LIRE DANS UP’ : LinkedIn – Microsoft : vers un contrôle algorithmique du marché du travail ?
Il y a presque tout juste un an, nous informions nos lecteurs du rachat de LinkedIn par Microsoft et évoquions le risque de prise de contrôle algorithmique du marché du travail. Une étude récente publiée par le cabinet Xerfi sur « le marché du recrutement » établit que Microsoft possède désormais toutes les cartes en main pour devenir le principal acteur du marché du recrutement. Quant à son confrère Facebook, il met des moyens colossaux en œuvre pour littéralement ubériser le recrutement à l’échelle planétaire.
La nouvelle du rachat de LinkedIn par Microsoft pour la somme astronomique de 26 milliards de dollars avait, en juin 2016 provoqué une avalanche de questionnements. Que va faire Microsoft de cette compagnie et de ses presque 500 millions d’utilisateurs professionnels ? Le marché du recrutement ne va-t-il pas se transformer radicalement quand la firme fondée par Bill Gates mettra en batterie ses algorithmes sur cette gigantesque base de données de profils, de CV, de formations, de relations, d’interconnexions, de réseaux professionnels ? Nous nous inquiétions alors du déploiement possible d’une intelligence algorithmique capable, comme le pressentait le chercheur Olivier Ertzscheid, « de vérifier nos compétences, nos habiletés et nos centres d’intérêt, de nous suggérer, dans un premier temps, d’accepter telle ou telle tâche rémunérée, avant de finir par décider pour nous de celle pour laquelle nous serons à la fois les plus efficaces et les plus rentables … et de nous y affecter ».
L’étude publiée par le cabinet Xerfi confirme nos inquiétudes. Selon ses principales conclusions, Microsoft aurait désormais tous les attributs pour devenir à moyen terme le principal acteur du recrutement et du marché du travail. Selon le Journal du Net, la firme possède en effet tous les outils nécessaires pour satisfaire cet objectif :
· Expertise en intelligence artificielle et en conception d’algorithmes : avec Microsoft Cognitive Services et Maluuba, la firme fondée par Bill Gates est déjà en avance par rapport à ses concurrents.
· Recrutement vidéo : Skype fait partie intégrante du groupe Microsoft qui a donc une force de frappe certaine en matière de recrutement vidéo.
· Un système d’exploitation de référence : Windows est en situation de quasi-monopole sur le marché des OS professionnels.
· Réseau social professionnel : Microsoft possède LinkedIn depuis juin 2016. Or, avec plus de 500 millions d’utilisateurs dans le monde, le groupe fondé par Reid Hoffman accentue peu à peu son rang de leader mondial du secteur.
Selon Xerfi, Microsoft serait ainsi en mesure de mettre en œuvre des systèmes révolutionnaires de recrutement prédictif et d’intelligence conversationnelle. Avec le recrutement prédictif, Microsoft pourrait prédire l’adéquation entre les attentes d’une entreprise et les 500 millions de membres de son réseau professionnel. Quant à l’intelligence conversationnelle, elle permettrait, grâce à des chatbots vocaux et textuels intégrés à LinkedIn ou Skype d’évaluer l’adéquation d’un candidat avec la culture de l’entreprise puis de le sélectionner.
Les algorithmes ne s’encombrent jamais de considérations éthiques ou de soucis métaphysiques ; leur froide candeur et leur robustesse mathématique en font des opérateurs intraitables. En se nourrissant des données professionnelles de centaines de millions d’individus, les algorithmes démontreront sans aucun doute leur supériorité sur l’intelligence humaine. Il est évident qu’un grand nombre de problèmes liés au monde du travail comme la formation, l’affectation, le suivi de carrières, la disponibilité, mais aussi les opportunités, les liens de proximité, les recommandations… seront mieux traités par une machine que par un humain. Avec beaucoup plus de précision, d’efficacité et de rapidité. Les algorithmes deviendront bientôt de super conseillers d’orientation, des agents Pôle-Emploi extraordinairement performants.
Il faut aussi comprendre que Microsoft ouvre une brèche, mais qu’il sera suivi rapidement par tous les autres géants de l’Intelligence artificielle, au premier rang desquels il y a Google ou Facebook, qui trouveront, dans le marché du travail, des données susceptibles de nourrir toujours plus leurs machines et leurs protocoles de Deep Learning. On peut donc imaginer aisément, dans un futur proche, « des scénarios assez triviaux où le dialogue avec cette « IA » s’enrichira d’un nouvel horizon dialogique qui lui permettra de vous signaler différents événements professionnels et de vous faire toute une série de propositions de mutation, de nouveaux contacts, etc., mais également des scénarios plus « élaborés » dans lesquels ce même assistant intelligent piloté par une IA gèrera en temps-réel la totalité de votre « carrière ». »
Facebook n’a pas tardé à s’engouffrer dans cette brèche ouverte par Microsoft. Depuis la fin du mois de février 2017, la firme de Mark Zuckerberg propose aux États-Unis et au Canada son service Facebook Jobs. Le service consiste à permettre aux entreprises de publier des offres d’emploi directement sur leur page d’entreprise, tout en récupérant des candidatures potentiellement intéressantes. Le tout, pour l’instant, gratuitement.
En la matière, Facebook applique une recette qui a déjà fait ses preuves : audience colossale + capacité d’investissement + simplicité d’utilisation + expertise en traitement des données = un service qui devient incontournable pour la plupart des PME du monde qui cherchent à recruter facilement et sûrement du personnel.
Un désastre pour les recruteurs traditionnels et autres médias spécialisés. Facebook lance ainsi l’ubérisation massive du marché du recrutement.
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