Chaque jour le compteur des personnes contaminées et des décès dus au coronavirus passe un cap. La Chine est la région du monde la plus touchée et de loin, malgré les mesures exceptionnelles que le pays a déployées. Des mesures draconiennes d’enfermement de dizaines de millions de personnes dans des zones de quarantaine. Des mesures faisant appel aux moyens de reconnaissance des personnes, de délation numérique, de divulgation de données personnelles qui font prendre à la traque au coronavirus des allures orwelliennes. Ces mesures seraient-elles applicables dans un pays démocratique comme la France ? Sont-elles le passage obligé d’une action efficace pour enrayer la pandémie ? Le professeur d’éthique médicale Emmanuel Hirsch nous apporte son éclairage.
En Chine, officiellement 1 380 victimes du coronavirus Covid-19 (anciennement 2019-nCov) sont dénombrées à ce jour, pour 60 564 personnes infectées, dont plus de 60 000 en Chine. Pour mémoire, en 2002-2003 le SRAS avait provoqué 774 morts dans le monde.
L’OMS considère la menace épidémique liée à ce nouveau coronavirus comme une urgence de santé publique de portée internationale, cependant rien ne nous indique que la situation en Chine préfigure ce à quoi d’autres pays pourraient être confrontés. En France en particulier, aucun indicateur public ne justifie aujourd’hui d’amplifier le sentiment d’inquiétude.
Il n’en faut pas moins s’interroger sur la façon dont une pandémie pourrait impacter durablement la vie au quotidien, désorganiser la société, bouleverser les repères et les équilibres, accentuer les circonstances de vulnérabilité.
Notre société serait-elle prête à assumer les conséquences d’une telle situation, au même titre que d’autres risques majeurs ? Quels dispositifs permettraient de les anticiper ? Ne manque-t-il pas une dimension sociétale aux mesures prescrites dans « le plan de lutte » placé sous l’autorité du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale ?
La sécurité sanitaire n’est pas uniquement une affaire d’experts
En 2009, l’épisode de la grippe A(H1N1) de 2009, causé par un nouveau virus contre lequel l’immunité de la population mondiale s’était avérée particulièrement limitée, avait suscité des difficultés de gestion pour les autorités sanitaires. Plusieurs rapports parlementaires y sont consacrés, dont celui de la Commission d’enquête sénatoriale sur la grippe A du 29 juillet 2010 « La grippe A (H1N1) : Retours sur “la première pandémie du XXIe siècle” ».
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À l’époque, Patrick Lagadec, spécialiste des crises non conventionnelles estimait qu’il allait falloir, dans les années suivantes :
« clarifier les défis inédits des crises désormais à l’ordre du jour et qui nous présenteront ces objets aux formes indéfinissables, sujets à mutations potentiellement rapides, se diffractant sur toutes les dimensions du scientifique à l’éthique, du logistique au géostratégique, du local à l’universel .»
Dix ans plus tard qui peut affirmer que cette préconisation ait été intégrée aux processus décisionnels ? Certes, l’épisode du H1N1 a conduit à des retours d’expérience, et une crise sanitaire comme celle liée au coronavirus Covid-19 est aujourd’hui anticipée dans le cadre de plans de préparation minutieusement élaborés.
Cependant, la déstabilisation planétaire que produit ce type de crise semble avoir principalement été prise en compte à travers des dispositifs épidémiologiques censés être protecteurs, tels que les contrôles sanitaires et la fermeture des frontières.
Or ces dispositions ont un impact dont la mesure ne peut être prise que progressivement, en particulier sur les territoires où l’épidémie est la plus diffuse : défiances suscitées par leur mise en œuvre, sentiment de peur, tentation au repliement sur soi, risques d’instabilité politique et de désordres, accentuation des vulnérabilités, entrave à la circulation des personnes et aux échanges économiques, conséquences sur les équilibres financiers mondiaux…
Renforcer la solidarité
« D’un point de vue de santé publique, nous savons que la protection des autres est la meilleure des barrières pour se protéger. »
Ce rappel de la Société française de santé publique, formulé en 2009, demeure actuel. Tout comme le reste du propos :
« Les épreuves peuvent rapprocher comme elles peuvent creuser encore plus les fossés. Il convient de jeter, d’ores et déjà, les bases de la solidarité dans la cellule familiale, entre voisins, en entreprise et entre pays aux caractéristiques similaires au nôtre, mais aussi avec les pays aux faibles ressources en santé. »
En effet, il ne faut pas oublier que la diffusion d’un virus génère un sentiment paradoxal à l’égard de l’autre : si la vulnérabilité que nous partageons avec lui nous rapproche, le fait qu’il soit un porteur potentiel de l’agent contaminant peut générer de la défiance à son égard voire des discriminations.
Un point que souligne également la Société française de santé publique :
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« Si la solidarité a un sens et un intérêt vital, en pareilles circonstances, elle ne saurait être que la plus élargie possible. Dans cet esprit, la sécurité sanitaire n’est pas uniquement une affaire d’experts, elle entre également dans une démarche de démocratie sanitaire. »
Il nous est nécessaire de lutter ensemble pour parvenir à faire face à la menace, ce qui engage à une approche politique et géopolitique des stratégies impliquant les diverses composantes de nos sociétés.
Actuellement, l’expertise sollicitée est celle des responsables de la sécurité et de la vie publique, des scientifiques ainsi que des professionnels de santé. On ne peut qu’apprécier l’accompagnement des informations avec discernement, pondération et souci de sollicitude. En serait-il autrement si les circonstances, un jour ou l’autre, justifiaient des mesures contraignantes, voire autoritaires, ayant un impact sur l’ensemble de la population ?
Qu’en serait-il si son implication devait s’imposer autrement que dans le contexte rassurant d’un discours qui donne à penser que la situation est sous contrôle, que des mesures proportionnées et de simple bienveillance préserveront sans le moindre obstacle ce climat de sérénité ?
L’exemple du SRAS au Canada
Le 13 mars 2003 débutait au Canada la crise sanitaire liée au syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS). Un rapport du Comité consultatif national sur le SRAS et la Santé publique canadien analysa les conditions d’élaboration du processus décisionnel, dans un contexte d’incertitude et de controverses publiques. On peut notamment y lire que :
« L’épidémie de SRAS a provoqué un certain nombre de problèmes d’éthique. Les décideurs ont dû faire la part entre les libertés personnelles et le bien commun, les craintes pour la sécurité personnelle et l’obligation de traiter les malades et les pertes économiques et la nécessité de contenir la propagation d’une maladie mortelle. Des décisions ont souvent été prises en ne disposant que d’une information limitée et dans des délais très courts. »
Nous pourrions, un jour ou l’autre, être confrontés aux dilemmes de décisions complexes qu’il conviendrait d’arbitrer dans l’urgence. Leurs conséquences pourraient s’avérer redoutables du point de vue des valeurs de notre démocratie et de l’exercice de nos responsabilités politiques. Nous sommes-nous préparés à cet autre défi auquel nous exposerait une crise sanitaire d’ampleur ?
L’importance d’arbitrages justes et non-discriminants
En démocratie, l’acceptabilité sociale et l’ordre public sont conditionnés par la rigueur des arbitrages, leur justification notamment en termes de justice et de non-discrimination, une exigence de loyauté et d’intégrité. Il nous faut être assurés que l’intérêt supérieur du pays dans la gestion sécuritaire de la crise ne suscite pas une défiance, voire une dissidence qui ajouterait une crise politique à la crise sanitaire.
Ceci est particulièrement important dans le contexte actuel. La France vit en effet depuis deux ans les circonstances de mouvements sociaux qui ont surpris non seulement par leur violence, mais surtout en ce qu’ils révèlent de ressentiments à l’égard des légitimités des autorités et même de l’État. Faits, discours ou expertises sont souvent contestés, voire révoqués, notamment sur les réseaux sociaux. Les enjeux de crédibilité et de recevabilité du discours public s’avèrent déterminants.
Ces considérations constituent autant de données peu maîtrisables, au même titre que la dérégulation des rapports entre les nations en des termes géopolitiques.
La menace pandémique peut, certes, susciter des solidarités autres que dans le partage des connaissances et des moyens entre scientifiques, mais sans pour autant atténuer la tentation du repliement, voire de dissidence et de positions réfractaires au bien commun.
La commission d’enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A (H1N1), en 2009, avertissait par exemple que :
« La défiance à l’égard de la vaccination constitue un défi pour l’avenir. Demain, il nous faudra peut-être faire face à une nouvelle pandémie à la gravité plus sévère. La mobilisation du corps social sera alors indispensable. Comment ferons-nous si l’on ne croit plus aux mesures de santé publique ? C’est dès aujourd’hui qu’il nous faut convaincre, expliquer et, s’il le faut, contre-argumenter. »
Le retour d’expériences de 2009 a-t-il fait l’objet d’initiatives publiques, d’approches anticipatrices comme le préconisait en juillet 2010 ?
Rien n’est moins sûr.
Une prescription encore trop verticale
Depuis 2004 notre pays a adapté son plan de lutte contre la pandémie de grippe : il constitue en quelque sorte la feuille de route dans l’organisation de la gestion par les pouvoirs publics du coronavirus 2019-nCov. Les conditions de gestion actuelles attestent du bien-fondé de ses préconisations.
Cependant, en dépit d’une précision administrative dans la rédaction de fiches pratiques adaptées à la multiplicité des circonstances anticipées, parviendra-t-on, comme l’objectif en est fixé, à maintenir « […] un consensus social autour de principes éthiques » et « […] un lien de confiance fort entre les autorités gouvernementales et la population » ?
S’il convenait de viser un consensus, il n’est pas certain que la position adoptée par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale en 2011 dans son « Plan national de prévention et de lutte “Pandémie grippale” » tienne compte de la nécessité d’associer les différentes composantes de la société aux décisions. L’effectivité de ces dernières dépendra néanmoins pour beaucoup d’une compréhension, d’une acceptation et d’une appropriation de leur mode opératoire. Le souci d’implication de la société dans le cadre d’un rapport de confiance établi sur des règles transparentes a-t-il été identifié et pris en compte ?
Certes, le principe a été choisi de « permettre à chacun de consulter librement le plan ». Mais est-ce avec une prescription verticale, du haut vers le bas, qu’on mobilise une société atomisée et composée d’individualités qui ne sont pas toujours sensibilisées aux impératifs du bien commun ?
Cette approche apparaît quelque peu déphasée dans un contexte de conflit des expertises, de contestation de la parole publique et d’expression forte d’un besoin de médiations et de concertations dans les processus décisionnels.
Un consensus basé sur des valeurs éthiques partagées est indispensable
Si les impératifs de défense et de sécurité nationale s’imposent de manière évidente, la recherche du consensus procéderait aussi d’une réflexion en sciences humaines et sociales dont on ignore quelles instances et compétences l’auraient favorisée ces dernières années.
L’adhésion de tous à des choix qui seraient contraignants tient certes à la qualité d’explications claires et pertinentes, mais également aux conditions de mise en œuvre de procédures expérimentées, respectueuse des engagements pris, soucieuses du droit des personnes, notamment en situation de vulnérabilité. C’est la démarche adoptée dans la préparation de la société aux risques d’actions terroristes.
Après les attentats de janvier 2015, le CNRS s’est engagé dans une stratégie de recherche en sciences humaines et sociales d’un grand intérêt, par sa contribution à l’analyse des phénomènes et à la production de données scientifiques utiles aux politiques publiques. Apparemment, rien de comparable n’a été soutenu dans la préparation à une crise sanitaire.
En juillet 2007, l’Espace éthique/AP-HP avait pris l’initiative d’adresser une saisine au Comité consultatif national d’éthique (CCNE) concernant les questions éthiques soulevées par une possible pandémie grippale. Cette saisine avait abouti à la publication de l’avis n°106 du 5 février 2009 dans lequel le CCNE soutient qu’une pandémie grave « peut exiger des priorités d’accès aux moyens sanitaires, un effort de solidarité, un engagement des professionnels les plus exposés. Un consensus sur des valeurs éthiques partagées est indispensable pour préserver la cohésion de la société. »
Quelques jours plus tard, le 20 février 2009, le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale reprenait presque mot à mot cette préconisation dans son « Plan national de prévention et de lutte “Pandémie grippale” ».
Cependant, dans les faits, aucune instance dédiée à l’approfondissement des aspects sociétaux d’une crise sanitaire n’est à ce jour officiellement investie d’une mission dont l’opportunité s’imposait pourtant.
Un « Comité d’initiative et de vigilance civiques » resté virtuel
Certes, Xavier Bertrand, en tant que ministre de la Santé et des Solidarités, avait souhaité la création d’un Comité d’initiative et de vigilance civiques sur une pandémie grippale et les autres crises sanitaires exceptionnelles. Le décret n° 2006-1581 du 12 décembre 2006 en fixe même les missions, précisant dans son article 1 qu’il est chargé :
« […] de proposer au Gouvernement toute action pouvant améliorer l’appropriation par la population des mesures de prévention et de lutte contre la pandémie grippale et autres crises sanitaires exceptionnelles et de contribuer à renforcer la mobilisation de la population dans la perspective d’une telle pandémie. »
Cependant, bien qu’évoquée dans certains documents officiels comme une référence, cette structure est, semble-t-il, restée virtuelle.
Xavier Bertrand avait également constitué un comité de pilotage « éthique et pandémie grippale » placé sous l’autorité du délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire. En mars 2007, il a été mis un terme à ses travaux. Les fonctions de ce comité auraient pourtant pu être transférées au Conseil national du sida et des hépatites. Créé en 1989 lors de l’épidémie de VIH et étendu aux hépatites virales en 2015, la qualité des travaux et la représentativité des membres de cette structure auraient pu justifier de lui confier cette mission.
Le second plan gouvernemental de prévention et de lutte « pandémie grippale » du 6 janvier 2006 occultait totalement les enjeux éthiques et sociétaux. Je suis alors intervenu publiquement à deux reprises, dans un contexte pour le moins indifférent, afin de susciter de la part des responsables politiques la prise en compte d’aspects sociopolitiques indispensables à la cohérence du dispositif et à la recevabilité des mesures préconisées.
Trois ans plus tard, le 8 septembre 2009, nous lancions avec le journaliste Éric Favereau un manifeste largement soutenu. Publié dans le quotidien Libération, il était intitulé « Notre souci, préserver la démocratie ».
Les choses semblent différentes aujourd’hui, puisque le plan actuel admet la pertinence de cette démarche. Reste maintenant à l’initier et à lui accorder une expression publique, ne serait-ce que pour contribuer à la responsabilisation de chacun et au partage de décisions qui concernent la vie démocratique.
Contribuer à une sensibilisation mesurée et pertinente de la société
La loi du 5 mars 2007 relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur, détaille les moyens et les procédures notamment avec l’intervention du corps de réserve sanitaire.
Les stratégies retenues sont mises en œuvre par des instances telles que le Centre opérationnel de réception et de régulation des urgences sanitaires et sociales (CORRUSS) et l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (ÉPRUS) dont l’expertise est reconnue.
D’un point de vue organisationnel, rien ne permet de douter aujourd’hui de la pertinence des choix et de l’effectivité des mesures. Nous en sommes les témoins en France ces dernières semaines. Néanmoins, rien ne devrait inciter à négliger l’éventualité d’une mobilisation sociale autre qu’à travers une information, aussi opportune et maîtrisée soit-elle.
D’autres expertises que celles de scientifiques compétents dans les champs du biomédical devraient nécessairement contribuer à la pertinence, à l’adaptabilité et à la recevabilité du discours public.
Publié en 2009, l’ouvrage collectif que j’ai dirigé à la suite de concertations et de colloques – Pandémie grippale : l’ordre de mobilisation – restitue la diversité d’expertises en sciences humaines et sociales à mobiliser. Si nos réflexions demeurent toujours actuelles, elles devraient pourtant être approfondies dans un cadre universitaire propice à ces recherches. En 2009, il convenait pour nous à la fois :
-
d’identifier et de faire reconnaître les aspects humains et sociaux à prendre en considération dans l’élaboration des stratégies de lutte contre une pandémie ;
-
d’interroger les valeurs à mobiliser dans un contexte de crise sociétale ;
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de renforcer l’exigence de responsabilisation et de justice dans la gestion d’une crise de portée internationale ;
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de mieux caractériser les vulnérabilités accentuées dans un contexte de pandémie afin de prévenir les différentes formes de discriminations ou de négligences ;
-
de réfléchir avec les professionnels les plus engagés sur le front de la lutte aux conditions de leurs pratiques notamment du point de vue des arbitrages nécessaires.
Les sciences sociales peuvent contribuer à éclairer les décideurs publics en enrichissant les analyses par leurs expertises fondées sur des recherches disponibles et d’autres à développer.
Constituer des réseaux de terrain, soutenir la recherche/action : l’exemple de la lutte contre le sida
Les phénomènes de peur, de violences et de discriminations se renforcent à mesure que progressent les sentiments de menace, d’insécurité, d’impuissance à agir, mais également l’impression de dissimulation des faits, voire d’impréparation dans un contexte favorable à l’amplification des controverses. Il s’agit là de considérations qui imposent des pratiques concertées.
Lorsque, dans les années 1980, la pandémie de sida a émergé, il est apparu évident que la lutte contre le VIH ne serait efficace et tenable que si chacun y était associé et en saisissait les enjeux.
Outre la mobilisation associative exemplaire, à l’époque une des innovations majeures de l’Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS) aura été de soutenir une recherche/action remarquable dans le champ des sciences humaines et sociales.
C’est ainsi, par une intelligence du réel, que s’est constitué un rapport de confiance entre la société, les experts et les responsables de la santé publique, indispensable à la mise en œuvre des politiques publiques en termes d’information, de prévention, d’accès aux soins et de solidarités pratiques.
La constitution de réseaux de solidarité au plus près des réalités de terrain permet en effet de préserver les liens sociaux et la cohésion nécessaire à une action concertée. À cet égard, la réserve sanitaire qui a été instituée en 2007 suite à l’épisode de chikungunya à la Réunion représenterait aujourd’hui une capacité d’initiative nécessaire. Elle est en effet constituée de professionnels de santé volontaires pouvant être mobilisés par l’État très rapidement, lors d’une situation sanitaire exceptionnelle.
Sensibiliser la société aux risques
Pour des raisons qui pourraient être expliquées, nous avons manqué le temps d’une concertation nationale permettant de sensibiliser à des risques qui, on le sait, ne se limitent pas aux menaces virales. Ces questions se poseraient en effet tout autant si demain nous étions confrontés à une situation de crise d’une autre nature : nucléaire, radiologique, bactériologique ou chimique (NRBC).
De tels défis doivent être envisagés d’un point de vue politique et s’accompagner d’une concertation démocratique. Certes, dans le cadre de la crise actuelle liée au Covid-19, la réponse des pouvoirs publics, adaptée avec justesse au jour le jour, ne semble pas susciter la moindre défiance. Il ne serait cependant pas sage de donner à croire que l’on maîtriserait ainsi, en toutes circonstances, une crise sanitaire dont personne ne peut ignorer ou dissimuler la menace.
N’est-il pas dès lors justifié, ne serait-ce que parce que la communication semble aujourd’hui parfaitement maîtrisée et apaisée par des données actuellement rassurantes, d’envisager une sensibilisation mesurée, pertinente de notre société aux réalités d’un risque sanitaire majeur ?
Elle s’y préparerait ainsi de manière responsable, contribuant à penser ensemble, dans le cadre d’une concertation publique, les principes et les valeurs à affirmer et à défendre dans une lutte qui doit être assumée en démocrates. Souvenons-nous que dans son étymologie, une pandémie concerne « le peuple tout entier ».
Emmanuel Hirsch, Professeur d’éthique médicale, Université Paris-Saclay
Cet article est republié à partir de The Conversation, partenaire éditorial de UP’ Magazine. Lire l’article original.