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« La Grande expédition. Tara, l’art et la science pour révéler l’Océan »

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À travers le regard d’artistes, la Fondation Tara Océan et le CENTQUATRE-PARIS explorent les enjeux environnementaux, sociétaux et poétiques liés à l’Océan, au cœur d’une exposition où les œuvres présentées dévoilent la richesse et la fragilité du plus vaste écosystème sur Terre. Une plongée au cœur des grands défis environnementaux actuels, mettant en lumière l’urgence de préserver l’Océan, essentiel à notre climat et victime de pollutions croissantes. Entre œuvres engagées et éclairages scientifiques, l’exposition interpelle sur notre responsabilité collective face à la crise écologique, et invite à une réflexion puissante sur l’avenir de notre planète.

Cette exposition rétrospective des artistes embarqués à bord de la goélette Tara depuis 20 ans est une occasion unique de mettre en lumière l’Océan, sa biodiversité encore méconnue, son rôle dans la machine climatique et les pollutions qui l’impactent aujourd’hui, par le prisme de l’art. Déclinée autour de quatre grandes thématiques : le vivant, les pollutions, les paysages et le sensible, cette exposition accorde également une place particulière à la découverte des « carnets de voyage » dans toutes leurs formes, précieux témoignages des expéditions Tara. La Grande expédition invite au voyage et à la prise de conscience en mettant en avant les créations – peintures, sculptures, photographies, installations audiovisuelles et sonores… – réalisées dans le cadre de ces résidences.

En contrepoint de ces propositions artistiques, des éléments d’éclairage scientifique viennent prolonger la perception des œuvres, faisant dialoguer la rigueur scientifique de ces expéditions marines à l’imaginaire des artistes.
Après Énergies Désespoirs en 2021, Graines en 2022 ou encore Tracé Bleu en 2024, le CENTQUATRE poursuit avec La Grande expédition sa réflexion autour du défi climatique et son exploration de notre rapport au vivant.

La Grande expédition, CENTQUATRE-PARIS, série « Les larmes de Sirènes », Samuel Bollendorff, installation photographique, 2024 © Quentin Chevrier

Entretien croisé entre José-Manuel Gonçalvès, directeur du CENTQUATRE-PARIS et Myriam Thomas, directrice du Pôle Culture de l’Océan de la Fondation Tara Océan :

Depuis combien de temps des artistes prennentils part aux expéditions sur la goélette Tara et quels sont les processus de sélection pour cette résidence ?

Myriam Thomas : L’idée est née en 2003, date à laquelle Agnès Troublé (dite agnès b.) et son fils Étienne Bourgois acquièrent la goélette Tara avec pour objectif d’en faire un laboratoire scientifique flottant pour étudier et protéger l’Océan. Dès le début, agnès b. manifeste un désir d’inviter des artistes sur le voilier, lors des expéditions scientifiques. En 2005, le premier artiste embarque pour retracer la vie à bord du bateau et pour retranscrire artistiquement cette aventure humaine et scientifique hors-norme.
Concernant leur sélection, nous partageons un appel à résidence avant chaque expédition. Puis un jury attentif et éclairé nomme des lauréats dont les projets font écho aux
thématiques de recherche de la mission. Les temps de résidence peuvent varier en fonction de l’expédition mais généralement, ils n’excèdent pas un mois.

Pourquoi exposer aujourd’hui le résultat de ces diverses résidences d’artistes ?

M. T. : Après 20 années d’aventures, de recherches et de mobilisation pour rendre compte de l’état de santé de l’Océan, il est plus que jamais essentiel de partager avec le plus grand nombre ces nouveaux regards. Le travail des artistes permet de questionner et d’enrichir nos perceptions tout en nous interrogeant collectivement sur le monde de demain.

José-Manuel Gonçalvès : La Fondation Tara Océan a eu 20 ans ! Cette exposition, c’est aussi une manière de la célébrer.

Comment le partenariat entre la Fondation Tara Océan et le CENTQUATREPARIS est-il né ?

J.-M. G. : Pour l’anniversaire de la Fondation Tara Océan, nous souhaitions faire un focus sur son action et notamment sur les artistes qui ont pris part à une des treize expéditions sur la goélette. C’était intéressant pour nous parce qu’il y avait, dans la liste des artistes, quelques noms que nous ne connaissions pas. Le champ de recherche de la Fondation Tara Océan ne nous était pas familier non plus : nous avions beaucoup à découvrir, beaucoup à apprendre et il nous semblait important de porter à la
connaissance du monde de l’art et du public, le travail d’artistes encore peu connus, d’artistes qui collaborent avec des scientifiques ou inversement. C’est une exposition d’art qui intègre un discours scientifique et qui défend une cause à laquelle nous sommes très attachés, celle de la protection de l’environnement et, en particulier, de l’Océan.
Dans la veine des expositions Énergie Désespoirs, un monde à réparer en 2021 ou Graines, l’exposition ! en 2022, La Grande expédition prolonge la volonté du CENTQUATRE de sensibiliser le public aux questions écologiques, à travers le prisme de l’art.

Quatre grandes thématiques – le vivant, les paysages, la pollution et le sensible – se dégagent de l’exposition. Comment avez-vous pensé la présentation des œuvres ?

J.-M. G. : Ces thématiques nous sont apparues comme assez évidentes avec les équipes de la Fondation Tara Océan. Il nous tenait vraiment à cœur de proposer une approche artistique de l’Océan et nous avons construit l’exposition avec cette dualité : couvrir l’ensemble des expéditions de la goélette et montrer les œuvres les plus significatives qui en sont issues. Ces quatre pistes – le vivant, les paysages, la pollution et le sensible – servent de fil rouge sans écraser l’expérience de visite du public.
D’ailleurs, ces orientations ne dominent pas la scénographie de l’exposition, qui reste fluide. Nous avons aussi consacré deux salles aux carnets de voyage des artistes : les éléments exposés sont à la lisière de l’objet d’art et du reportage, ils rendent compte de la vie sur la goélette et de la manière dont les artistes pensent ou produisent les œuvres issues de ces expéditions.

Les œuvres ont-elles été réalisées en mer, pendant la résidence ?

 M. T. : Avant de partir en expédition en mer, beaucoup d’artistes ont une idée très précise de ce qu’ils souhaitent réaliser. Souvent, lorsqu’ils débarquent du bateau, tout a changé et ils ne projettent plus du tout la même chose ! Notre résidence est mouvante, comme le voilier. Et si certains rares artistes produisent in situ, en mer, beaucoup poursuivent l’exploration et leurs travaux une fois revenus à terre.

J.-M. G. : Certaines œuvres vont d’ailleurs être produites pour la première fois à l’occasion de l’exposition. Il faut voir dans quelles conditions travaillent les artistes, les scientifiques et l’équipage sur le voilier ! C’est un huis clos où il peut être difficile d’avoir une activité artistique.

Qu’expriment les œuvres de l’exposition ?

J.-M. G. : Il y a une infinie tendresse dans toutes les œuvres de l’exposition, même celles qui dénoncent l’intervention de l’homme sur le paysage et l’environnement. On ne doit pas toujours passer par la noirceur pour dénoncer la noirceur et les œuvres portent une générosité, un souffle, une beauté simple, émouvante. Cette exposition dévoile par ailleurs la multiplicité et la variété des Expéditions sur la goélette.

M. T. : Les scientifiques qui embarquent avec la Fondation Tara Océan donnent factuellement l’état de santé de l’Océan et le degré de dégradation de l’environnement et du vivant. Les artistes, qu’ils s’adossent ou non à la recherche à bord, explorent et interprètent tous singulièrement cet univers encore méconnu. Ce sont deux mondes qui observent chacun la réalité et convergent vers le même désir : une prise de conscience du rôle vital de l’Océan.

La Grande expédition, CENTQUATRE-PARIS, Fins & Slices, installation, Elsa Guillaume, Céramique, néoprène, rivets, 2016-2022 © Quentin Chevrier

J.-M. G. : On peut associer le rationnel au sensible, à la forme et à la beauté. C’est le cas de l’artiste Elsa Guillaume qui propose une installation formellement très exigeante qui fait osciller le spectateur entre plaisir et répulsion. Nageoires de poissons, ailerons… Ses sculptures sont des morceaux d’animaux qui semblent avoir été démembrés de manière violente mais elles sont lisses, brillantes et émanent d’elles une grande beauté plastique.
Même quand la nature est blessée par l’homme, les artistes parviennent à en faire des œuvres saisissantes et séduisantes.

L’art est-il est un prisme de médiation scientifique ?

La Grande expédition, CENTQUATRE-PARIS, Le ballet du plancton, Christian Sardet et les Macronautes, Vidéo (5 min), 2020 © Quentin Chevrier

J.-M. G. : Les artistes nous aident à comprendre que l’Océan est vivant et qu’il nous rend vivants. Le travail de la médecin biologiste et artiste Lara Tabet en est la preuve : elle propose un atlas, Regnum Marine. C’est un répertoire, un inventaire d’images qu’elle a collectées à différents endroits lors d’une mission entre Pointe-à-Pitre et le Sénégal. Son œuvre fait la cartographie d’espèces planctoniques qu’elle représente selon une écriture photographique qui ressemble à des hiéroglyphes, des signaux.
Avec le travail microscopique de Christian Sardet, on retrouve aussi le plancton, dans toute sa variété et la diversité de ses formes, mais à travers une approche artistique complètement différente. Je pense également aux réflexions du marin, plongeur et artiste Nicolas Floc’h sur La Couleur de l’eau : à partir de la couleur, on peut déterminer la composition biogéochimique des eaux, ainsi que le type de phytoplancton présent.
Les œuvres de Nicolas Floc’h interrogent nos propres représentations, notre perception et nos a priori sur l’Océan. L’art peut être un pont vers les sciences mais pas seulement. Il est une ressource pour changer nos cadres de réflexion, repenser le savoir sur l’Océan et le vivant marin.

Structures productives, récif artificiel, Tateyama, -23m, 2013, Japon © Nicolas Floc’h, ADAGP Paris, 2024

M. T. : Depuis la toute première expédition en 2004, la recherche a beaucoup évolué, de même que les projets des artistes qui interrogent de plus en plus justement nos doutes et nos certitudes.

J.-M. G. : La majorité de ce que l’on sait sur la mer, c’est par la fiction. Ce sont les artistes qui nous apportent une certaine connaissance scientifique, poétique, imaginaire. L’idée de cette exposition est finalement assez simple : c’est que chacun prenne conscience que la planète est constituée majoritairement d’un
Océan, et de ce que cet Océan représente dans nos vies.
Propos reccueillis par Marine Vazzoler, septembre 2024.

La Fondation Tara Océan

C’est la première fondation reconnue d’utilité publique consacrée à l’Océan en France. Depuis 21 ans, elle mène une révolution pour préserver le vivant, convaincue que l’Océan est essentiel à l’équilibre de notre planète. Explorer l’Océan et partager les découvertes scientifiques pour susciter une prise de conscience collective est au cœur
de la mission de la fondation.
La fondation mène des expéditions scientifiques, en partenariat avec des laboratoires de recherche d’excellence, pour étudier la biodiversité marine ainsi qu’observer et anticiper les impacts du changement climatique et des pollutions. Elle sensibilise les citoyens, des jeunes générations aux décideurs politiques. Grâce à son statut d’Observateur Spécial à l’ONU, la fondation participe activement à la gouvernance internationale de l’Océan.
La Fondation Tara Océan c’est aussi un lieu de résidence artistique et d’aventures en mer. À bord de la goélette Tara, des artistes observent et réécrivent, selon leur sensibilité et leur imagination, la richesse de l’Océan, source inépuisable d’inspiration. Ce sont 700 scientifiques du monde entier, 100 marins, 50 artistes et 30 correspondants de bord qui ont parcouru l’Océan à bord du laboratoire flottant.

Exposition « La Grande expédition. Tara, l’art et la science pour révéler l’Océan » du 16 novembre 2024 au 02 mars 2025 au CENTQUATRE-PARIS, 5 rue Curial – 75019 Paris
www.104.fr

Photo d’en-tête : La Grande expédition, CENTQUATRE-PARIS, Un monde sculptural et translucide, Cécile Fouillade – Siqou, Sculptures en porcelaine, 2024 © Quentin Chevrier

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patricia.fetnan@gmail.com
1 mois

Merci pour ce bel article sur «  Le geste et la parole » et donc la pensée de ces poètes- marins. Merci aux navigateurs, dans leurs gestes et leurs paroles. Ensemble, dans la Cité, lors du partage de leur Chant du Monde, ils fabriquent un Nouveau- Monde, un  Nôtre Monde. Une Terre des hommes, pour et avec l’Homme . «  Le partage du sensible » de J. Rancière

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