« Dans un contexte de tabou concernant certaines pathologies, notamment celles touchant à la sexualité, les dispositifs de relation d’aide à distance sont des espaces de parole confidentiels et libres de tout type de jugement », nous dit Pedro Garcia, chargé de mission pour les actions internationales à SIS-Réseau, dans un article publié par le Blog du PNUD Blog Humanun.
En prenant exemple de la situation latino-américaine, il démontre que les « lignes d’écoute, en s’appropriant des nouvelles technologies telles qu’Internet, les SMS, les téléphones intelligents et les différents réseaux sociaux, sont des outils pertinents pour toucher les différents groupes de population à risque et répondre de façon personnalisée et sans jugement ni discrimination. »
La seconde moitié des années 1990 a enregistré dans le monde 3,3 millions de nouveaux cas de VIH par an. Des activistes ont dénoncé à l’époque les réponses insuffisantes des États face à l’épidémie. C’est ainsi que des initiatives ont surgi de la société civile afin de donner un appui à chaque personne touchée par le virus et l’informer sur les craintes, doutes et incertitudes liées à la maladie. Plusieurs pays ont vu naître des dispositifs de relation d’aide à distance (RAD) à travers la mise en place de lignes téléphoniques dédiées à l’accompagnement et l’orientation des usagers. Ces dispositifs veillaient sur le droit à l’information et pour la santé de tous, de façon anonyme, confidentielle, gratuite et sans jugement.
Aujourd’hui, l’accès à l’information continue à être une barrière dans la lutte contre le VIH/sida en Amérique latine et aux Caraïbes, comme le montrent plusieurs statistiques. Selon des chiffres de la CEPAL en 2007, moins de 20 % des femmes péruviennes entre 15 et 24 ans possédaient des connaissances appropriées sur le VIH. Le tableau ci-dessous présente des conditions similaires dans d’autres pays de la région latino-américaine.
L’Amérique latine est leader en téléphonie cellulaire dans le monde. 98 % de la population réside dans une zone de couverture mobile et 84 % des foyers ont souscrits à un service de téléphonie. Malgré le développement des nouvelles technologies en matière de téléphonie sociale, le niveau de désinformation persiste néanmoins. À travers un meilleur ciblage, l’usage des technologies devrait permettre à toutes les populations d’accéder à des informations fiables et gratuites.
Information adaptée à la population générale et aux groupes clé
Dans un contexte de tabou concernant certaines pathologies, notamment celles touchant à la sexualité, les dispositifs de relation d’aide à distance sont des espaces de parole confidentiels et libres de tout type de jugement. Dans leur forme idéale, ils offrent à l’utilisateur une information de qualité transmise par des écoutants et des modérateurs formés de façon continue. La ligne argentine Pregunte SIDA, par exemple, est animée par des conseillers formés pour répondre à des questions concernant les personnes transgenre ou les travailleuses du sexe, deux groupes disproportionnellement touchés par l’épidémie du VIH. En Bolivie, la ligne de Marie Stopes International répond surtout à un public jeune sur des questions relatives à la sexualité, la prévention et la contraception. La ligne vénézuélienne, mise en place par Acción Solidaria, donne de l’appui et de l’orientation spécifique à des personnes vivant avec le VIH.
L’anonymat et la distance sont deux des caractéristiques essentielles des dispositifs d’écoute, prenant en compte l’exclusion des groupes les plus à risque au VIH : les HSH (hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes), les travailleuses et travailleurs du sexe ainsi que leurs clients et les usagers de drogues. Les différents groupes amérindiens et afro-descendants peuvent être aussi des populations particulièrement concernées par un défaut d’information ou d’une désinformation en matière de santé sexuelle.
Le taux de prévalence du VIH en Amérique latine se situe à près de 0, 4 % pour la population générale. Pourtant des études signalent que la prévalence chez les HSH va de 7, 9 % au Salvador jusqu’au 25 % au Mexique. Elle est de 27,6 % en Argentine chez les personnes transgenre et de 9,6 % chez les travailleurs et travailleuses du sexe (TS) au Honduras. Concernant les usagers de drogues, la prévalence est estimée à 9,1 % au Paraguay. En même temps, le risque d’une plus grande expansion du VIH parmi les femmes et les jeunes reste présent dans la région.
Les lignes d’écoute, en s’appropriant des nouvelles technologies telles qu’Internet, les SMS, les téléphones intelligents et les différents réseaux sociaux, sont des outils pertinents pour toucher les différents groupes de population à risque et de répondre de façon personnalisée et sans jugement ni discrimination.
Des dispositifs complémentaires aux systèmes de soins
Le développement des technologies permet un travail important de récolte de données concernant des sujets bien souvent tabou et difficilement abordables en « face à face ». A travers le remplissage d’une fiche informatisée pendant les échanges anonymes, on peut identifier les interrogations les plus fréquentes de la part des usagers en temps réel. Cette identification permet de mieux orienter les campagnes d’information ainsi que les politiques en matière de santé sexuelle. Certains gouvernements latino-américains ont mis en place des dispositifs nationaux sur le VIH/SIDA : par exemple Telsida au Mexique, Pregunte SIDA en Argentine et Fonosida au Chili.
La relation d’aide à distance est adaptable pour répondre à d’autres sujets de santé publique, par exemple en cas d’urgences sanitaires. En Uruguay, suite à la dépénalisation de l’avortement en 2012, la ligne SIDA, sexualidad y derechos, coordonnée par l‘Association ASEPO, a été un moyen pour soutenir et informer les femmes concernant la nouvelle loi.
Des prévisions pour 2017 envisagent un marché de santé mobile en Amérique latine de 1 600 millions de dollars. Il est important que cette croissance implique tous les groupes de population avec un regard horizontal concernant l’information, la santé et le soin. À travers la relation d’aide à distance il s’agit, surtout, de donner de l’écoute et de la voix à ceux qui en ont le plus besoin.
Pedro García (http://www.revistahumanum.org/blog/vih-salud-y-tecnologia-a-la-escucha-de-las-poblaciones/) /31 octobre 2014
Traduction : Carlos Yuguero
Pedro García est chargé de mission pour les actions internationales à SIS-Réseau. Il participe au plaidoyer et à la mise en place de dispositifs de Relation d’Aide à Distance en Afrique de l’Ouest et du Centre pour la promotion de la santé et de l’information concernant le VIH et la santé sexuelle et reproductive. Avant de rejoindre SIS-Réseau, Pedro était assistant de recherche au bureau régional de l’Amérique latine au Programme pour le Développement des Nations Unies (PNUD). Pedro a eu sa licence et son master à l’Institut d’Études Politiques de Paris (Sciences Po Paris), avec une spécialisation dans les études latino-américaines. Il s’intéresse aux questions de protection et d’inclusion sociale, aux luttes contre les discriminations et les mouvements sociaux. Il a réalisé des études à l’Université de Chicago et à l’Université Nationale du Mexique (UNAM).