La 12e saison photographique de l’Abbaye Royale de l’Epau s’installe dans le parc de 13 hectares aux portes du Mans jusqu’au 3 novembre. Pour cette nouvelle édition, le vivant est célébré « Dans les herbes hautes » avec notamment six photographes invité(e)s à investir les lieux de cette abbaye du XIIIème siècle. Face aux graines magnifiques et minuscules que nous fait découvrir Thierry Ardouin, l’immensité de l’océan Atlantique où nous emporte Nicolas Camoisson, en passant par l’ombre salutaire des arbres photographiés par Hiên Lâm Duc au Kurdistan, ou en accompagnant Myrto Papadopoulos dans le quotidien des femmes Pomak au cœur des montagnes de Thrace, Gérard Uféras et ses plongées au cœur du sport ou encore Bernard Reignier avec une série abstraite autour de l’arbre, les photographes nous proposent de nous interroger sur nous-même et notre rapport au monde.
Dans les herbes hautes
Ce parcours photographique se veut avant tout un dialogue entre un public, un site patrimonial et naturel et le monde dans lequel ils s’inscrivent. C’est dans l’essence même du parcours photographique : les expositions invitent à se perdre dans le parc de 13 hectares, révélant sans cesse de nouvelles perspectives sur le bâtiment et les jardins.
La programmation et la scénographie, toutes deux sans cesse renouvelées, souhaitent offrir aux regards des visiteurs l’extraordinaire créativité des photographes d’aujourd’hui, d’ici ou d’ailleurs, pour témoigner, informer mais aussi s’émerveiller et s’amuser des réalités de ce monde. La programmation et la scénographie, cherchant toujours un équilibre entre les questionnements qui animent nos sociétés et la quiétude de ce lieu hors du temps, entre le passé et le présent, à l’instar de ce qui traverse ce lieu.
Si de juin à novembre l’Abbaye Royale de l’Épau est l’épicentre de la Saison photographique portée par le Département de la Sarthe, la photographie s’exporte également hors les murs : auprès des collégiens du Département dans le cadre du dispositif PHOTOGRAPHIE AU COLLÈGE – à l’école du regard, sur des écluses et en centre-ville du Mans.
Hiên Lâm Duc : Kurdistan, vivre sous les arbres
Au nord d’Erbil, dans la vallée de Barzan, dans les alentours de la ville d’Aqra ou encore dans les premiers contreforts des monts Zagros qui sé-
parent l’Irak de l’Iran, tout près du lac de Dukan, la région autonome du Kurdistan irakien a peu à voir avec les autres régions du pays, adminis-
trées par le gouvernement central de Bagdad. La région est montagneuse, et si elle offre une cachette de choix aux forces du PKK, allié de
Bagdad contre l’État Islamique (mais considéré comme une organisation terroriste côté turc), elle façonne aussi le rapport des hommes à la
nature.
Ici, chaque arbre a une histoire et chaque village entretient ses mythes et légendes autour des arbres. Dans chaque village, un arbre sert de
lieux de rencontre. Les branches des barous (les grands chênes kurdes) offrent ainsi cabanes et balançoires aux enfants lorsque les familles se
retrouvent pour pique-niquer ou fêter Newroz (le Nouvel An kurde). Et les anciens se souviennent des noms des bergers qui ont planté ces arbres pour permettre de trouver un peu de fraîcheur sous les feuilles lors des longues journées de travail.
Pourtant, les bombardements et l’abattage illégal mettent en péril les arbres du Kurdistan et les traditions centenaires qui leur sont liées. Depuis 2014, le Kurdistan aurait perdu 20 % de sa végétation.
Hiên Lâm Duc se rend au Kurdistan Irakien depuis maintenant 30 ans pour témoigner des grands bouleversements de la région. Il a ainsi tissé des liens intimes avec les habitants et a pu, au cours de nombreux voyages, documenter le fabuleux rayonnement des arbres du Kurdistan.
Photographe franco-laotien, Hiên Lâm Duc est membre de l’agence VU de 1995 à 2002, puis depuis 2017. Il vit et travaille entre la France et
le Kurdistan. Né en 1966 sur les rives du Mékong à Paksé au Laos, Hiên Lâm Duc suit sa famille en exil après la victoire du Pathet-Lao. De la traversée nocturne du Mékong vers la Thaïlande, aux deux an- nées de camp de réfugiés, en passant par deux évasions, le périple qu’il entame pour rejoindre la
France le marque à jamais. En 1977, date de son arrivée en France, il se tourne vers une carrière artistique et obtient son diplôme des Beaux-Arts
en Expression Plastique.
C’est son ouverture au monde qui teinte son travail photographique d’une sensibilité humaniste. Son engagement se traduit tant dans ses pro-
jets personnels que dans les commandes pour la presse et pour les ONG. Roumanie, Russie, Bosnie, Tchétchénie, Rwanda, Soudan et surtout Irak sont les territoires qu’il couvre. Son témoignage prend sens face aux destructions massives des conflits majeurs de la fin du XXe et du début du XXIe. Engagé en faveur de la protection des ressources naturelles, il documente également l’impact des mutations contemporaines sur les modes de vie le long des fleuves Mékong et Niger.
Depuis la guerre du Golfe, en mars 1991, il est devenu témoin direct de la souffrance de la population irakienne. Un peuple meurtri entre les conséquences dévastatrices de l’embargo international et la terreur imposée par le régime de Saddam Hussein. Au cœur de son objectif : les hôpitaux, les écoles et les marchés dévastés expriment la pénurie et la lassitude des irakiens.
Son travail est remarqué par la presse, les éditeurs et les commissaires d’exposition. Il est notamment lauréat du Prix Leica, du Grand Prix Européen de la Ville de Vevey, de la Bourse Villa Médicis hors les murs et de la Bourse de la fondation Jean-Luc Lagardère. Son corpus de portraits « Gens d’Irak » a remporté le 1er prix du prestigieux Word Press Photo.
Exposition réalisée avec le concours de l’agence Vu.
Bernard Reignier : De l’image au rêve, impressions végétales
Manceau de naissance, Bernard Reignier découvre la photographie au cours de ses études secondaires auprès d’un amateur passionné qui éveille son regard. Au cours de sa carrière de chirurgien orthopédiste, il est quotidiennement confronté à tout ce qui touche à la dynamique et au mouvement.
En août 2006, une rencontre fortuite dans les jardins de Giverny, le conduit à rechercher les moyens de donner plus de vie à l’image. Un mouvement imprimé à l’appareil lors de la prise de vue, qui mime la gestuelle du peintre permet d’obtenir le résultat escompté. Les couleurs se diluent, se concentrent ou se mélangent comme sur la palette du peintre, l’objet s’efface devant la couleur, la transparence remplace l’apparence et c’est la capture d’instants superposés et la lumière qui animent l’image. Ce mouvement préserve toujours un élément net et identifiable qui permet à chacun de se repérer avant de faire appel à son imaginaire pour construire ensuite sa propre vision de l’image.
Les thèmes abordés sont statiques comme la nature ou les objets et d’autres thèmes comportent déjà leur dynamique propre comme la voile, l’équitation, la tauromachie, la chasse à courre, la course automobile. Bernard Reignier se consacre depuis 2007 à cette activité de photographie dynamique qui a fait l’objet de nombreuses expositions et qui est présente sur le site Français Yellow Korner et le site Chinois Moart.
Le photographe cherche habituellement à cristalliser la représentation du sujet à un instant donné. Ici, le mouvement imprimé pendant la prise de vue permet d’exploiter la luminosité de la forme et de créer une infinité d‘images superposées, imbriquées les unes dans les autres, images que notre œil est capable d’analyser pour recomposer ce mouvement qui donne une vie intrinsèque à l’image. Photographier, des racines grecques « photos » et « graphein » veut d’ailleurs bien dire littéralement : « peindre avec la lumière ».
Pour accrocher le regard, un élément structurant de l’image doit rester identifiable. Chacun peut ensuite librement, en fonction de son imaginaire
construire sa propre vision de l’image. Avec le mouvement, le sujet s’efface devant la couleur, la transparence remplace l’apparence, le réel et l’irréel se confondent. Il ne s’agit plus de montrer ou de démontrer par l’image mais avant tout d’obtenir que celle-ci incite au rêve.
Pour prolonger la visite : www.photo-dynamique.fr
Gérard Uféras : Le Sport au Cœur, portraits d’une passion
« Le Sport au Cœur, portraits d’une passion », est un kaléidoscope de portraits de sportifs de tous âges, amateurs ou professionnels, il raconte au quotidien comment le sport peut enrichir une vie et être une fenêtre sur le monde et les autres. Dépassement de soi, respect de l’adversaire, solidarité, esprit d’équipe, goût de l’effort… sont racontés par leurs acteurs : Anissa la boxeuse, Jules le footballeur de huit ans, Thierry le chef étoilé et kendoka, Daniel le président de club de rugby, Malik le yamakasi, Cécile la joueuse de Roller Derby, Gaël aveugle et footballeur, etc… Le photographe Gérard
Uféras est ainsi allé rencontrer huit sportifs de tous âges, de grands champions comme de simples pratiquants, qui nous racontent la passion qui les anime dans une exposition et des films qui mêlent photos et interviews.
Gérard Uféras est né et vit à Paris. À partir de 1984, il entame une collaboration régulière avec le journal Libération, pour lequel il réalise de nombreux reportages et portraits et qui organise sa première exposition. Il participe à la création de l’agence Vu en 1986 et publie régulièrement dans la presse française et internationale.
Parallèlement au photo-journalisme et à son travail de portraitiste, il réalise des campagnes de publicité, travaille dans la communication institutionnelle et réalise des séries de mode sur les coulisses des maisons de haute couture, du croquis au défilé. Il poursuit parallèlement des recherches personnelles qui l’amènent à exposer dans de nombreux pays.
Le corps est son champ d’inspiration. Gérard Uféras en saisit le langage fait de mouvement et de grâce. Porté par sa passion et sensible à celles des autres, aussi Gérard Uféras choisit de travailler sur l’artistique au sens large, le monde de l’art, de la mode et du sport. Toutes ces disciplines ont en commun d’être peuplées de personnes qui, tout comme lui, sont totalement habitées par leur pratique ou leur art.
Passionné par la musique et le théâtre, lauréat du prix « Villa Médicis hors les murs », il entreprend dès 1988 un long périple à travers l’Europe dans les coulisses des théâtres d’Opéra. En 2005 il passe une année entière avec le ballet de l’Opéra national de Paris. En 2011 l’aventure se poursuit, le mythique théâtre du Bolchoï lui confie la réalisation d’une série à l’occasion de sa réouverture, ou encore en 2017 avec le théâtre de la Scala. En 2009, La Maison européenne de la photographie lui consacre une exposition rétrospective, « États de grâce ».
Habitué des musées depuis l’âge de douze ans, il décide alors de se concentrer en 2016 sur ces lieux de culture et entame un travail sur certains musées parisiens et partout dans le monde, travail qu’il poursuit encore actuellement.
Gérard Uféras aime traiter ses sujets en profondeur et envisage la publication dans la presse, l’édition et l’exposition comme un tout servant à l’expression de sa vision intime d’un sujet.
Pour prolonger la visite : gerarduferas.com
Découvrez la série de 19 films-portraits à visionner dans leur intégralité sur le site de Gérard Uféras ou en scannant les QR codes.
Nicolas Tarek Camoisson : Entre Terre et Mer
Le Phare de Cordouan
Au printemps 2021, Nicolas Camoisson réalise une première résidence sur le phare de Cordouan en tant que photographe et calligraphe. Ce phare, classé au Patrimoine Mondial de l’UNESCO en 2021, constitue une passerelle entre les deux mondes qui l’animent : l’Orient et son histoire politique, culturelle et artistique… et la Nouvelle Aquitaine avec le monde de la pêche, les quotas, le réchauffement climatique. Aborder une aventure comme celle-ci, sur un monument majestueux au milieu de la mer à l’embouchure de la Gironde, peut avoir l’aspect d’une retraite, d’un isolement : l’océan, un phare, une lanterne, les bancs de sable, le rythme des marées, l’horizon et encore l’océan… Fasciné par la beauté du lieu, le photographe, suite à de nouvelles résidences au phare, entame la création d’un alguier et herbier en cyanotype poétique qui nous plonge dans un univers caché recensant la biodiversité de l’estran de Cordouan.
En 2023 et au printemps 2024, Nicolas Camoisson poursuivra son travail à l’embouchure de la Gironde aussi bien en apnée qu’en studio. Investi de patience et de minutie, c’est avant tout un travail en harmonie avec la nature, rythmé par les marées, qui a guidé Nicolas.
La lentille de Fresnel
Dans l’histoire du balisage maritime, il existe un avant et un après Augustin Fresnel. Inventeur de la lentille à échelons, inaugurée au phare de Cordouan en 1823, le jeune ingénieur normand fait entrer les phares dans l’ère moderne. Tous les marins vous le diront : en mer, le plus grand danger, c’est la terre. L’adage est particulièrement vrai jusqu’au XIXe siècle. Pour quelques navires qui disparaissent au large, la grande majorité des drames se joue sur la côte. À cette époque, les sociétés de sauvetage en mer n’existent pas encore et la plupart des marins ne savent pas nager. Pour se repérer et contourner les haut-fond, les navigateurs se fient à des points remarquables du paysage, les amers : un clocher, un arbre, une roche, une dune…
Les Phares et Balises
Au fil de ses sorties en mer et des rencontres, Nicolas s’engage dans un travail de fond sur le monde de la pêche dans le Golfe de Gascogne et bien au-delà de nos frontières. Pour être au plus proche, s’informer, s’immerger, il suit une formation pour devenir marin professionnel.
Nicolas Camoisson a accompagné plusieurs sorties d’un équipage du Service des phares et balise sur le baliseur « Le Gascogne ». Ce travail photographique retrace ainsi les grandes lentilles sur les phares du Sud-ouest toujours en activité ainsi que la maintenance actuel des bouées en mer aux côtés des gardiens de phares et des marins.
Photographe et calligraphe, Nicolas T. Camoisson se situe à la croisée des chemins, entre Orient et Occident. Il passe son enfance au Moyen-Orient
où il vit entre la Syrie et le Liban pendant 20 ans. De retour en Occident, après 22 ans passés au Moyen-Orient, il se lance dans l’édition et dans la
réalisation d’expositions.
En 2008, il réalise une œuvre monumentale « Noria Al-Salam » de 16,50 mètres de haut et de 16 tonnes pour l’Exposition internationale de Zaragoza avec les artisans syriens.
L’exposition « Noria, les roues interdites » a été notamment présentée en 2019 aux Rencontres Photographiques des Voies Off d’Arles, à l’Abbaye
de l’Épau au Mans en 2023.
Les conflits en Orient compliquent l’exercice sur le terrain et pousse le photographe à envisager d’autres projets en intégrant toujours l’environne-
ment naturel et l’humain. Les rencontres au gré de précédents ouvrages lui ouvrent les portes d’un monde encore jamais abordé : les mers.
Pour prolonger la visite : nicolascamoisson.com
Thierry Ardouin : Portraits de graines
Sauvages ou cultivées, merveilles de forme et de couleur, les graines possèdent une morphologie à la fois nécessaire et bizarre qui suscite étonnement et contemplation. Symboles de vie, de croissance, de diversité, de culture aussi, les graines racontent la grande histoire des hommes.
Depuis la nuit des temps, elles voyagent emportées par les courants marins, les vents, parfois le feu mais aussi avec l’aide des animaux et des hommes, diffusant l’incroyable diversité du monde végétal. Semences d’arbres, de céréales, de fleurs, de fruits et de légumes circulent à travers le monde, sont acclimatées, accueillies d’un territoire à l’autre : les graines questionnent notre aptitude à imaginer demain.
Choisies, éclairées et cadrées avec le plus grand soin, les graines photographiées par Thierry Ardouin, perturbent notre subjectivité de spectateur : elles deviennent des symboles qui, loin d’une image générique, interrogent notre rapport à l’origine. Issues, pour la plupart des collections du Muséum national d’Histoire naturelle créées en 1820, ces graines sauvages ou cultivées venues du monde entier fascinent par leur beauté formelle : couleurs, textures, contours, apparences, elles captent le regard, interrogent nos perceptions.
Les graines questionnent notre rapport au monde, elles offrent des lignes de fuite, elles bousculent toute vision normée de la société, de la mondia-
lisation, de la nature, de l’esthétique. Elles ont la capacité d’inventer de nouveaux espaces-temps. Au croisement des champs de la biologie, de l’es-
thétique et du politique, elles parlent et reconsidèrent notre rapport au vivant, à la science, au territoire, à la diversité, à la culture et au paysage.
L’ouvrage « Histoires de graines »
Les photographies de Thierry Ardouin présentées ici, sont issues d’un corpus de plus de 250 portraits de graines réuni dans l’ouvrage Histoires de graines, publié à l’Atelier EXB. Sur une idée originale initiée par Xavier Barral, il y a plusieurs années, il est le fruit d’un travail collectif de longue
haleine mêlant la photographie aux sciences. Des textes de Marion Chartier (biologiste), Charlotte Fauve (ingénieure paysagiste), Gilles Clément (paysagiste et botaniste), Serge Bahuchet (ethno-botaniste) et José-Manuel Gonçalvès (directeur du Centquatre, Paris), y racontent la grande épopée
des graines. De l’émergence de l’agriculture, il y a plus de 10 000 ans, aux questions que soulèvent les semences hybrides actuelles, en passant par
la découverte des usages des graines à travers les cultures et les époques, l’ouvrage explore les enjeux de la diversité. De la domestication à la commercialisation, les graines parlent de l’évolution de nos pratiques tant sociales que culturelles.
Co-fondateur du collectif Tendance Floue, le photographe Thierry Ardouin (né en 1961) travaille sur les liens entre l’homme et son environnement. Il privilégie le moyen ou le grand format qui favorisent une attention au temps et à la composition.
En 2004, sa série Nada, une déambulation débutée en Espagne, cherchait les traces laissées par la main de l’homme sur les paysages et la trans-
formation de ceux-ci, parfois accidentelle. Dans Terres paysannes, en 2008, il guettait le geste des agriculteurs, les va-et-vient entre l’outil et la
terre, et le balancement permanent entre nature et culture. Avec ses portraits de graines, série initiée en 2009, le photographe français a photographié
plus de 500 espèces. Il a travaillé sur l’infiniment petit avec un matériel scientifique, à savoir une loupe stéréo macroscopique conçue par Olympus,
qu’il branche, tel un objectif, à son appareil photo. Il s’ensuit un travail long et minutieux de mise au point et d’éclairage pour chacun de ces portraits.
Pour prolonger la visite : thierryardouin.fr
Exposition coconçue par l’Atelier EXB et le Département de la Sarthe pour l’Abbaye Royale de l’Épau, sous le commissariat de Nathalie Chapuis.
Cette exposition a reçu le soutien : du Muséum national d’histoire naturelle, Paris ; des laboratoires PICTO pour les tirages ; d’Olympus pour la réalisation de ces photographies ; et de Félix Fouchet, La Souris, pour leur retouche.
Myrto Papadopoulos : Spirits unseen
L’artiste Myrto Papadopoulos s’est rendue dans les villages isolés de la minorité Pomak, dans la région montagneuse grecque de Thrace pour y
mener un travail photographique documentaire et multimédia au long cours. Son objectif, rencontrer les femmes de la communauté, dont le mode de vie reste très ancré dans ce territoire pour subvenir aux besoins de leurs familles. A l’opposé, les hommes suivent des chemins très différents, leurs fils ou leurs maris sont en effet contraints de migrer vers les grandes villes du nord de l’Europe pour trouver du travail.
Malgré l’héritage patriarcal de la communauté Pomak, les femmes aspirent à étudier, travailler et adopter de nouveaux rôles dépassant les limites imposées par leur société. Le projet multimédia de Papadopoulos, actuellement expos à l’annexe de Pireos du Musée Benaki, a deux objectifs. Premièrement, il analyse les interactions entre les hommes et les femmes, et la manière dont ces dernières tentent de se faire une place. D’autre part, elle nous permet de découvrir l’identité inconnue et complexe de la communauté Pomak. Si tout cela vous intrigue, nous vous invitons également à découvrir le projet de Loukia Alavanou intitulé Oedipus in search of Colonus (Œdipe à la recherche de Colone).
Alors que les structures et les relations familiales de la communauté Pomak évoluent en permanence face à ces contraintes à la fois sociales et économiques, femmes et hommes se voient engagés dans une dynamique d’exploration des enjeux de discrimination aussi bien dans le monde du travail qu’en termes d’éducation.
Le travail « Spirits Unseen » se concentre sur la question du genre, des positionnements et des rôles de chacun.e au sein d’une société où les couples se marient très jeunes mais sont en même temps traversés par une recherche permanente de leur identité parmi les ombres de l’histoire et les codes des traditions.
Dans cette terre mystique, les animaux, les arbres, les symboles, les habitants, l’eau et le sol sont les fondements de processus collectifs ritualisés.
Entre poésie, mythes collectifs et exploration de l’intime, le travail de Myrto Papadopoulos navigue sur une frontière du sensible et du subjectif, sai-
sissant des points de rencontre mouvants entre ces femmes et leur environnement, avant qu’ils ne disparaissent à nouveau. La photographe tisse un récit qui oscille entre l’expérience personnelle et la fable, entre le socle des traditions et le cours insaisissable d’un ruisseau ou le changement des saisons, entre le statut des femmes invisibles et la puissance de leurs rythmes et de leurs sensibilités qui s’exprime aujourd’hui.
La collecte de documents d’archives fait partie intégrante de ce travail, notamment car ils participent à maintenir le lien entre passé et présent.
Alors que ces images semblent surgir d’un territoire lointain, leur présence subsiste comme la trace d’un monde qui continue à façonner le
présent.
La pratique artistique de Myrto Papadopoulos se développe autour de récits qui explorent en profondeur le paysage diversifié du genre « do-
cumentaire ». Elle repousse continuellement les limites traditionnelles du médium, cherchant à développer un nouveau langage visuel intégrant
des outils expérimentaux et d’autres formes de médias.
Originaire d’Athènes, en Grèce, Myrto Papadopoulos a étudié la peinture et la photographie à l’École des Beaux-Arts de l’Université Aristote de Thessalonique. En 2006, elle poursuit des études en photographie documentaire à l’International Center of Photography de New-York et obtient une bourse.
Elle a travaillé régulièrement avec des organisations et des médias internationaux comme, notamment Dior, National Geographic, Smithsonian, le New York Times et Time Magazine.
Ainsi le travail de Myrto Papadopoulos, en explorant une réalité mythique, reconsidère les récits dominants qui peuvent être projetés sur des minorités, tout en cherchant à mettre en lumière la multitude des facettes culturelles, sociales et spirituelles de l’identité Pomak.
Pour prolonger la visite : myrtopapadopoulos.com
Le Sténopé ou la drôle de machine : Redecouvrir la magie du procédé photographique
La silhouette du Sténopé se réinstalle pour qelques semaines dans le parc de l’Épau. Cette structure, à taille humaine, créée par le Boucan des Arts et le collectif Clepsydre, vise, par une expérience immersive, à proposer aux visiteurs de redécouvrir la magie de l’outil photographique et ses origines : « photos – graphein » – « l’écriture avec la lumière ».
Le sténopé est un procédé photographique simple. Il se base sur le principe de la camera obscura. Un tout petit trou, fait à l’aide d’une tête d’aiguille, suffit à laisser entrer la lumière dans une boîte puis de la fixer sur un support photosensible (du papier photographique).
Les élèves de première en Bac Pro Photographie du Lycée de Pruillé-le-Chétif, ont bénéficié d’ateliers de pratique de l’outil stenopé. Au delà des apprentissages techniques, ces ateliers, animés par les créateurs de la Drôle de machine, ont été l’occasion d’un véritable travail de création photographique pour vous accompagner dans la découverte de cet outil à l’Abbaye Royale de l’Épau. Le sténopé appelle un autre rapport au temps, à la lumière et à la matière. Un autre rapport aux choses en quelque sorte, que les élèves ont voulu explorer et partager avec vous par le biais de cette installation.
« Ce qui est vu est toujours vierge car chacun est unique dans sa perception. D’un même objet voyons-nous la même chose ? Évidemment non. Intimement modelés par notre histoire personnelle, nos sens n’expriment que le singulier de notre rapport au monde. L’objectivité du réel
n’existe pas. Oeil rudimentaire doté d’une minuscule pupille, le Sténopé permet d’approcher au plus près ces mystères de la lumière et son ressenti, à fortiori quand il s’agit là de vous inviter à pénétrer à l’intérieur d’un globe oculaire géant qui, privé de cerveau, ne parvient pas à retourner l’image
projetée. »
Programme des installations et toutes les expositions : www.epau.sarthe.fr
Exposition Dans les herbes hautes, jusqu’au 3 novembre 2024 – Le Mans (72)