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Les algorithmes sur les chemins de la création

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Nous avions relaté cette mutation généralisée de notre relation aux machines en consacrant un Grand format au Règne d’Algorithme. Jusqu’ici cantonné au traitement des données massives, les big data, ou à la surveillance et au renseignement, l’algorithme pénètre désormais sans complexe dans le domaine de la création artistique. Algorithme peintre, écrivain, auteur de scénario, critique littéraire… un étrange mouvement apparaît, comme un signal faible, indicateur de ce vers quoi pourraient se diriger nos sociétés.
 
Un groupe d’universitaires comprenant des analystes de données et des chercheurs de l’Université Queen à Belfast, s’est donné pour mission de craquer les mécanismes secrets d’un des auteurs les plus lus au monde, inspiratrice de plusieurs générations de romanciers et scénaristes de thrillers et polars : Agatha Christie. Oui, la reine du crime, des intrigues à rebondissement et des meurtres que seul Hercule Poirot sait élucider, voit ses secrets de fabrication mis à jour !  
 
 
 
Désormais muni de cet algorithme, non seulement vous ne verrez plus les intrigues des romans d’Agatha Christie du même œil mais vous pourrez essayer d’appliquer la recette pour créer vos propres romans ou les produire automatiquement par une machine suffisamment habile pour générer de nouveaux Dix petits nègres ou  une suite à Mort sur le Nil.
 
Des Picasso et des Van Gogh automatiques
 
Si un algorithme est en passe de rédiger des romans policiers, qu’en est-il d’un autre domaine artistique comme la peinture ? Nous le disions en préambule, les algorithmes n’ont aucun complexe. En voici pour preuve cette information du Washington Post sur des chercheurs allemands qui se disent capables de réaliser un Picasso ou un Van Gogh en moins d’une heure ! Les chercheurs expliquent, dans l’article qui a révélé leurs travaux, avoir recours au «Deep Neural Network»: «Le système utilise des représentations neuronales pour séparer et recombiner le contenu et le style d’images arbitraires, fournissant un algorithme neuronal pouvant créer des images artistiques
 
 
Leur algorithme est ainsi capable, à partir d’une simple photo, de la recomposer dans le style des plus grands peintres (Van Gogh, Braque, Picasso, Kandinsky, …) et de produire ainsi des toiles qui ne sont plus des coies mais de nouvelles inspirations.
 
 
 
Les chercheurs situent leurs découvertes dans le processus de réflexion des ordinateurs et leur capacité à copier le fonctionnement du cerveau humain. Ces innovations permettant de catégoriser et d’analyser des données visuelles sont certes utiles pour comprendre comment notre propre cerveau interprète le monde qui nous entoure. Il n’en demeure pas moins que ces algorithmes s’engagent gaillardement sur le chemin de la copie de son fonctionnement. Jusqu’à quand la créativité restera-t-elle une dimension exclusivement humaine ?
 
Dans le même ordre d’idées, on sait que Google entend, dans de nombreux domaines, bousculer les frontières. Avec son projet Deep Dream, le géant du net entend alimenter ses algorithmes des milliards d’images qui traversent chaque jour ses neurones virtuels pour générer de l’art.
 
Image créée avec le générateur Deep Dream de Google
 
Julien Jego de Libération a observé attentivement ces étranges créations : « Parfois étonnantes, souvent étranges, elles ne brillent pas par leur originalité, empilant bien souvent des têtes d’animaux fantasmagoriques sur des photos de famille ou des selfies de vacances. Pourtant les images produites par Google lui-même, plus travaillées, retiennent l’œil. Répétitions aléatoires de formes et d’objets aux couleurs criardes et hallucinées, on croit à s’y méprendre que l’algorithme a pris le pas sur son créateur. »
C’est ce que suggèrent les propos recueillis par Le Monde auprès des ingénieurs de Google qui travaillent sur ce projet : « Ça nous fait aussi nous demander si les réseaux de neurones pourraient devenir un outil pour les artistes – une nouvelle manière de remixer des concepts visuels – ou peut-être même apporter un petit éclairage sur les racines du processus créatif en général.»
 
L’algorithme critique littéraire
 
C’est en France que s’est développée depuis 2014 une expérimentation de lecture automatique de textes littéraires. Un programme de recherche a été initié par un éditeur (Short Editions) avec trois laboratoires spécialisés en intelligence artificielle : le LIMSI adossé à l’Université Paris Sud (Orsay), le LIRIS adossé à l’Université Lyon I et le LIG adossé à l’INRIA et au CNRS. Objectif ? Evaluer automatiquement les œuvres littéraires proposées aux éditeurs ; en bref, de la critique littéraire algorithmique.
Quentin Peplé, coordinateur du projet, interrogé par ActuaLitté, affirme que la machine « sera en mesure de classer, selon des critères découlant des modes de notation du Comité éditorial, dans des genres littéraires, ou de mesurer le degré d’émotion qui se dégage – en mesurant les indicateurs liés à la joie, la peur, le plaisir, etc. » Le programme fonctionne sur les concepts du Machine learning et ingurgite des bases considérables de textes littéraires pour progressivement en saisir les subtilités.
Certes, les protagonistes du projet promettent la main sur le cœur que « la machine » ne dictera jamais leurs choix éditoriaux, mais le risque de lissage et d’uniformisation est néanmoins bien présent.
Un algorithme critique donc, mais pourrait-il aussi aussi écrire des textes ? C’est ce que l’on entrevoit avec les premières expérimentations de rédaction robotisée d’articles de presse.
 
 
Des articles de presse écrits par des robots
 
C’était l’année dernière et l’information avait fait du bruit dans les salles de rédaction du monde entier. En effet, pour la première fois, une grande agence de presse (Associated Press) annonçait avoir formaté une armée de robots pour qu’ils soient capables  d’écrire automatiquement des articles.  Les algorithmes d’Automated Insights, société dont AP est actionnaire, sont conçus pour rechercher automatiquement des informations dans la banque de données Zacks Investment Research et produisent ensuite un texte court présentant les chiffres-clés étudiés. Un colloque avait même été organisé sur ce phénomène (voir dans l’article de UP’ Magazine).
Le Figaro précise aussi que l’agence AP souhaite ainsi faire décoller sa productivité, en passant de 300 textes à 4400 publications par mois, mais aussi dédier ses journalistes à des tâches plus gratifiantes, comme les enquêtes et les analyses de fond. Ouf, les robots sont encore cantonnés aux tâches subalternes. Les journalistes ont encore un peu d’espoir sur la pérennité de leur métier. Peut-être plus pour très longtemps car, si l’on en croit Wired, certains parient sérieusement que d’ici une dizaine d’années, le Prix Pulitzer pourrait être attribué à un robot.
 
Ah, au fait, l’article que vous êtes en train de lire a bien été écrit par un humain. Promis, juré !

 
 

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