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On en parle en bien depuis plusieurs années déjà, mais le phénomène des cryptomonnaies fait aujourd’hui débat. Ces monnaies, de plus en plus utilisées par tous dans le monde entier, sont accusées d’êtres énergivores. En effet, afin de « débloquer » des bitcoins, les mineurs doivent résoudre des problèmes complexes nécessitant l’utilisation de logiciels spécialisés et d’ordinateurs ultra-puissants consommant beaucoup d’énergie. L’on estime que la consommation énergétique permettant le minage de cryptomonnaies s’élève à 0,12% de la consommation électrique mondiale (1). Réaliser une transaction en bitcoins se traduirait ainsi par une consommation équivalente à celle de huit foyers américains pour vivre pendant une journée. Pourtant, certaines entreprises expertes en minage de cryptomonnaies tentent de trouver des solutions justes et durables et essaient de prouver que minage ne rime pas avec gaspillage.
Un rapport de la revue Nature, basé sur une étude menée par les chercheurs de l’Institut Oak Ridge de Cincinnati dans l’Ohio, fait la démonstration que la transaction de cryptomonnaies fait exploser la dépense énergétique. Ce rapport n’est pas le premier à parler de la consommation excessive en énergie électrique. Le site Digiconomist a créé en août 2018, un indice de consommation d’énergie du Bitcoin pour donner un aperçu de la quantité d’énergie consommée par le réseau Bitcoin. La consommation en électricité du réseau Bitcoin cette année est estimée à 16,1 TWh. Digiconomsit avait aussi noté que l’ensemble du réseau Bitcoin consomme plus d’énergie qu’un certain nombre de pays, en se basant également sur un rapport publié par l’Agence internationale de l’énergie. Si Bitcoin était un pays, il se classerait à peu près au même niveau que la Tunisie en termes de consommation en électricité. (Source The Guardian).
En fin de semaine dernière, une autre étude de Nature Climate Change avançait que si l’adoption de la cryptomonnaie se faisait au même rythme que d’autres technologies, le seul minage de ces jetons virtuels pourrait conduire à un réchauffement climatique de l’ordre de 2°C sous trois décennies.
Des allégations corrélées par un rapport relayé le 5 novembre par Nature.com, constatant que le minage de cryptomonnaies était plus énergivore que l’extraction de cuivre, d’or et de platine. Les estimations sont aussi nombreuses et variées que l’est le cours des différentes cryptomonnaies. Pour y voir plus clair, la parole est donnée à Owen Simonin, fondateur de Just Mining et expert en cryptomonnaies.
UP’ : Pouvez-vous nous rappeler brièvement ce que sont les bitcoins et la cryptomonnaie de manière générale ?
Owen Simonin : Brièvement, ce n’est pas facile. Disons que la cryptomonnaie est l’un des premiers moyens d’échanger de la valeur sans utiliser de tiers de confiance (banque ou autre organisme) et de façon tout aussi sécurisée, parfois moins cher et plus rapide. L’ensemble des cryptomonnaies s’appuie sur la technologie Blockchain, c’est cette technologie qui permet cet échange. Le Bitcoin est la première blockchain et le bitcoin la première cryptomonnaie (la nuance se fait au niveau de la majuscule). Le bitcoin est aujourd’hui la cryptomonnaie la plus connue et la plus utilisée.
L’idée centrale de la cryptomonnaie est d’apporter une alternative au système économique actuel en rendant le « pouvoir » aux utilisateurs. D’ailleurs, la création du bitcoin en 2009 est directement liée à la crise financière qui a touché le monde entier. Les fondateurs du bitcoin souhaitaient proposer une solution nouvelle pour pallier un éventuel nouveau crash.
UP’ :Pensez-vous que la blockchain préfigure l’aube d’une nouvelle ère ?
OS : Certainement, la blockchain est une technologie offrant des possibilités multiples. Elle trouve une utilité dans la plupart des secteurs d’activités. Son potentiel est vraiment intéressant et il existe déjà des cas d’application concrets qui fonctionnent parfaitement. Les personnes qui étudient ou suivent de près la blockchain expliquent qu’elle pourrait avoir le même impact sur la société que celui d’internet il y a quelques années. Il est encore trop tôt pour dire si effectivement la blockchain va changer le fonctionnement de la société, mais elle en a le potentiel.
UP’ : Comment la cryptomonnaie facilite une transaction commerciale, financière ou autre ?
OS : Les cryptomonnaies ont une dimension internationale. Elles ne sont pas limitées à une zone géographique et permettent ainsi d’effectuer des échanges à une l’échelle mondiale et sans problème de devises. Les cryptomonnaies répondent également au problème des délais de transaction. L’un des enjeux majeurs pour les entreprises est la gestion de la trésorerie. La plupart des virements bancaires pour un crédit client prennent en moyenne 1 à 3 jours (ouvrés) alors que l’émission et la réception des virements en cryptomonnaies sont quasiment instantanées sur certaines blockchain. Les plus grosses blockchain traitent les transactions en moyenne sous 10 min et maximum 1 heure.
Enfin, de par l’absence d’intermédiaire physique (en l’occurrence de la banque), les frais de transactions sont beaucoup moins importants. Les frais bancaires sont souvent pointés du doigt, la blockchain permet de s’en passer.
UP’ : Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est le « minage » de cryptomonnaies ?
OS : Le minage est une méthode de sécurisation de la blockchain. Lorsqu’une transaction/un échange est réalisé sur la blockchain, il doit être validé par ce qu’on appelle les mineurs. Ils font office de tiers de confiance. Dans l’économie traditionnelle, pour un échange bancaire par exemple, c’est la banque qui va jouer ce rôle de tiers de confiance. Les mineurs sont répartis un peu partout sur la planète, ce sont des machines informatiques qui travaillent pour le réseau blockchain. En contrepartie du travail effectué, les mineurs reçoivent une commission sous forme de cryptomonnaies. C’est de cette manière que sont émises les nouvelles cryptomonnaies. Dans l’économie blockchain, il n’y a pas de machines qui impriment de nouveaux billets, les nouvelles cryptomonnaies sont « imprimées » en fonction du volume d’échange sur la blockchain.
Le minage est donc une méthode de sécurisation de la blockchain et également l’activité consistant à générer des cryptomonnaies. C’est pour cette raison que de nombreuses personnes investissent dans le minage car tout le monde peut devenir un mineur, il suffit d’avoir sa machine et l’on peut participer à la sécurisation du réseau tout en étant rémunéré en cryptomonnaies.
UP’ : Les cryptomonnaies représentent-elles véritablement un danger pour l’écologie comme il se dit ? Pourquoi ?
OS : Oui et non, en réalité c’est un peu plus compliqué que ça, on entend beaucoup trop d’informations mal interprétées à ce sujet. Le minage de cryptomonnaie est la méthode de sécurisation la plus répandue (j’y reviendrai plus en détail dans la question suivante), c’est une activité qui est très énergivore. Miner nécessite beaucoup d’électricité, dans ce sens effectivement ce n’est pas très bon pour l’environnement. Après, dire que les cryptomonnaies sont un danger pour l’écologie, d’accord, mais par rapport à quoi ?
A la même échelle, l’économie traditionnelle consomme plus d’énergie que l’économie des cryptomonnaies. Entre les distributeurs automatiques qui sont de moins en moins utilisés, mais consomment toujours autant d’énergie, même constat au niveau des petites agences bancaires rurales qui sont de moins en moins fréquentées et consomment énormément, on ajoute à cela les machines utilisées par les traders, les grands sièges bancaires… Finalement est-ce que ce n’est pas l’économie tout court qui représente un danger pour l’environnement ? Je n’ai pas la réponse à mon niveau, mais lorsque j’entends que les cryptomonnaies sont un danger pour l’écologie je réponds qu’elles ne sont pas plus dangereuses que l’€ et le $.
UP’ : En quoi consiste cette « pollution » par les cryptomonnaies ? Pollution digitale / fonctionnement du réseau internet ?
OS : Cette pollution est essentiellement liée à la consommation d’énergie, au niveau du réseau internet, il n’y a pas de danger particulier.
UP’ : Existe-t-il des solutions pour minimiser ces effets ? Quelle est la solution de Just Mining pour répondre à cela ? Existe-t-il des monnaies moins énergivores que d’autres ?
OS : Je vais faire une réponse globale à ces trois questions.
Oui il existe des solutions. La première qui est la plus simple à mettre en place c’est simplement gérer la provenance de l’énergie utilisée. Les énergies renouvelables sont assez utilisées pour le minage de cryptomonnaies. Nous avons de nombreux clients qui sont propriétaires de barrage hydroélectrique et qui utilise l’excédent d’énergie produites pour miner. Ce système permet d’investir dans les cryptomonnaies tout en respectant une éthique environnement et également optimiser la rentabilité du barrage.
Chez Just Mining nous travaillons sur plusieurs points allant dans cette direction plus « éco responsable ». Nous exploitons également des barrages pour notre compte et celui de nos clients, mais ce ne sont pas les seules solutions. Aujourd’hui nous travaillons sur deux sujets qui sont la récupération de chaleur et l’amélioration hardware. Nous entrons en phase de R&D sur ces deux axes, je ne peux malheureusement pas en dire plus pour l’instant. La difficulté est de trouver des solutions qui sont intéressantes d’un point de vue environnemental, mais sans compromettre la partie économique. Nous sommes optimistes quant au fait de pouvoir proposer des nouvelles solutions dès 2019.
Il existe en effet des monnaies moins énergivores. Pour faire simple sans rentrer dans les détails trop techniques, nous avons précédemment parlé du minage, c’est une méthode de sécurisation de la blockchain (on parle de proof of work). Il existe d’autres méthodes comme le proof of stake, le proof of capacity,… qui sont moins énergivores. Aujourd’hui, le proof of work est la méthode la plus sécurisée et donc la plus utilisée, mais tous les acteurs de la blockchain travaillent à rendre ces autres méthodes aussi efficaces. Ensuite, dans le minage il y a plusieurs algorithmes de traitement, certains sont plus lourds, plus longs ou plus complexes, ces caractéristiques font varier les besoins d’énergies pour un même volume de données échangées.
Alors, si les transactions en cryptomonnaies demandent une quantité astronomique d’énergie à ce jour, elles ne représentent aujourd’hui qu’une partie infime de la masse de transactions dématérialisées ayant lieu chaque seconde. Selon la même étude de Nature, près de 315 milliards de transactions bancaires sont effectuées tous les ans dans le monde, notamment le système Visa. Celles en Bitcoin n’en représentaient que 0,033% en 2017.
La consommation énergétique du Bitcoin entre mars 2017 et février 2018 (source : digiconomist.com)
Un article de novembre dernier, sur le site Hackernoon estimait, après de nombreux calculs détaillés, que l’infrastructure et tout ce qui gravitait autour du système de paiement VISA consommait aux alentours 100TWh par an, soit deux fois plus que la blockchain Bitcoin à l’heure actuelle. De prime abord, le système VISA serait donc beaucoup plus gourmand que la blockchain Bitcoin, mais il reste important de nuancer cette donnée. Le système VISA supporte 141 milliards de transactions à l’année, là où la blockchain Bitcoin n’en a supporté “que” 300 millions entre février 2017 et mars 2018.
Propos recueillis par Fabienne Marion
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