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Elon Musk : « Vous me prenez pour un dingue ? »

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C’est par cette question que commence la biographie qu’Ashlee Vance consacre à l’un des hommes les plus puissants de la planète. Elon Musk, moins connu que Steve Jobs ou Bill Gates, mais de la même veine, est celui qui affirme vouloir changer le monde et qui en a les moyens. L’inventeur de PayPal, de Tesla, de Space X et de l’Hyperloop. L’homme qui rêve de sauver l’humanité en l’envoyant sur… Mars. Un visionnaire mégalo pour certains, génial pour d’autres, qui révolutionne les industries les plus traditionnelles avec fracas et transforme en or tout ce qu’il touche. Un homme controversé et admiré, qui ne laisse pas indifférent.
 
Transformer les humains en colons de l’espace, tel est explicitement le but de la vie d’Elon Musk. Il aime affirmer : « J’aimerais mourir en me disant que l’humanité a de beaux jours devant elle ». Son goût pour les choses impossibles a fait de Musk une divinité de la Silicon Valley. Il en a conservé en grande partie l’éthique (agir vite, éviter les hiérarchies bureaucratisées, inventer des machines fantastiques qui constituent de véritables avancées). Et une vision qui lui sert de credo et de moteur pour toutes ses entreprises ; un objectif radical qui lui sert de principe unificateur : coloniser Mars, faire de l’humanité une espèce multi planétaire… Pour la sauver d’elle-même.
Vision délirante diront certains. Pour d’autres, Musk a produit ce qui manque à beaucoup de créateurs d’entreprise : une vision du monde qui ait un sens.
 
Elon Musk est une force de la nature. 1m85, une carrure d’athlète, moitié play-boy, moitié cow-boy de l’espace, il se déplace lentement, mais pense vite, très vite. Né en Afrique du Sud il y a quarante-quatre ans, il n’a pas perdu de temps pour démontrer ses qualités de visionnaire. Jeune étudiant il rédige un mémoire remarqué sur l’énergie solaire, parle de voitures électriques et de fusées réutilisables. Du délire, disent ses condisciples, mais lui affirme suivre depuis toujours le même plan directeur.

PayPal

Il devient américain en 1994 et crée sa première startup aussitôt en Silicon Valley. Une petite société qui invente ce qui deviendra plus tard Google Map : un système de cartographie permettant d’identifier des lieux et des itinéraires.  Mais la prouesse technologique n’est pas le moteur principal de Mulk. Ce qu’il veut, c’est changer le monde et d’abord changer les industries du monde. Il s’attaque donc à une forteresse apparemment inexpugnable : la banque. Il invente un système de paiement de personne à personne qui permet d’envoyer de l’argent en indiquant simplement l’adresse électronique du destinataire. Son objectif : rompre avec les banques apathiques dont les ordinateurs mettaient des journées entières à traiter des règlements. Il invente un système agile où les transactions se font d’un clic de souris. PayPal était né. Le franc-tireur a visé juste et devient vite multimillionnaire. En 2002, il vend PayPal à eBay pour 1,5 milliard de dollars et empoche, à titre personnel, 250 millions de dollars. Suffisamment pour commencer à réaliser ses rêves les plus fous.

Space X

Son rêve de conquête spatiale va pouvoir devenir une réalité. Il crée aussitôt Space X dans la banlieue de Los Angeles. Un immense hangar revêtu de blanc immaculé mélangeant, dans le même lieu, les meilleurs cerveaux des universités américaines avec les soudeurs et mécaniciens qui fabriquaient le matériel. Tous ensemble pour forger le rêve le plus fou : révolutionner l’industrie aérospatiale et construire des fusées low costs, réutilisables.
L’objectif donné par Musk à ses troupes est clair : construire le moteur de fusée le meilleur et le plus économique, en optimisant tous les processus, pour sortir des fusées plus vite et moins cher que n’importe qui d’autre. L’analyse de Musk était simple : l’industrie aérospatiale traditionnelle fabriquait des produits extrêmement coûteux, des Ferrari, alors que des Twingo pouvaient suffire.
Après des séries d’échecs, de remises en question où tout devait être repensé jusqu’au moindre rivet, après des lancements hasardeux successifs, après avoir frôlé la faillite, l’abandon, à force de persévérance et d’innovation, Space X est aujourd’hui une entreprise à succès qui rivalise avec les fusées de la NASA ou d’Ariane Espace. Ses lanceurs sont considérés comme fiables et peuvent revenir à leur point de départ ; ce que personne au monde ne sait encore faire. Dans son rêve de conquête spatiale, Musk a désormais son armée de fusées, prêtes sur leurs pas de tirs.
 
Mais ce qui est plus important encore, c’est que Musk a révolutionné l’image de l’espace. Si quelqu’un sait observer, c’est bien lui. Il constate que l’industrie de l’espace a rendu l’espace ennuyeux. Les russes, qui dominent l’envoi de personnes et d’objets dans l’espace utilisent des équipements vieux de dizaines d’années. Les boutons et les cadrans de l’exigüe capsule Soyouz n’ont apparemment pas changé depuis le vol inaugural en 1966. Il observe que les pays nouveaux venus dans la course à l’espace imitent les équipements russes et américains avec une précision absurde. Elon Musk veut changer aussi cela et apporter de l’air et de l’innovation à une industrie rouillée. En procédant ainsi, il innove sans complexes et attire les meilleurs talents. C’est une des clés de son succès.

Tesla

Envoyer des fusées dans l’espace ne comble pas encore cet inventeur toujours sur la brèche. Il veut affronter un autre secteur industriel, un secteur lourd, ancien et de taille : l’automobile. On lui rappelle bien vite que la dernière création d’entreprise réussie dans cette industrie aux États-Unis est celle de Chrysler : elle remonte à 1925. Cette mise en garde ne l’effraie pas un instant. Ici aussi, il observe.
À force de voir à la télévision des publicités pour des automobiles, on ne peut plus y faire attention.  Les annonces serinent les mêmes messages depuis des décennies et vantent les petits détails, le porte-gobelet ou le coffre plus vaste.  Pour cet innovateur insatiable, ce n’est pas suffisant ; l’industrie automobile est tombée bien bas.
 
Sa révolution c’est la voiture électrique. Et pas n’importe quelle voiture électrique. Il sort en 2012 une berline de luxe, tout électrique, capable de parcourir 435 km en pleine autonomie. Une auto qui a du nerf (100 km/h en 4.4 secondes) et de l’allure. La mécanique bruyante du moteur a disparu, elle roule en silence, elle est dotée de fonctions inédites : poignées de porte encastrées qui sortent de la carrosserie quand le conducteur s’approche, commandes réunies au volant sous les doigts, écran tactile, espace dégagé, archi-sécurisée… Bref, une auto de classe. Chère, c’est vrai (100 000 dollars) mais quelle voiture !
 
Pourtant la vraie révolution n’est pas dans la voiture. N’importe quel industriel avisé pourrait construire ce type d’automobile. Elon Muk vise plus loin et veut révolutionner l’écosystème de l’automobile. Il supprime les concessionnaires, les réparateurs, les visites régulières, tout ce que les automobilistes connaissent depuis que la voiture existe. La Tesla est vendue en direct sur le web ou dans des boutiques rappelant les Apple Store. Il n’y a pas de garage. Si vous constatez une anomalie, ou souhaitez obtenir les dernières versions avec de nouvelles fonctions, la voiture est automatiquement upgradée, à distance. Car cette voiture est un ordinateur roulant.
 
Pour en recharger la batterie, Musk imagine d’installer des hyperchargeurs sur toutes les autoroutes d’Amérique puis du monde. Rechargement gratuit.
Pour l’auteur de la biographie, Ashlee Vance, « Musk voulait construire une automobile qui ne souffrirait aucun compromis. Il l’a fait. Puis, dans une sorte de judo entrepreneurial, il a bousculé des décennies de critiques contre les automobiles électriques. [Sa} voiture était la meilleure voiture. Point barre. »

Hyperloop

Elon Musk est un innovateur féroce. Après la banque, l’industrie aérospatiale et l’industrie automobile, le voilà vouloir révolutionner l’industrie ferroviaire ! En août 2013, il dévoile l’Hyperloop. Cet engin est un grand tube pneumatique faisant circuler à une vitesse proche de celle du son (1 300 km/h) des capsules en sustentation électromagnétique avec des voyageurs. Son premier projet : relier Los Angeles à San Francisco en moins de trente minutes.

LIRE DANS UP’ : Hyperloop : pour changer le monde du voyage

L’idée lui est venue en observant, encore une fois, le projet de TGV entre les deux grandes villes de Californie. Un projet archaïque à 60 milliards de dollars pour le TGV le plus lent du monde avec le coût au kilomètre le plus élevé. L’Hyperloop coûte entre 6 et 10 milliards de dollars, il va plus vite qu’un avion et permettrait un flux de voyageurs beaucoup plus important pour un prix de billet hyper-compétitif. Il tient tellement à ce projet que, pour le faire avancer plus vite, il l’ouvre en open source à toutes les bonnes volontés.  Les premiers tests grandeur réelle auront lieu courant 2016.
 
 
Elon Musk crée de façon tellement insatiable des automobiles, des panneaux solaires, des fusées, des hyperloops qu’on en oublierait presque que ces projets sont annexes à ses yeux. Pour lui la technologie est la meilleure voie à suivre pour l’amélioration de l’humanité. Ses innovations lui ont apporté gloire et fortune mais son but ultime est de faire des humains une espèce interplanétaire. Son biographe précise « Certains peuvent trouver cela idiot, mais c’est sans nul doute sa raison de vivre. Musk est convaincu que la survie de l’homme dépend de la colonisation d’une autre planète et qu’il doit consacrer sa vie à cet objectif ».  Et cet objectif n’est, pour Musk, pas si lointain que cela. Il prédit : « Je pense que vers 2025 Space X aura développé un propulseur et un vaisseau spatial capables d’emporter vers Mars des gens et des chargements en grande quantité. » Mais il est aussi (relativement) réaliste et connaît les difficultés d’une conquête martienne : « Il faudra un jour chauffer Mars si l’on veut en faire une planète comme la Terre, et je n’ai pas de plan pour cela. Dans le meilleur des cas cela prendra beaucoup de temps. Je ne sais pas combien, entre un siècle et mille ans. Il y a zéro chance pour que Mars devienne une autre Terre au cours de ma vie. Enfin, pas zéro, mais 0.001% de chance, et pour cela, il faudrait prendre des mesures drastiques. »

LIRE DANS UP : Une bombe atomique pour rendre Mars habitable

Dans le secteur des technologies, on compare volontiers la motivation et les ambitions de Musk à celles de Bill Gates et Steve Jobs. Certains osent presque imaginer une manipulation génétique qui aurait permis à Bill et Steve de faire un enfant ensemble et cet enfant serait Elon !  C’est ce que déclare Edward Jung, ingénieur surdoué de la Silicon Valley, actuellement patron des architectures logicielles de Microsoft qui connaît bien les trois génies de la Valley. Un autre observateur éclairé surenchérit : « Il est un mélange amélioré des deux ».
 

LIRE : Ashlee Vance, Elon Musk, Tesla PayPal, Space X : l’entrepreneur qui va changer le monde, Eyrolles, 24,90 euros. 

Cet article a été publié originellement le 12 février 2016
 
 

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