L’artiste Miguel Chevalier – pionnier de l’art numérique – investit Beaugrenelle Paris avec une installation monumentale inédite, « Orbites 2019 », œuvre innovante sur la lumière et le temps. Pensée spécialement pour le lieu, l’œuvre montre comment l’usage artistique des technologies et de l’intelligence artificielle permet d’engendrer une création inédite, en perpétuel mouvement, telle un écho à l’activité ininterrompue et foisonnante de Beaugrenelle.
Le centre Beaugrenelle est une architecture novatrice, structure élancée et lumineuse dessinée par les architectes Valode & Pistre, offrant de sublimer les œuvres exposées au titre des différentes commandes artistiques régulièrement passées à de grandes figures de l’art.
Après plusieurs expositions à succès l’artiste Miguel Chevalier- pionnier de l’art numérique – investit Beaugrenelle Paris avec une installation monumentale inédite, Orbites 2019, réalisée sous le commissariat de Jérôme Neutres, en partenariat avec Burö Constance Breton.
Dès les années 1980, Miguel Chevalier a été parmi les tout premiers artistes à s’emparer de l’ordinateur comme d’une nouvelle palette pour créer des peintures et des sculptures de l’ère digitale. Soucieux d’offrir des expériences novatrices, Beaugrenelle partage avec cette recherche artistique, le désir de présenter de nouvelles formes, adaptées à notre nouveau monde.
Orbites 2019 propose aux visiteurs de pénétrer un univers artistique novateur composé d’œuvres animées par des jeux de lumières infinis qui leur confèrent un caractère unique.
Orbites 2019 : nouvelles formes pour un nouveau monde
Spécialement pensée pour le centre commercial Beaugrenelle, Orbites 2019 est une œuvre innovante sur la lumière et le temps. La pièce centrale, une imposante sculpture composée de 7000 LEDS pilotées par un logiciel auto-génératif, prend place sur 14 mètres de haut au cœur de l’atrium. Les anneaux qui la structurent ont été imaginés pour entrer en résonance avec les ellipses des différents niveaux de l’atrium, ainsi que de la verrière, dont les reflets évoluent sans cesse au gré de la lumière extérieure. Cette rencontre avec la lumière digitale aux millions de variations de Miguel Chevalier laisse découvrir une œuvre évolutive et vivante. L’artiste propose avec cette sculpture –sa première œuvre monumentale utilisant des LEDS– une manière différente de vivre l’art et de lui faire animer un espace.
Miguel Chevalier crée des œuvres auto-génératives qui révolutionnent le temps et l’espace d’une œuvre d’art ; elle n’est ainsi jamais complètement la même, telles les journées de Beaugrenelle qui se ressemblent sans jamais se répéter. Rendant hommage avec Orbites 2019 à la fois aux mobiles de Calder et aux artistes cinétiques, Miguel Chevalier offre ici un spectacle de flux de lumières colorés embrassant toutes les couleurs du cercle chromatique, évoluant en permanence, circulant d’un anneau à l’autre, se croisant, s’égarant en de multiples chemins aléatoires.
Une œuvre qui illustre à merveille le dogme du père de l’art robotique, Nicolas Schöffer : « La vie n’est pas répétitive ».
Dans un deuxième espace de Beaugrenelle, Miguel Chevalier complètera son installation Orbites 2019 par une grande « table interactive » sur laquelle les visiteurs sont invités à participer à la déstructuration d’un tableau digital en passant leurs mains sur la surface. Grâce à cette technique, Miguel Chevalier ajoute au processus génératif une dimension participative et, plus que jamais, comme disait déjà il y a cent ans Marcel Duchamp, « ce sont les regardeurs qui font le tableau ».
Cinq questions à Miguel Chevalier
Par le Commissaire d’exposition Jérôme Neutres.
J.N. : Orbites 2019 est une réponse à une commande spéciale de Beaugrenelle dans la série de ses invitations d’artistes : qu’est-ce qui vous a motivé dans cette commande ?
M.C. : Ce qui m’a motivé dans cette commande, c’est le défi de créer une œuvre à l’échelle de l’atrium, en dialogue avec l’architecture. Devant être visible aussi bien de jour que de nuit, j’ai vu l’opportunité de poursuivre mes recherches sur la technologie des leds que j’utilise, afin de créer pour la première fois une œuvre tridimensionnelle monumentale.
J.N. : dans cette exposition Orbites 2019, vous présentez deux œuvres ; une sculpture lumineuse géante suspendue dans l’atrium et « La Table des Convivialités » au niveau -1. Qu’avez-vous souhaité montrer à travers ces deux installations originales inédites dans votre travail ?
M.C. : Ces deux installations sont complémentaires. Orbites 2019 est une œuvre en dynamique qui s’impose par sa taille. Cette sculpture-installation se compose de 9 anneaux lumineux de 1,50 à 3 mètres, fixés les uns aux autres en cascade. Différentes chorégraphies lumineuses colorées sont générées en temps réel donnant vie à ces 9 anneaux. La lumière court sur la forme circulaire, transformant sans cesse son volume, grâce à un logiciel écrit par Claude Micheli.
« La Table des Convivialités » est une œuvre de plus petit format. C’est une installation numérique générative et interactive qui mêle réel et virtuel (logiciels : Cyrille Henry / Antoine Villeret). Le plateau de bois d’une table de 5 x 3,50 mètres devient le support d’un univers virtuel projeté qui évolue en temps réel.
Pixels, réseaux de lignes, maillages, courbes en couleur ou noir et blanc interagissent avec les visiteurs qui caressent la table de leurs mains. Leurs mouvements désorganisent l’ordre apparent des différentes trames superposées. Le côté ludique et interactif de cette installation en fait son originalité.
J.N. : Vous êtes l’un des pionniers de l’art dit numérique. Rappelez-nous, en quelques mots, comment vous est venue cette vocation d’explorer un nouveau medium de l’art dans les années 1980.
M.C. : Fin des années 70, lors de mes études aux Beaux-Arts de Paris, je m’intéressais à différents artistes qui ont marqué les années 60 et 70, comme Yves Klein et Lucio Fontana qui constituaient pour moi deux formes d’absolu pictural. Je m’intéressais également aux rayogrammes de Man Ray qui a montré que la photographie était un medium artistique en soi, tout comme la vidéo avec l’œuvre du Sud-Coréen Nam June Paik. Je ne voyais pas comment aller au-delà de tous ces avant-gardes, de toutes ces « déconstructions » et négations du champ de l’art et de la peinture.
Au début des années 1980, l’informatique était de plus en plus présente dans les médias et l’on commençait à parler de la société de l’information. C’est ce territoire encore vierge, non exploré par la création artistique contemporaine, que j’ai souhaité approfondir. À cette époque il n’existait pas d’enseignement en école d’art de l’outil informatique. Seuls les laboratoires scientifiques ou les chaînes de télévision avaient accès à ces outils informatiques. Il était quasiment impossible d’avoir accès à des ordinateurs pour créer des œuvres artistiques. L’informatique grand public n’existait tout simplement pas. Je ne pouvais réaliser que des œuvres fixes ou animées en 2D sur des supports photographiques ou enregistrer mon travail sur des bandes magnétiques. L’apparition de la micro-informatique à la fin des années 1980 m’a permis petit à petit de disposer chez moi de mon propre matériel et de créer ainsi de manière autonome des programmes simples. En dépit de ce caractère artisanal et rudimentaire, les possibilités de l’outil informatique me semblaient illimitées. Les logiciels fournissaient déjà un fabuleux catalogue de formes et de couleurs à partir duquel je pouvais travailler la variation d’images. C’est ce qui a nourri et orienté toutes mes recherches jusqu’à aujourd’hui…
J.N. : Orbites 2019 est une œuvre dans un espace public comme vous aimez en réaliser. Qu’est-ce qui différencie une œuvre ouverte à tous les publics d’une pièce dans un musée ou une collection privée ? Les concevez-vous dans le même esprit ?
M.C. : Mes installations dans des espaces patrimoniaux, musées ou espaces publics, sont pensées et s’adaptent en fonction du lieu où elles sont présentées, en fonction du contexte local. Avec mes installations d’art numérique, je donne une nouvelle lecture du lieu et j’essaye d’instaurer un dialogue avec l’architecture.
Ce qui différencie l’espace public du musée, c’est le changement d’échelle. Il y a un vrai enjeu à sortir du petit écran pour passer sur une échelle monumentale. Ce qui est intéressant, c’est d’introduire l’art là où on ne l’attend pas et de le rendre visible à des personnes qui ne vont peut-être pas dans les musées. L’œuvre permet également d’introduire de la poésie dans l’espace public et aux usagers de se réapproprier cet espace où les gens ne font habituellement que passer. L’œuvre devient un lieu de rendez-vous, un espace de convivialité.
J.N. : Le projet artistique que vous rêvez un jour de réaliser ?
M.C. : J’ai développé à plusieurs reprises des installations multisensorielles, telles que l’œuvre « Fractal Flower in vitro » présentée au Musée de la Chasse et de la Nature à Paris en 2009. Pour cette dernière, j’ai invité le compositeur Jacopo Baboni Schilingi à créer une musique générative spécifique et le nez Annick Menardo à imaginer un univers olfactif en relation avec mes jardins virtuels. L’installation « In-Out – Paradis Artificiels » présentée au Domaine de Chaumont-sur-Loire en 2017 constituait un espace totalement immersif avec une projection à 360° et un univers musical créé par Jacopo Baboni Schilingi.
Enfin, en 2012, j’ai réalisé aux Carrières de Lumières aux Baux-de-Provence une installation immersive hors norme, projetée sur 7 000 m2 avec 70 vidéo-projecteurs. Cette installation était de nature à créer des sensations corporelles inédites et propices à une immersion totale mêlant image et son.
Le projet que je rêve de réaliser poursuit ces différentes expériences. Ce serait une œuvre d’art totale, une installation multisensorielle monumentale dans un grand espace naturel du type grotte ou ancienne carrière fermée. Cette création pérenne qui s’intitulerait « Du Pariétal au Digital » introduirait un pont inédit de ces deux formes d’art que tout semble opposer.
Ce serait une sorte de caverne de Platon, où tous les sens du visiteur seraient sollicités (visuel, auditif, olfactif, tactile via l’interactivité). Tel est l’objectif ambitieux que je rêverais de mettre en place avec Yves Coppens.
Miguel Chevalier est né à Mexico en 1959. Il vit et travaille à Paris. Il a été diplômé de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris en 1981 et de l’École Nationale Supérieure des Arts décoratifs de Paris section design en 1983. Il a reçu la bourse Lavoisier pour le Pratt Institute à New York en 1984 et a été lauréat de la villa Kujoyama à Kyoto au Japon en 1994.
Depuis 1978, Miguel Chevalier utilise l’informatique comme moyen d’expression dans le champ des arts plastiques. Il s’est imposé internationalement comme l’un des pionniers de l’art virtuel et du numérique.
Son travail, expérimental et pluridisciplinaire, aborde la question de l’immatérialité dans l’art, ainsi que les logiques induites par l’ordinateur, telles que l’hybridation, la générativité, l’interactivité, la mise en réseau. Il développe différentes thématiques, telles que la relation entre nature et artifice, l’observation des flux et des réseaux qui organisent nos sociétés contemporaines, l’imaginaire de l’architecture et des villes virtuelles, la transposition de motifs issus de l’art islamique dans le monde numérique. Les images qu’ils nous livrent interrogent perpétuellement notre relation au monde.
Ses œuvres se présentent le plus souvent sous forme de grandes installations numériques projetées à grande échelle. Il réalise des œuvres in-situ qui revisitent par l’art numérique, l’histoire et l’architecture des lieux, en donnant une nouvelle lecture. Il réalise également des sculptures grâce aux techniques d’impression 3D ou de découpe laser qui matérialisent ses univers virtuels.
Miguel Chevalier réalise de nombreuses expositions dans des musées, centres d’art et galeries dans le monde entier. Il réalise également des projets dans l’espace public et architectural.
Le travail de Miguel Chevalier poursuit un constant dialogue avec l’histoire de l’art, dans une continuité et une métamorphose de vocabulaire, pour explorer et expérimenter un nouveau langage pictural.
Exposition Orbites 2019 de Miguel Chevalier – Beaugrenelle Paris, 12 rue Linois, 75015 Paris /Atrium Magnetic. Jusqu’au 7 novembre (10h – 20h30 du lundi au samedi)