Une analyse faite par l’OCDE sur le soutien des pouvoirs publics aux ménages et aux entreprises aux prises avec la flambée des prix de l’énergie depuis fin 2021 montre que les mesures mises en place dans 42 grandes économies en 15 mois seront équivalentes à une année complète supplémentaire de subventions régulières aux combustibles fossiles. Si les prix restent élevés, les gouvernements devraient adopter des mesures de soutien plus ciblées, notamment en augmentant les transferts aux particuliers et aux entreprises, et éliminer progressivement les mesures qui visent uniquement à faire baisser les prix de l’énergie.
Cette synthèse, intitulée Pourquoi les gouvernements devraient cibler le soutien dans un contexte de prix élevés de l’énergie, constate que le coût des aides publiques accordées depuis octobre 2021 et prenant fin en décembre 2022 dans 42 économies de l’OCDE et économies partenaires s’élève à 246 milliards USD, dont 169 milliards USD sous forme de soutien direct à la consommation de combustibles fossiles.
La plupart des mesures de soutien se concentrent sur le plafonnement des prix par le biais de contrôles des prix, de réductions d’impôts ou de rabais, ce qui signifie que les finances publiques sont utilisées pour alimenter la demande de combustibles fossiles, et qu’elles sont appliquées sans distinction plutôt que d’être ciblées sur les personnes ou les entreprises vulnérables.
Les dispositifs de soutien des prix représentaient 66 % de la valeur totale de l’aide fournie à travers les mesures traitées dans la base de données. La quasi-totalité (94 %) de ces dispositifs de soutien des prix était non ciblée. À l’inverse, 73 % des dispositifs de soutien des revenus étaient ciblés et ces mesures de soutien des revenus représentaient 34 % du soutien total.
Alors que les gouvernements avaient commencé à passer, début 2022, de mesures de soutien des prix à des mesures de soutien des revenus, l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février et la guerre en cours ont provoqué de nouvelles hausses des prix de l’énergie, incitant les gouvernements à se tourner à nouveau vers des politiques fondées sur les prix. Ces politiques ont tendance à affaiblir les incitations à réduire la consommation d’énergie, même lorsque l’offre est limitée.
Les prix de l’énergie s’envolent depuis le début de l’année 2021 en raison d’une combinaison de facteurs liés à l’offre et à la demande. C’est le fruit de tendances de long terme (par exemple, sous-investissement du côté de l’offre dans les secteurs du gaz naturel et des énergies propres) et de court terme (par exemple, réduction, par la Russie, des livraisons immédiates de gaz naturel et forte reprise de la demande au sortir de la récession provoquée par le COVID-19. La guerre en Ukraine a exacerbé la pression sur des marchés de l’énergie déjà tendus et accentué l’incertitude quant à l’évolution de l’offre à court terme. La Russie a arrêté de fournir de l’énergie à plusieurs pays, tandis que d’autres ont instauré des embargos sur les importations de produits énergétiques russes.
La synthèse préconise une réorientation des politiques de soutien, en passant de mesures qui visent à plafonner les prix élevés à des mesures qui en atténuent l’impact par le biais d’une aide au revenu ciblée, c’est-à-dire des transferts aux ménages et aux entreprises les plus démunis. Cela permettrait de garantir un soutien équitable et efficace tout en limitant son impact sur les budgets publics et en maintenant des signaux de prix pour encourager la transition vers la neutralité carbone. Les pays doivent donc s’employer à aider les groupes de population vulnérables, au moyen de dispositifs ciblés de soutien des revenus, tout en œuvrant au développement des sources d’énergie et des modes de transport de substitution.
Le revenu ne devrait pas constituer le seul critère d’attribution : il faudrait que l’aide repose également sur d’autres facteurs de la vulnérabilité financière des ménages, tels que le lieu et la qualité du domicile ou encore la composition du foyer.
Malgré leur coût budgétaire, les mesures de soutien des revenus peuvent, dès lors qu’elles sont mieux ciblées, prolonger l’effet de l’action publique en cas de maintien des prix à un niveau élevé. Cependant, comme les interventions sélectives sont tributaires des bases de données sociales des administrations pour l’identification des bénéficiaires, elles sont parfois difficiles à administrer ou à mettre en œuvre. C’est surtout le cas dans les pays où les systèmes de prestations sociales laissent à désirer ou ont des difficultés à atteindre une grande partie des bénéficiaires potentiels, par exemple, à cause de l’importance du secteur informel ou d’un manque de capacités institutionnelles. Cela dit, même les pays dotés de systèmes plus élaborés doivent en améliorer la sélectivité et ne pas se contenter d’augmenter les transferts existants. À cet effet, il est possible d’intégrer des innovations dans les mécanismes de transfert afin qu’ils bénéficient bien aux groupes les plus vulnérables face au choc des prix de l’énergie.
La crise énergétique, et notamment les problèmes de sécurité énergétique soulevés par la guerre en Ukraine, soulignent la nécessité pour les gouvernements de trouver des synergies entre les politiques climatiques et de sécurité énergétique, indique l’analyse.
La crise énergétique en cours met en exergue les difficultés sociales et politiques à surmonter pour affronter les hausses des prix de l’énergie, qui ressemblent à celles anticipées dans le cadre de la transition vers la neutralité carbone. Par ailleurs, la guerre en Ukraine maintenant les prix de l’énergie à un niveau élevé, les énergies fossiles apparaissent comme une source d’énergie de moins en moins fiable, ce qui fait craindre pour la sécurité des approvisionnements, en particulier en Europe.
Dans ce nouveau contexte géopolitique, il conviendrait, à moyen terme, de dégager des synergies entre politique climatique et politique de sécurité énergétique, d’autant qu’en se dirigeant vers la neutralité carbone, on réduit la dépendance à l’égard des énergies fossiles. C’est pourquoi il faudrait revenir progressivement sur les mesures qui atténuent les signaux-prix et émoussent les incitations à réduire la consommation d’énergie fossile, tout en s’employant à rendre les ménages moins vulnérables aux chocs des prix et à accélérer la mise en place de nouvelles sources d’énergie.
Un moyen d’y parvenir est d’accompagner les rénovations énergétiques et d’adapter les réseaux et infrastructures aux technologies décarbonées. Il faudrait qu’à terme, les politiques climatiques, énergétiques et sociales aient pour priorité commune d’aider les utilisateurs d’énergie à réaliser les investissements nécessaires pour revoir leur consommation et à se tourner vers d’autres sources.
L’accélération de la transition vers la neutralité carbone contribuerait à protéger les consommateurs des forces changeantes du marché et de la géopolitique, tout en soutenant les objectifs climatiques internationaux.