper les changements à l’œuvre dans la société. Se focaliser du côté du marketing de la demande, c’est‐à‐dire récolter les attentes des citoyens, ne conduira qu’à la perception de modifications incrémentales fortement conditionnées par les usages passés et présents. Les modifications de rupture sont à chercher du côté de l’offre et des innovateurs (ou des ONG qui ont l’avantage d’avoir une approche qui n’est pas axée sur le profit).
L’intérêt des pays émergents
Ces pays, faute de passé technologique, ont un regard relativement neuf sur les nouvelles technologies. Par exemple, les pays qui s’initient à l’internet en passant directement par l’ère des « smartphones » n’ont pas le poids des habitudes de fonctionnement des pays occidentaux. Ils constituent ainsi un formidable gisement de nouveaux usages, comme illustré par la vidéo Noovaivai sur le site de Netexplo. Enfin ces pays constituent un fort potentiel du fait de l’énorme appétence de la classe moyenne en termes de nouvelles technologies, qui permet également de développer le concept d’innovation frugale : offrir plus de fonctionnalités avec moins de moyens.
Ainsi, Thierry Happe estime que le citoyen numérique est le véritable acteur de la ville du futur. Il inverse ainsi la problématique du débat en soulignant que ce n’est pas la ville qui s’ouvre au citoyen numérique mais bien l’inverse : le citoyen, à l’origine des changements, ouvre de nouvelles possibilités pour le développement urbain. Les trois exemples encadrés illustrent son propos et soulignent tous que la dynamique de changement est poussée par l’initiative des citoyens.
L’analyse de ces actions innovantes repérées dans le monde entier a permis de déceler l’émergence de plusieurs tendances majeures. Parmi elles, le « track and profile » met en lumière que le développement des techniques de traçabilité (augmentation exponentielle des informations disponibles par individu) risque de permettre une omnisurveillance de notre vie. Cela peut constituer une menace pour le citoyen (« big brother ») mais aussi une opportunité (« god father » ou coach numérique). Par exemple, si les « Google glasses » (vidéo diffusée par Thierry Happe) permettent de résoudre instantanément bon nombre de problèmes de la vie courante du jeune utilisateur (indication sur les lignes de métro en panne, proposition d’un itinéraire piéton…), qu’adviendrait‐il si elles incluaient des publicités contextualisées (comme illustré dans une parodie) ? Quel seraient notre seuil de tolérance, notre seuil de secret, notre niveau d’acceptabilité ?
En conclusion, Thierry Happe souligne qu’internet n’a pas de valeur en soi : il n’est ni bien, ni mal, et nécessite ainsi une réelle éducation du citoyen qui doit adopter des attitudes responsables et développer son esprit critique.
Dans cette perspective, le brevet informatique et internet initié par la Sénatrice Catherine MORIN‐DESAILLY, Vice‐Présidente de la Commission Culture (article 16 de la loi n° 2009‐669 du 12 juin 2009 favorisant la protection et la diffusion de la création sur Internet.) ainsi que l’amendement de cette même sénatrice au Projet de loi Droit de l’Union européenne ‐ Santé, travail et communications électroniques qui vise à développer l’éducation au NTIC dans le cadre de l’éducation civique sont des initiatives‐clés en matière d’éducation numérique de notre jeune génération.
Trois exemples de projets concrets :
Ushahidi : Projet de gestion de crise développé au Kenya en 2008 (durant les émeutes) par Ori Okolo (maintenant présidente de Google Afrique). Grâce à cette initiative de crowdsourcing, la population devint témoin actif des événements, signalés par SMS à une plateforme qui, en temps réel, publiait sur son site web les points chauds de la capitale Nairobi. Le succès fut phénoménal puisque le site devint rapidement le plus consulté du pays, et inspira d’autres projets de web 2.0, mettant le citoyen au cœur du processus de formation de l’information : bonne tenue des élections en Inde, tremblements de Terre au Japon et en Haïti, feux de forêt en Russie…
Lewatmata : Initiative de gestion du trafic. Grâce à des caméras connectées, aux tweets et à d’autres moyens de crowdsourcing rassemblés sur une plateforme coopérative, le site donne une information du niveau d’embouteillage du système routier de Jakarta, souvent paralysé.
Fix my street : Projet anglais de gestion de la ville. Une plateforme de crowdsourcing permet aux citoyens d’alerter, de localiser et de discuter des dysfonctionnements dans leur quartier.
A propos de Thierry Happe :
Fondateur et Président de Happening Co, société qui édite l’Observatoire et le Forum NETEXPLO. Cet Observatoire indépendant, qu’il a cofondé en 2007 avec Martine Bidegain, a été créé, en partenariat avec HEC Paris, sous le haut patronage du Sénat, du Ministère de l’Industrie, de l’Energie et de l’Economie numérique et avec le soutien de l’UNESCO. Sa vocation est d’assurer une veille mondiale sur les usages émergents de l’Internet et d’étudier l’impact du numérique sur notre société et nos entreprises. De formation Journaliste (IHECS – Bruxelles 84), Thierry Happe a créé et dirigé l’agence de communication Corporate et Ressources Humaines DARJEELING de 1988 à1994. Il a ensuite été PDG de Euro‐ RSCG Futurs et Président pour l’Europe des agences de communication RH et nouvelles technologies de HAVAS de 1994 à 2003. Thierry Happe est cofondateur et membre du Conseil d’Administration de l’Association DOCTEUR SOURIS dont la vocation est de rompre l’isolement des enfants et adolescents malades ou en situation de handicap par l’usage des technologies de l’information et de la communication.
– Construire ensemble un nouvel écosystème urbain, par Christian Grellier, Directeur de l’innovation, Bouygues Immobilier (Synthèse réalisée par Pierre‐Etienne Girardot, Ingénieur‐Elève du Corps des Mines, Institut Mines‐Télécom)
Les bâtiments à énergie positive : Green Office®
La conception de bâtiments à énergie positive constitue la première étape d’un aménagement urbain durable. Ces bâtiments Green Office® se distinguent par leur capacité à générer plus d’énergie qu’ils n’en consomment. Un travail sur les trois axes suivants doit permettre d’y parvenir :
• Consommer moins d’énergie, ce qui passe notamment par un choix de matériaux performants.
• Produire de l’énergie sur site : électricité via des panneaux photovoltaïques ou chaleur via des systèmes géothermiques.
• Consommer mieux grâce à un pilotage énergétique qui permet en temps réel de gérer l’équilibre entre la production et la consommation.
Finalement, parvenir à une utilisation optimale nécessite des systèmes d’information performants pour traiter les données recueillies afin de piloter le bâtiment. L’appui des nouvelles technologies du numérique est ainsi crucial. Un grand enjeu, devant la quantité de ces informations (plus de 50 millions de données par an), réside également dans la manière dont leur analyse est effectuée en temps réel, pour transmettre à l’utilisateur un affichage lisible, afin que ce dernier puisse modifier son comportement.
Les quartiers intelligents
Cependant, Christian Grellier souligne que la véritable solution réside dans le quartier, vraie dimension encore plus pertinente pour traiter tous ces enjeux. Il insiste sur le fait qu’il est indispensable d’introduire de la mixité : sociale, générationnelle mais surtout d’usage. En complément des quartiers résidentiels et des quartiers d’affaires, des aménagements urbains mixtes vont se développer où pourront être mutualisées les ressources comme les places de parking (vides la nuit dans les immeubles de bureaux, vides la journée dans les immeubles résidentiels…). Là encore, il faut favoriser la production locale d’énergie ainsi que l’optimisation de la consommation. Les nouvelles technologies deviennent alors essentielles pour gérer les réseaux au niveau du quartier. Le but serait alors celui de l’autoconsommation en utilisant le moins possible le réseau de l’opérateur, voire, pourquoi pas, d’effacer le quartier du réseau de distribution en période de pics de consommation (avec l’appui de moyens de stockage par exemple).
Au niveau des transports, développer l’intermodalité est nécessaire, et c’est pourquoi il faut penser, dès la phase de conception, à faciliter l’intégration de moyen de transports alternatifs : vélo, transports en commun, transports individuels partagés (Autolib,…). En outre, traiter tous ces sujets complexes ne peut se faire seul. Bouygues Immobilier a ainsi travaillé au sein de plusieurs consortiums (comme à IssyGrid avec des grands industriels français et des startups locales) qui permettent de mutualiser les compétences des différents partenaires pour défricher ces nouveaux territoires d’innovation en étroite collaboration avec les collectivités locales.
Les nouvelles technologies (plateforme numérique de co‐création, réseaux sociaux,…) sont là encore salutaires car elles facilitent la coordination des acteurs.
Christian Grellier se penche également sur la qualité de vie, condition sine qua non de la réussite de tels aménagements urbains durables. Il défend ainsi le concept de « frugalité désirable » car les comportements éco‐responsables doivent contribuer à la qualité de vie. Développer des services, comme par exemple des conciergeries de quartier qui contribuent à renforcer le lien social de proximité, est ainsi essentiel.
En conclusion, les nouvelles technologies numériques constituent un outil fantastique pour la conception de la ville de demain. Elles permettent l’intégration de quantités considérables de données pour piloter ce nouvel écosystème urbain, comme les réseaux d’énergie. Cependant, il est essentiel d’anticiper l’évolution des technologies numériques qui ont un cycle court dans la conception de ces aménagements urbains qui se développent sur des temps plus longs. La réglementation doit également s’adapter à ces évolutions technologiques rapides au risque d’être un frein aux développements de ces nouveaux usages et de nouveaux aménagements urbains durables.
Exemple de projet : UrbanEra®
Cette initiative a pour but de bâtir la ville durable, désirable et responsable de demain. Cette dernière se bâtit sur les piliers suivants :
• des bâtiments économes pour lesquels une architecture de qualité doit concilier confort des habitants et économies d’énergie. Il est important d’intégrer la mixité et la complémentarité des usages à l’échelle du quartier comme dans le projet urbain mixte à Lyon (Hikari) où se mélangent logements, commerces, bureaux…
• l’efficacité énergétique au niveau du quartier, comme dans la conception d’un quartier à énergie positive à Strasbourg ou pour la réalisation du premier réseau intelligent de quartier sur un quartier existant, dans le projet IssyGrid®.
• la gestion de l’eau, qui s’articule autour des trois « R » : Réduire la consommation, Réutiliser les eaux de pluies et Recycler les eaux usées.
• le recyclage des déchets, comme dans l’écoquartier du Fort d’Issy où des solutions pour assurer la gestion des déchets ont été intégrées à la phase de conception.
• l’éco‐mobilité qui vise à proposer des alternatives de transport au réflexe voiture.
• la biodiversité
• les services urbains, créateurs d’emplois.
A propos de Christian Grellier :
Directeur de l’innovation, Bouygues Immobilier. Christian GRELLIER est entré dans le Groupe en 1986 chez Bouygues Construction. Dès 1991, il a rejoint TF1 où il a d’abord eu des missions d’organisation, puis de développement de nouvelles offres audiovisuelles (Internet, chaines thématiques, TV par satellite, TV sur ADSL,…) et enfin de direction générale d’une filiale, eTF1, spécialisée dans la production et la diffusion de produits audiovisuels numériques. En 2007, il a intégré Bouygues Immobilier, en tant que DOSI, puis a pris la responsabilité de la direction de l’Innovation et du développement durable. Il a la charge de l’animation de la politique d’innovation du Groupe Bouygues Immobilier (Forum Innovation, Open Innovation, partenariats industriels,…). Dans le cadre de ses missions, il développe notamment de nouveaux concepts d’aménagement urbain durable (UrbanEra®) et de pilotage énergétique urbain (Smartgrid). Il positionne Bouygues Immobilier sur de nouveaux métiers et a lancé notamment deux sociétés dans le domaine du pilotage énergétique : Aveltys® et Embix®.»
– Administration électronique locale, E-démocratie, gestion de besoins spécifiques, par Jean Dionis du Séjour, Maire de la ville d’Agen (Synthèse réalisée par Alain Brenac, secrétaire scientifique TIC à l’Académie des technologies)
Je me propose d’illustrer comment la ville d’Agen, une ville moyenne de 35000 habitants à très forte densité de population dont je suis le Maire, a vécu les 15 ans de pénétration progressive d’Internet et je décrirai l’utilisation que la municipalité a pu faire du numérique au fur et à mesure de sa progression dans la cité.
Agen possède une économie assez classique (agroalimentaire, pharmacie) et se caractérise comme beaucoup de préfectures par un maillage important de services administratifs ou militaires. Il est intéressant de remarquer que l’adoption des outils du numérique dans le « pays profond » (ici le Lot‐et‐Garonne) s’est faite au même rythme qu’au plan national mais avec un décalage dans le temps qui se traduit par une pénétration des technologies numériques inférieure de 10 à 20 % par rapport à la moyenne nationale, selon l’indicateur considéré.
Au plan des infrastructures, mon premier dossier a été l’introduction du Wifi dans les Ecoles (3500 élèves toutes classes confondues), dans les bâtiments municipaux, la médiathèque et la zone piétonne plus récemment. Cela a été un choix délibéré de ma part, différent de celui d’autres municipalités qui ont préféré miser sur l’acheminement du haut débit mais à un coût plus élevé.
Au plan des usages, on a observé dès le départ 2 types de fractures induites par l’introduction du numérique dansla ville :
• une fracture générationnelle qui s’est traduite par un décrochage brutal de la population au‐ dessus de 70 ans (même si cette limite progresse avec le temps).
• une fracture sociale : on observe en effet un taux de pénétration de l’ordinateur et d’Internet très hétérogène en fonction du niveau social. Dans certains quartiers en difficulté le taux de pénétration n’excède pas 10 % pour une moyenne en ville de 60 %.
Ceci a amené la Ville à adopter une politique de mise à disposition d’ordinateurs répartis dans les quartiers au sein d’espaces publics numérisés. Mais ce déploiement s’est heurté à des problèmes sérieux d’autorité publique. Par ailleurs ce type de réponse s’est vite révélé obsolète avec le développement des smartphones et autres tablettes, y compris dans les milieux défavorisés.
La résolution de la question générationnelle a connu de son côté un grand succès avec l’opération des seniors branchés qui a permis de faire basculer en grand nombre les personnes âgées de 70 ans et plus vers l’utilisation du numérique en privilégiant le canal des Clubs du 3ème âge.
Les Ecoles qui constituent un levier considérable pour la promotion du numérique dans la Ville, posent toutefois des problèmes de coordination administrative complexe du fait que les personnels d’accompagnement relèvent de la Ville alors que les Professeurs des Ecoles mettent en œuvre les directives de l’Etat. Malgré cela, différentes initiatives ont pu être expérimentées dont certaines avec succès : salles informatiques, tableaux numériques puis tablettes pour arriver au concept de l’espace numérique de travail qui permet désormais de faire travailler ensemble pour la première fois les Professeurs, les élèves et…les Parents. C’est un résultat inespéré pour ne pas dire une révolution !
Toutefois l’hétérogénéité croissante des classes reste un problème préoccupant qui place les Professeurs devant des situations complexes et inédites et la Municipalité devant une lourde responsabilité. J’ai la conviction que la solution passe par une personnalisation de l’Enseignement qui ne pourra pas se faire sans l’aide des nouvelles technologies.
Au plan des contenus, depuis l’apparition du premier site de la ville en 1997, la ville d’Agen pratique une politique de présence globale sur Internet. Les outils de diffusion se sont diversifiés et spécialisés en direction de différentes catégories d’administrés: site jeunes pour les 12‐25 ans, lettre numérique hebdomadaire, et présence, bien qu’encore modeste, sur les réseaux sociaux. Le blog du Maire que j’ai proposé aux habitants de ma ville m’a permis de développer une communication plus personnalisée et elle a rencontré dès son apparition un grand succès si j’en juge par le grand nombre de visites enregistrées.
Par ailleurs la Ville est passée de la diffusion d’informations simples à celle des services ce qui a changé en la simplifiant la vie du citoyen et des familles dans la gestion des formalités administratives et a aussi permis de soulager le travail des personnels municipaux en dématérialisant certaines tâches (Etat‐civil, cantine scolaire, etc.).
Une nouvelle gouvernance pour répondre à une demande croissante
Le développement généralisé du numérique chez les citadins (mobiles, tablettes) pose toutefois en retour un défi considérable aux élus et fonctionnaires territoriaux, à savoir l’avalanche de messages individuels de leurs administrés, sur des sujets le plus souvent mineurs. Notre réponse a été la mise en place d’une nouvelle gouvernance au niveau des 23 quartiers, comportant des élus au suffrage universel siégeant dans des Conseils de quartier disposant d’une enveloppe budgétaire propre, ainsi que des systèmes de géolocalisation pour aider à résoudre rapidement lesincidents de la vie courante.
C’est avec des solutions de ce type au plus près du citoyen qu’on évitera le risque de voir les élus déconsidérés car l’administré attend d’eux, et en premier lieu du Maire, une réaction adaptée et quasiment en temps réel à leurs problèmes quotidiens.
Internet et handicap
Agen a travaillé aussi sur l’accessibilité des handicapés aux outils du numérique, notamment en ce qui concerne les non‐voyants pourlesquels des outils performants existent désormais(synthèse vocale).
D’autres chantiers sont en cours de réflexion qui concernent en particulier deux importantes catégories d’exclus de notre vie sociale :
• Les malades, à domicile ou à l’hôpital, qui doivent pouvoir utiliser les technologies numériques pour se replacer dans « la vie de la Ville ». Des groupes de travail planchent actuellement sur différentes propositions allant dans ce sens.
• Les prisonniers pour lesquels le numérique représente un outil potentiel extraordinaire de réinsertion professionnelle, y compris vers des métiers qualifiés. Mais la Loi, qui privilégie à juste titre la sécurité dans les Etablissements pénitentiaires, doit être adaptée car elle est souvent un frein à l’exploitation du numérique au service de la réinsertion du prisonnier.
A propos de Jean Dionis du Séjour :
Maire de la ville d’Agen. Centralien, ingénieur, il travaille en Afrique de 1979 à 1981, puis dans l’industrie Aérospatiale. Il a œuvré comme ingénieur à la Caisse des Dépôts et Consignations de 1995 à 2002. Conseiller municipal d’Agen de 1995 à 2004 puis conseiller Régional d’Aquitaine de 2004 à 2008, il est aussi élu Député du Lot‐et‐Garonne de 2002 à 2012. Responsable du pôle Nouvelles Technologies au sein de l’UDF, il a été rapporteur de la loi pour la confiance dans l’économie numérique. Celle‐ci a été définitivement adoptée le 13 mai 2004. Il est ensuite porte parole UDF tout au long des débats parlementaires sur le projet de loi Droits d’Auteurs et Droits Voisins dans la Société d’Information. En 2007 il devient vice‐président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire au sein de l’Assemblée Nationale. Depuis 2008, Jean Dionis est Maire de la ville d’Agen et Président de la Communauté d’Agglomération d’Agen.
Accès à la première partie – La Culture
Accès à la deuxième partie – La Santé
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