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Voici une expérimentation de science participative inédite entre des lycéens et un chercheur du CNRS : la création d’une « fleur artificielle connectée » afin d’étudier le comportement de butinage des abeilles. On connaît mal la façon dont les abeilles sélectionnent les fleurs et se déplacent entre elles. En les comprenant mieux, et en permettant de décrypter le comportement de ces insectes pollinisateurs, des recommandations pourront être émises afin de mieux de les protéger.
Une expérimentation pédagogique inédite baptisée « Abeilles – Biodiversité » est menée au lycée Julliot de la Morandière à Granville (Normandie) en collaboration avec un chercheur du CNRS afin de mieux appréhender le problème du déclin des abeilles.
Depuis une trentaine d’années, le déclin des insectes polinisateurs dans les pays industrialisés génère de grandes inquiétudes pour l’avenir de la production alimentaire et l’équilibre de la vie humaine, animale et végétale. Bien que les causes de ce déclin (pesticides, polluants, prédateurs, parasites et pathogènes, malnutrition) aient été identifiées depuis longtemps, leur mode d’action sur les abeilles reste, quant à lui, moins connu.
Avec le retour du printemps, les abeilles devraient être en pleine activité et récolter pollen et nectar à profusion. Mais cette année, de très nombreux apiculteurs sont privés de cette chance car ils déplorent des mortalités désastreuses de leurs abeilles.
Depuis plusieurs semaines, l’Union Nationale de l’Apiculture Française (UNA) reçoit des appels d’apiculteurs de différentes régions françaises rapportant des mortalités anormales de leurs colonies en sortie d’hiver. En Dordogne, ce sont près de 2500 colonies qui ont été recensées comme mortes. En Charente-Maritime, les apiculteurs rapportent une situation catastrophique. Les apiculteurs bretons sont également victimes de phénomènes de mortalités inexpliquées de grande ampleur. Dans l’Aisne, la situation est critique. Certains départements comme la Creuse ou le Doubs déplorent des mortalités importantes, mais seulement en zone de grandes cultures. Pour toutes les régions concernées, le phénomène n’a épargné aucun type d’apiculteurs. Amateurs, semi-pros ou professionnels… tous sont touchés (Source : UNAF).
Pour mieux appréhender ce problème et proposer des solutions concrètes, il est nécessaire d’étudier plus en détail le comportement des abeilles. Mathieu LIHOREAU, et son équipe de recherche au Centre de recherche sur la cognition animale (CRCA- CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier) à Toulouse, s’intéresse particulièrement au comportement de butinage. Comment une abeille découvre-t-telle une fleur ? Comment choisit-elle de la visiter ? Combien y collecte-t-elle de nectar et de pollen ? Comment et quand décide-t-elle de la revisiter ? Développe-t-elle des circuits entre plusieurs fleurs ? Et comment retourne-t-elle au nid ?
Malgré plus d’un siècle de recherches, ces questions ne sont que partiellement résolues à cause de la difficulté d’étudier le comportement de ces insectes volants dans leur milieu naturel, c’est à dire dans des zones de plusieurs kilomètres carrés, toute la journée et 7 jours sur 7. Plutôt que d’essayer de suivre les abeilles individuellement, les chercheurs ont décidé d’utiliser des fleurs artificielles conçues en 3D qui attireront les abeilles à des endroits choisis, tout en contrôlant leur forme, leurs couleurs, leurs odeurs, ainsi que les quantités de nectar et de pollen qu’elle délivrent. Pour être utile, ce système devra pouvoir reconnaitre les abeilles afin d’enregistrer leur passage, puis se remplir en nectar et/ou en pollen selon un flux désiré.
Dans le cadre d’un projet pédagogique et avec le soutien de La Fondation Dassault Systèmes, des élèves du lycée Julliot de la Morandière de Granville se sont rapprochés de Mathieu LIHOREAU, chercheur du CNRS au CRCA (CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier). Ensemble, ils ont imaginé cette fleur connectée, capable de distribuer du pollen et du nectar en quantité contrôlée. Ainsi, ils entendent attirer les hyménoptères afin de mieux cerner leur fonctionnement en laboratoire.
« Il s’agit avant tout d’un outil pour la recherche. Malgré plusieurs millénaires de domestication et plus d’un siècle de recherches modernes sur le comportement et la cognition de ces insectes, on connaît très mal la façon dont les abeilles sélectionnent les fleurs disponibles dans leur environnement et se déplacent entre elles. Cette fleur « artificielle », placée au milieu de fleurs naturelles, permet d’attirer les abeilles sur une ressource de qualité définie, à un endroit précis et pour une durée voulue. Nous avons donc imaginé un système ressemblant – vaguement – à une fleur, qui délivre des quantités contrôlées de nectar et de pollen artificiels, enregistre les visites des abeilles qui viennent butiner sur la fleur, et les identifient individuellement. À terme, ces fleurs pourront communiquer entre elles pour créer de véritables « champs connectés » » explique le chercheur dans le journal du CNRS.
Avec l’aide de Mathieu LIHOREAU et d’un enseignant, les élèves du lycée vont contribuer au projet scientifique et mettre en œuvre toute la chaîne de production de la fleur : de la modélisation 3D via les logiciels de Dassault Systèmes jusqu’à l’impression 3D. Un prototype existe donc maintenant, il reste maintenant à l’améliorer, c’est-à-dire à le rendre « réplicable » à bas coût, pour une production en série et une utilisation en laboratoire.
« Ce projet a un double intérêt. D’un côté il permet de développer un prototype de dispositif expérimental qui pourra servir à des recherches fondamentales sur la biologie de l’abeille. D’un autre côté, il permet de sensibiliser des élèves qui ne suivent pas forcément un parcours scientifique aux problématiques clés de la biodiversité. » déclare Mathieu Liohreau.
« Grace à la 3D, les élèves ont conçu une fleur connectée qui contribuera à la protection de la biodiversité. Cette expérience leur a également permis d’acquérir des compétences nouvelles : utilisation des mondes virtuels, travail en équipe, collaboration avec des professionnels issus de la recherche et du monde de l’entreprise – qui leur serviront dans leur future carrière professionnelle. Ce sont ces valeurs de partage des compétences et de collaboration au service de la recherche et l’amélioration des contenus pédagogiques grâce aux univers virtuels que La Fondation Dassault Systèmes souhaite promouvoir. », déclare Thibault de Tersant, Président de La Fondation Dassault Systèmes.
« Les élèves ont mis en application toutes les compétences pluridisciplinaires acquises dans leur formation avec un enthousiasme décuplé et pour cause : ils sont passés du statut d’élèves à celui de collaborateurs avec Mathieu Lihoreau, et ont su écouter et répondre à ses besoins », déclare Cyril André, Professeur au Lycée Julliot de la Morandière.
Au-delà des résultats scientifiques, les élèves ont pris conscience de l’utilité de tous les enseignements (technologie, observation du monde floral, découverte du monde apicole…). Passionnés par ce challenge, ils ont conçu sur un logiciel 3D un prototype opérationnel. Un tel programme stimule l’esprit créatif et amène à l’innovation. Grâce à l’apport technologique et financier de La Fondation Dassault Systèmes et en s’appuyant sur les univers virtuels, les élèves et chercheurs peuvent tester le réel et ainsi concevoir leur projet.
Un tel projet devrait sensibiliser les plus jeunes aux problématiques environnementales… Pour Mathieu Lihoreau, « Les démarches de science participative sont en plein développement. Pour nous, ces projets sont intéressants à plusieurs titres. D’une part, ils permettent de mobiliser une force de travail conséquente constituée de personnes qui ont souvent un regard éclairant, extérieur au monde académique. D’autre part, ils permettent de sensibiliser un large public sur nos thématiques de recherches, parfois sociales, comme ici le problème du déclin des insectes pollinisateurs. Pour cette expérience de fleur connectée, les élèves se sont impliqués au-delà des attentes de leurs enseignants : ils ont même présenté leur projet aux Olympiades des métiers de Caen en avril dernier. Plusieurs d’entre eux ont découvert le monde des abeilles et la problématique liée à leur déclin, des thématiques pas forcément abordées dans les filières techniques… De plus en plus, nous avons recours à cette démarche participative. Avec mes collègues, nous avons lancé d’autres projets de plus grande envergure comme EuroFrelon 2017 (link is external), qui sollicite l’aide des amateurs pour piéger des frelons asiatiques dans leurs jardins ou ruchers à travers toute l’Europe. Ceci afin de mieux comprendre l’invasion très rapide de ce prédateur dont l’introduction remonte à 2004, dans le sud de la France. Je suis convaincu que les sciences participatives peuvent largement contribuer à servir la recherche… » (Source : Journal du CNRS).
Pour aller plus loin :
– Rassemblement le jeudi 7 juin à 10h sur l’Esplanade des Invalides, à l’initiative de Générations Futures : journée de mobilisation nationale pour demander à l’État et au Président de la République en particulier de déclencher de toute urgence un plan de soutien exceptionnel aux apiculteurs français ; de restaurer un environnement viable pour les colonies d’abeilles et les pollinisateurs.
– Livre « A l’écoute des insectes – Les voix de l’infiniment petit » de Joanne Elizabeth Lauck – Edition Le Souffle d’or, février 2018
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