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Les femmes à la manœuvre

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Dans notre monde post-viral, les grandes questions concernant l’environnement, l’éducation, et les relations internationales se posent. L’UNESCO a invité des penseuses renommées, spécialistes de domaines allant de la climatologie aux relations internationales en passant par la physique ou les études africaines, à exprimer leur vision des défis et des opportunités à venir après la pandémie de COVID-19. Un moment-clé pour un tour d’horizon du rôle des femmes dans le monde à l’occasion de cette crise sanitaire. Et une première quand on sait les prises de position et de pouvoir des hommes dans les sphères publique et politique…

Pour Audrey Azoulay, Directrice générale de l’UNESCO, « La crise pandémique du COVID-19 ébranle les sociétés ; elle bouscule aussi les évidences. Alors même que la pandémie est encore en cours, et que nul ne sait comment elle se terminera, il est urgent de prendre le temps de penser. La pandémie n’est pas seulement un objet inédit qu’il s’agit de penser : elle réaffirme surtout la nécessité de penser le monde dont elle est un révélateur. C’est à cela que l’UNESCO, en tant que laboratoire mondial des idées, contribue. Ce laboratoire d’idées n’est ni un cercle fermé ni une tour d’ivoire. Au contraire ! Il s’agit de contribuer à l’intelligence collective d’un monde en mutation. Toutes les activités s’ouvriront aux nouvelles idées et aux nouvelles voix. Surtout, l’UNESCO s’ouvrira aux activités qu’elle n’avait pas imaginées, aux idées qu’elle n’avait pas pensées. »

Six premiers brefs documents vidéo sont mis en ligne aujourd’hui, apportant un point de vue féminin aux grandes questions actuelles concernant l’environnement, l’éducation, et les relations internationales. L’UNESCO a choisi de mettre l’accent sur des points de vue féminins dans ces premières interventions, alors que dans de trop nombreux pays les réflexions concernant les sujets brûlants demeurent dominées trop souvent par des voix masculines.

Rappelons-nous ! Simone de Beauvoir affirmait, dès 1949, dans Le deuxième sexe, la nécessité de ne pas réduire la hiérarchie des sexes à un destin figé autour de données biologiques car « elles n’expliquent pas pourquoi la femme est l’Autre ; elles ne la condamnent pas à conserver à jamais ce rôle subordonné » (2001 [1949], p. 71).
Jean Vogel, en 1998 (1), a bien démontré qu’au « cours de l’histoire, le pouvoir a toujours été détenu par les hommes, dans la famille (sphère domestique), dans la société civile (sphère sociale), comme dans l’État (sphère politique) ».

Le monde tourne … et change

Lors des élections législatives de 2017, l’Assemblée nationale comprenait 38,7% de députées femmes (224 sur 577), ce qui est un énorme progrès si l’on compare à 1944 où elles n‘étaient que … 33 sur une assemblée de 586, soir 5,6 % des élus (2).

Selon une belle histoire racontée sur le blog de Mediapart par Jacqueline Derens, il paraît que les femmes au pouvoir ont mieux géré la pandémie que les hommes : « Plongée dans les statistiques morbides, atterrée par les prévisions économiques catastrophiques, révoltée par les inégalités sociales face à la pandémie, indignée par le mépris avec lequel est traité le corps médical, alors que son dévouement jusqu’à l’épuisement m’émerveille, je ne peux qu’enrager devant tous ces hommes qui déblatèrent et inondent de leurs inepties et contradictions médias et réseaux sociaux. De l’homme politique menteur, à l’homme de sciences jouant au gourou, je ne sais lequel a le plus suscité ma colère. » Ainsi, pour le Pr Marwala, vice-chancelier de l’Université de Johannesburg, « si l’on veut sérieusement réfléchir à l’après Covid-19, éviter les erreurs qui nous ont conduit où nous en sommes, entrer dans une ère vraiment nouvelle et moderne, il faudra utiliser toutes les compétences et ne pas laisser sur le chemin la moitié de l’humanité où se trouvent les plus compétentes des sorcières»

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Dans un article du magazine économique américain Forbes du 13 avril 2020, la question est posée : « Qu’ont en commun les pays qui gère le mieux la crise du coronavirus ? » Réponse : « Ils sont dirigés par des femmes« .

Des femmes à la manœuvre contre la pandémie

Pour exemple, l’Islande anticipatrice et volontariste sous la houlette de Katrín Jakobsdóttir : sur une population de 365 000 personnes, 1720 personnes contaminées (3). Le pays a choisi pour enrayer l’épidémie sur son territoire de proposer le dépistage gratuit à tous, alors que la plupart des pays ne testent que les malades présentant des symptômes aigus caractéristiques. Le mot d’ordre du gouvernement de Katrín Jakobsdóttir a été d’anticiper.

Aujourd’hui, un Islandais sur dix a été testé. Un record du monde du dépistage par habitant qui a permis de repérer les personnes infectées et contagieuses, même si elles n’avaient pas de symptômes (ce qui est le cas de 43 % des personnes testées positives).

Ainsi l’Islande n’a-t-elle pas eu besoin de fermer les crèches ni les écoles primaires, même si les lycées, universités, piscines, salles de sport, cinémas, bars et restaurants, eux, sont restés fermés jusqu’au 4 mai.

Autre exemple, la Nouvelle-Zélande, dirigée par Jacinda Ardern dont les qualités de solidarité, d’intégrité, de proximité, et d’empathie l’ont amenée à faire baisser la rémunération de ses ministres et la sienne de 20%, en solidarité avec les victimes de la pandémie. Mais surtout, dès les six premiers cas détectés, la Première ministre fermait les frontières et déclarait le confinement. Elle avait clairement annoncé à ses compatriotes le pourquoi et le comment de l’état d’alerte maximum dans lequel elle plaçait le pays. L’intégrité et la détermination de ces décisions auraient épargné à son pays des milliers de morts : mi-avril la Nouvelle-Zélande ne déplorait que 4 décès dus au Covid-19 sur une population de 4,8 millions.

Quant à l’Allemagne, dirigée par Angela Merkel, c’est sa franchise et sa vigilance qui, dès le 11 mars, permettaient d’annoncer sans détours à sa population que l’épidémie n’était pas à prendre à la légère car le virus risquait de contaminer 70% de la population : “La situation est sérieuse, alors prenez-la au sérieux.”
Le suivi obligatoire de toute personne ayant participé à un rassemblement ou qui aurait pu être en contact avec une autre infectée dès le début de la crise, allié à un dépistage massif et à la mise en quarantaine de toute personne détectée ont permis de limiter la propagation du virus, explique le Dr Reinhard Busse, médecin, économiste de la santé et directeur de la Faculté de gestion en soins de la santé de l’Université technique de Berlin à Radio-Canada.
Le bilan est là : sept fois plus bas qu’en France et douze fois plus bas qu’en Italie – moins de 3500 décès et 128 000 personnes contaminées mi-avril.

En Norvège c’est la première ministre, Erna Solberg, qui s’est directement adressée aux enfants à la télévision pour leur dire : « Je sais que ça fait peur et c’est normal d’avoir peur quand tout est bousculé, comme en ce moment« . Le pays de 5 millions d’habitants est en semi-confinement avec les crèches et écoles fermées, ainsi que les frontières et toute personne revenant d’une zone à risque est placée en quarantaine chez elle avec une grande fermeté en cas de non-respect des règles.

D’autres pays dirigés par des femmes comme le Danemark, la Finlande ou Taïwan, marquent la plupart du temps un grand sens du déterminisme, allié à de la présence et de l’empathie.

D’autres femmes ont aussi joué un rôle clé dans cette période de pandémie mondiale : la ministre de la défense allemande à la tête de la Commission européenne, Ursula von der Leyen et la patronne de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde. Deux premières qui marquent un tournant « féminin » sans précédent à la tête des hautes instances européennes.

Six femmes pour le Forum des idées post Covid-19

Les six premières femmes inspirantes à s’exprimer dans le cadre du Forum des idées de l’UNESCO sont : Katharine Hayhoe (Canada), climatologue, Directrice du Centre de la science du climat de l’Université Texas Tech, Professeure de science politique et Championne de la Terre de l’ONU ; Fadia Kiwan (Liban), Professeure de science politique, Directrice générale de l’Organisation des femmes arabes, membre du Comité consultatif scientifique du Programme de l’UNESCO pour la gestion des transformations sociales (MOST) ; Sara Purca (Pérou), chercheuse à l’Institut péruvien de la mer, et lauréate du Prix national du Pérou L’Oréal-UNESCO « Por las Mujeres en la Ciencia » 2017 ; N’Dri Assie-Lumumba (Côte d’Ivoire), Professeure aux Africana Studies and Research Center, de l’Université Cornell, Présidente du Comité consultatif scientifique du programme UNESCO-MOST ; Sakiko Fukuda-Parr (Japon), Professeure de relations internationales, Directrice du groupe indépendant sur la gouvernance mondiale pour la santé de l’Université d’Oslo, et Márcia Barbosa (Brésil), physicienne, Directrice de l’Académie des sciences du Brésil, lauréate 2013 du Prix L’Oréal-UNESCO pour les femmes et la science.

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D’autres contributions de femmes mais aussi d’hommes de premier plan œuvrant dans une grande variété de disciplines partout dans le monde alimenteront le site du Forum d’idées de l’UNESCO dans les mois à venir. 

En produisant cette série de réflexions, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture remplit sa mission de laboratoire d’idées ouvert et inclusif, dans le but de contribuer à une pensée stratégique sur les programmes de l’Organisation. L’UNESCO exprime aussi l’espoir que cette initiative inspirera les décideurs politiques nationaux et apportera une contribution positive à la gouvernance mondiale.

Forum des idées de l’UNESCO : https://fr.unesco.org/forum

 

 

 

 

 

(1) Les femmes et leur histoire, de Geneviève Fraise- Editions Gallimard, 1998
(2) Source : Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes
(3) Source :  Centre européen de prévention et de contrôle des maladies

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