A l’été 2013, France Stratégie a introduit un séminaire gouvernemental consacré à la France dans dix ans. A l’issue de ce séminaire, le président de la République et le Premier ministre ont souhaité que cette réflexion soit poursuivie de façon approfondie sur les enjeux à dix ans pour notre pays.
La phase de consultation a mobilisé à l’automne 2013 de nombreux acteurs de la société civile aux partenaires sociaux et adopté des formes multiples : débats publics thématiques, auditions et séminaires de travail avec des économistes, sociologues, hommes politiques, philosophes, professionnels,…consultations des partenaires sociaux, dialogue avec les Assemblées, débats en régions avec les acteurs locaux, ouverture d’un espace contributif sur internet, sondages, etc.
A partir de ces échanges et de ses travaux propres, France Stratégie a élaboré une analyse de enjeux essentiels auxquels la société française doit répondre, de leurs implications, et avance pour les dix ans à venir une série d’orientations prioritaires. Ce rapport soumet ces analyses et propositions au débat social et citoyen et à la décision politique.
Ce mercredi 25 juin, Jean Pisani-Ferry, Commissaire général à la stratégie et à la prospective, a remis au président de la République ce rapport « Quelle France dans dix ans ? Les chantiers de la decennie ». Une feuille de route comprenant huit priorités pour permettre à la France de rebondir.
Ce rapport établit en premier lieu un diagnostic – état des lieux, marquant le décrochage économique depuis les années 2000. Constat établi, le rapport propose huit objectifs pour rejoindre en 2025 le peloton de tête des dix pays de l’OCDE où l’on vit le mieux.
Un décrochage progressif depuis 25 ans
Par rapport aux pays qui avaient un PIB comparable à la France, il y a 25 ans, notre pays se résume ainsi :
– PIB/tête : – 6% en 25 ans
– Taux de chômage toujours supérieur à 7 %
– Dégradation de nos performances scolaires
– Nos entreprises faisaient plus de recherche qu’ailleurs ; ce n’est plus le cas
Des résultats sociaux comparativement meilleurs mais:
– Nous dépensons plus que d’autres pour un même résultat
– Ces dépenses ont largement été financées par un recours à l’endettement
Notre trajectoire est économiquement, socialement et financièrement non soutenable.
Des atouts solides, insuffisamment exploités
– La France est territorialement unie : elle ne connaît pas de grande fracture entre Nord et Sud ou Est et Ouest
– La France est jeune : l’âge médian dans vingt ans sera de 43 ans contre 50 ans en Allemagne, Espagne et Italie
– La France est mieux formée : plus de 40 % des 30-34 ans ont reçu une formation supérieure. C’est le cas de moins de 20 % des 55-64 ans
– La France est bien équipée : ses infrastructures sont de niveau élevé
– La France possède une puissance scientifique : 6ème mondiale, 4ème pour l’impact des publications
– Nous sommes dotés d’entreprises « championnes » : première en Europe pour le nombre de très grandes entreprises (Fortune 500)
– La France possède une « capitale » : Paris est l’une des deux métropoles européennes d’envergure mondiale.
Des choix collectifs à clarifier
Ils peuvent être résumés par cinq questions :
– Quel ciment pour le vivre ensemble ?
– Avons-nous encore les moyens de notre modèle social ?
– Renoncer à la croissance ou repenser la croissance ?
– Economie abritée ou économie connectée ?
– Avec ou sans l’Europe ?
Une méthode à réinventer
Pour éviter des réformes partielles qui ne rassurent pas, ne changent pas les comportements et ne font pas voir e sens global des transformations engagées, il faut fixer un nouveau cap. En dix ns, beaucoup de pays ont su de redresser. Cela suppose de :
– sortir des équivoques, refonder nos choix collectifs
– Réinvestir institutionnellement, économiquement, socialement
– Fixer des objectifs ambitieux, mobilisateurs mais atteignables.
Pour que la société s’approprie ces objectifs, il faut impliquer les citoyens, les acteurs sociaux et les entreprises et il faut définir des indicateurs pour mobiliser et suivre les progrès.
La France en 2025
En dépit des réussites dans bien des domaines, la situation de la France ne lui permet plus de faire école auprès des citoyens du monde. Il lui faut pour cela ambitionner d’obtenir, d’ici dix ans, des résultats qui la placent parmi les tout premiers des pays avancés :
– Etre parmi les dix pays de l’OCDE où l’on vit le mieux
– Rejoindre le premier tiers es pays européens pour l’emploi
– Appartenir au premiers tiers des pays de l’OCDE pour la confiance dans autrui
– Rejoindre le groupe des pays européens leaders pour l’innovation.
Les objectifs à dix ans – Repères pour 2025
Une démocratie de la confiance
Dissiper le malaise de la société française et reconstruire un vivre ensemble apaisé impose de faire vire autrement la démocratie. Pour restaurer la confiance dans les institutions, il faut interdire le cumul des mandats, réduire l’écart entre la composition du Parlement et celle de la population, simplifier l’éxécutif, réduire les lois au profit des règlements. Le rapport préconise également la réforme de l’organisation territoriale.
Une égalité républicaine effective
L’égalité des chances, au coeur du modèle républicain, est minée par de profondes disparités dans l’accès au savoir, à l’emploi, au logement. Combattre les discriminations, réinvestir dans l’accueil des jeunes enfants et dans l’école, diviser par trois le nombre de décrocheurs, ainsi que celui des enfants ne maîtrisant pas le français. Diviser par deux l’illettrisme chez les adultes. Réformer la formation et créer un droit à la seconde chance.
Un Etat entreprenant et économe
Pour assumer ses responsabiliés tout en réduisant le poids de la dette publique, l’Etat a besoin d’être réformé. Faire des services publics le fer de lance de la reconquête de l’égalité (atteindre 80 % de aux de satisfaction des usagers des services publics) et repenser l’offre grâce au numérique (atteindre 90 % de citoyens utilisant internet). Ouvrir le recrutement, moderniser l’organisation et la gestion de la fonction publique. Expérimenter et évaluer.
Un développement responsable
Pour garantir le bien-être des générations à venir, il faut préserver notre environnement et la solvabilité de l’Etat : deux engagements difficiles pour la société parcequ’ils demandent des efforts immédiats pour des bénéfices à long terme. Des priorités sont donc données : ramener la dette publique à 75 % du PIB. Lier les dépenses de protection sociale (retraite et famille) à l’évolution de la croissance. Casser le lien entre la croissance et la dégradation de l’environnement. Réduire à 30 % les émissions nationales de gaz à effet de serre.
Une société décloisonnée et ouverte sur le monde
Ne pas être à l’écart des mutations du monde. Achever la structuration de l’enseignement supérieur autour de pôles intégrés plus autonomes, afin de réinvestir dans le savoir et les compétences. Investir dans le numérique, promouvoir la mobilité des jeunes et l’internationalisation de l’enseignement (+ 50 %). Et accueillir 200 000 étudiants internationaux de plus. Réinventer l’entreprise du XXIème siècle en renforçant le poids des salariés dans la gouvernance et en accroissant les marges de manoeuvre de la négociation sociale. Le rapport suggère aussi de miser sur le développement des métropoles, notamment en accélérant la constitution du Grand Paris.
Une économie en mouvement
Transformer les idées en opportunités et les opportunités en facteurs de croissance est le fer de lance d’une économie dynamique. Il importe de miser sur les compétences, soutenir l’innovation. Il faut créer un environnement plus favorable à la croissance des entreprises et faciliter leur financement. Améliorer la compétitivité de l’industrie mais aussi des services est indispensable pour s’insérer avec succès dans la concurrence internationale.
Renouveler les fondements de la croissance en parvenant à 50 % de PME innovantes et en investissant 2 % du PIB dans la R&D. Financer le développement des entreprises en en faisant émerger un millier de taille intermédiaires supplémentaires et 30 000 entreprises exportatrices supplémentaires. Accroître d’un tiers les ressources touristiques.
Un modèle social lisible et inclusif
Prolonger le pacte de responsabilité en mettant en place un barème de cotisation employeur progressif. Rééquilibrer les rôles du smic et des salaires conventionnels de branche. Organiser la portabilité des droits sociaux à travers un compte personnel d’activité. Créer une allocation de solidarité et d’activité, recentrer la prise en charge sanitaire sur les patients. Recalibrer la politique du logement (réduire de 30 % le prix des logements).
Une Europe force d’entraînement
Il est essentiel que l’Union européenne redevienne un pôle de prospérité et d’emploi, attendu par ses citoyens. Ce redressement implique une meilleure gouvernance de la zone euro qui doit être parée pour affronter les chocs à venir et créer un cadre favorable à l’expansion : élaborer un modèle cohérent d’intégration et de gouvernance de la zone euro pour en faire un pôle de prospérité. Transformer le Mécanisme européen de stabilité en Fond monétaire européen pour faire de l’Europe un acteur international de poids.