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Déconfinement de la culture : entre flou, omerta, injonction et manque de courage

TRIBUNE LIBRE

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Mais que s’est-il passé pour que le 22 juin, jour de réouverture des lieux culturels à Paris (devenu zone verte depuis le 15 juin), il y ait si peu de spectacles, presque pas de chanson ? Plus étonnant encore, il est en de même pour la première partie du mois de juillet.

C’est surprenant quand on sait que Paris est la capitale culturelle du monde, loin devant Londres et New York. Le Prodiss, le syndicat national des producteurs et diffuseurs de spectacles vivants milite pour une fermeture des lieux culturels le plus longtemps possible (évoquant parfois novembre 2020) du moment que les structures bénéficient d’un dispositif d’aides. On croit rêver.

Rarement une partie des représentants du monde des arts aura si peu représenté les artistes. Heureusement le Prodiss qui se vantait d’être pris au sérieux par Bercy n’a pas été entendu. Ni par Bercy, ni par le premier ministre qui décrétait une réouverture des lieux culturels dès le 22 juin (avec certes dans un premier temps des conditions sanitaires précises). Le signal envoyé par le gouvernement était clair : « Ouvrez vos salles le plus tôt possible car nous ne pourrons pas vous aider (autant que vous l’espérez) ». Un signal envoyé à 14h, le 12 juin, pour que les professionnels de la culture ne pleurnichent pas en disant qu’ils ont été pris de court, qu’ils n’ont pas eu le temps de se préparer et qu’il leur faudrait des aides pour la transition.

Arrêtons-nous un moment : tout au long du confinement, des restaurateurs qui ne faisaient pas de livraisons se rendaient régulièrement dans leurs lieux de travail pour nettoyer, astiquer, balayer, etc. Pareil pour les coiffeurs, les opticiens, les brocanteurs, la liste est longue d’entrepreneurs qui n’ont pas baissé les bras malgré les montagnes de soucis financiers et qui ont préparé l’après-confinement. Les syndicats de la restauration ont pesé de tout leur poids pour ouvrir le plus tôt possible et sans les quatre mètres de distance. C’est finalement eux qui ont donné le ‘la’ : que la vie devait reprendre et en finir avec la paranoïa. Non, ce n’est pas parce que vous avez le coronavirus le vendredi que vous mourrez le lundi. L’attitude d’un Jérôme Salomon n’a pas arrangé les choses : dire d’un côté que la plupart des gens guérissent et donner le nombre de morts chaque jour était faire preuve d’inconscience, soyons francs.

Pourquoi les directions de théâtres n’ont pas dans la plupart des cas préparé l’après-confinement ? Pourquoi tout un milieu a décrété que les choses allaient reprendre en septembre ? Qui a décidé cela ? Dans quel but ? Et pourquoi septembre serait le bon moment ?

Et c’est là que nous entrons dans la partie la plus sombre, la plus trouble du milieu culturel parisien, voire hexagonal. Où des salles qui reçoivent des subventions se sont crues habilitées à jouer les « bons élèves » en repoussant des concerts jusqu’en mars 2021, histoire d’être sûres d’obtenir de nouvelles subventions l’année prochaine. 

Passe encore que certains théâtres à la configuration particulière ne puissent pas ouvrir dans les meilleures conditions, même dans une phase de transition et préfèrent rester fermés plutôt que de perdre de l’argent. Mais le milieu du spectacle est hétérogène et toutes les salles ne fonctionnent pas de la même façon. Or on s’aperçoit que même des lieux emblématiques comme le Forum Léo Ferré restent fermés.

Les professionnels évoquent souvent la saisonnalité artistique pour justifier l’ouverture en septembre. Quel sens peut avoir la saisonnalité en 2020 quand 40 % des français ne partent pas en vacances ? Quand le rapport au travail et au temps libre change incontestablement.  Alors ils évoquent la peur des gens. Certes, beaucoup de gens ne sont pas encore à l’aise à l’idée d’aller dans des lieux fermés. Mais voilà, d’autres ne demandent que ça. On ne voit pas pourquoi les uns devraient subir la peur des autres.

Nous pourrions lister autant d’incohérences dans l’attitude des salles, des tourneurs, des programmateurs mais aussi d’une partie des artistes : certains en temps normal, prompts à crier tout juste « Macron démission » se sont comportés de façon très docile… comme une grande partie des Gilets jaunes d’ailleurs ; la peur de la mort, que voulez-vous …

Dans le fond, cette frilosité du milieu culturel qui ressemble à de l’autocensure résulte d’un manque de courage. Tout simplement. C’est ce qui arrive quand l’art est géré comme une entreprise d’État, avec formulaires à remplir, etc. Où programmateurs, directeurs et autres metteurs en scènes courent après l’onction du gouvernement.

Là, étrangement, le gouvernement n’a jamais dit, formulé, décrété que la culture devrait reprendre en septembre. Le ministère de la santé, le lendemain du discours du premier ministre le 28 mai, rappelait aux professionnels qui voulaient reprendre : un siège sur deux pour les spectateurs seuls, familles/ groupes/couples côte à côte. Masque obligatoire dans les petites salles. Si ce n’est pas la solution du siècle, il s’agit cependant d’un compromis correct adapté à une phase de transition, sachant également que ces conditions risquent d’être assouplies encore plus vite d’ici deux, trois semaines. Et malgré cela, des professionnels du spectacles proclament à qui veut l’entendre que le gouvernement entretient le flou. Pourquoi ?

En attendant, le Théâtre de l’Ouest à Rouen a réouvert avec succès ses portes. Pareil pour la Laiterie à Strasbourg (momentanément), l’Appart-Café à Bourg-les-Valence. Sur Paris, la Comédie Nation (avec Arnau D et Jassa, reprises fédératrices), la Comédie Oberbkampf, la Comédie du 11ème, l’Atelier du Verbe (avec Jann Halexander, complet, date supplémentaire le 29 juin, chanson), le Bourvil et le Sunside ouvrent dès le 22 juin. Ils se comptent sur doigt de la main et on leur dit : respect !

Philippe Torreton – Photo Wikipédia

« Si je dois courir un petit risque pour assumer ma mission de comédien face au public, laissez-moi le courir ce putain de risque. » : Les mots de l’acteur Philippe Torreton à France Info sont forts, justes, importants. L’art n’est pas un passe-temps de bourgeois pour bourgeois. Et nous sommes d’accords avec lui quand il dit que le festival d’Avignon aurait pu être maintenu. De nombreux festivals auraient pu être maintenus – si le Parc Astérix et le Puy du Fou peuvent réouvrir.

La peur, la peur, la peur, … elle est terrible cette peur qui aura fait de nos concitoyens parfois des morts-vivants, parfois des délateurs et t trop souvent des entravants. A noter que Philippe Torreton donne lui aussi le ‘la’ en jouant à la salle Jacques Brel de Fontenay-sous-Bois dans ‘Nous y voilà’. Merci à lui et à la salle évidemment.

Ci-dessous retrouvez nos liens, dont le travail de fond remarquable du média chanson Nos Enchanteurs (une référence) qui liste l’ensemble des concerts qui reprennent. C’est un travail d’utilité publique.

Avec le manque de courage généralisé – et nous assumons ce terme -, le monde culturel français qui a souvent suscité respect, envie, admiration, jalousie, donne un très mauvais signal au reste du monde culturel. Pour des artistes africains, russes, chinois… qui se débattent pour faire vivre leur art dans des conditions difficilement imaginables et cela depuis déjà trop longtemps (guerres, maladies, économies en souffrances, corruption, dictature …), c’est simple : la culture n’est plus un Phare.

Luc Melmont, Rédacteur en chef de ‘Culture et Chanson’ et de ‘Noirs et Métis de la Chanson’
L’original de cet article a été publié sur le site Culture et chanson – Avec nos remerciements à l’auteur.

Photo d’en-tête : La Cour d’Honneur du Palais des Papes Festival d’Avignon – Photo Wikipedia

Sources :

http://www.nosenchanteurs.eu/index.php/2020/05/30/deconfinement-vraiment/?fbclid=IwAR13ZQ-1eN0T84FDNa8jm-FsAvfVbQSrQ0aFQNKiNZaqGybwsOoLAOJASgA

https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/grand-entretien-philippe-torreton-comedien-sur-la-crise-du-coronavirus-il-faut-ouvrir-les-theatres-les-cinemas-les-salles-de-spectacle_3991757.html?fbclid=IwAR1IXavfyFWMTll57xjqVw_iMuXzQ-VgcC9ztzJb7jeMCStSXk1ce5971yQ#xtor=EPR-51-[grand-entretien-philippe-torreton-comedien-sur-la-crise-du-coronavirus-il-faut-ouvrir-les-theatres-les-cinemas-les-salles-de-spectacle_3991757]-20200611-[bouton]

http://francophonia.canalblog.com/archives/2020/06/03/38344279.html

http://www.comedienation.fr/content/radio-days

https://www.billetreduc.com/

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yeched@gmail.com
3 années

Théâtre+Cinéma Narbonne et Théâtre Molière de Sète comme d’autres ont rouverts partiellement aussi, notamment pour permettre aux compagnies de reprendre leur travail de création.. et aux spectateurs de les découvrir..Plus qu’une question de courage qui fait partie du quotidien du secteur même hors crise, pas simple surtout de savoir quoi faire pour ces maisons quand autant d’informations souvent contradictoires sont données.

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