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Climat qui s’emballe, épidémie pandémique, effondrement annoncé… Ça va le moral ?

Climat qui s’emballe, épidémie pandémique, effondrement annoncé… Ça va le moral ?

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L’épidémie de coronavirus qui sévit en Chine et maintenant un peu partout dans le monde s’ajoute depuis quelques semaines à la longue liste mise à jour quotidiennement de catastrophes et prévisions de catastrophes : sécheresse, effondrement de la biodiversité, risques alimentaires, pollutions en tous genres… Autant de nouvelles qui sapent le moral si ce n’est la santé mentale, au point même qu’un nouveau mot à la mode se répand dans les médias : solastalgie, pour désigner ce mal être pathologique lié aux changements environnementaux et aux peurs eschatologiques contemporaines.

Les risques climatique, environnementaux et sanitaires affectent aussi la santé mentale. Par exemple, la dépression et le syndrome de stress post-traumatique ont été signalés après des tempêtes aux États-Unis, des inondations au Royaume-Uni et des vagues caniculaires en France. Des cas de détresse existentielle ont été signalés pendant la sécheresse et les feux en Australie, une augmentation de l’abus de drogues après les tempêtes aux États-Unis et une mauvaise santé mentale en raison des changements climatiques au Canada (par exemple, la perte de la glace de mer a inhibé des pratiques culturelles comme la chasse et la pêche, entraînant des vagues de dépression chez les Inuits). Aujourd’hui, c’est l’épidémie de coronavirus qui ravive des peurs anciennes, archétypales, tout en les mettant dans la lumière de la peur de la mondialisation. Des peurs anciennes aussi vis-à-vis des animaux et des nouveaux pathogènes qu’ils apportent dans nos villes à cause des transformations que la déforestation et l’élevage industriel ont produit sur leurs habitats.  

Des troubles que les psychologues et psychiatres observent dans tous les pays du monde. À tel point qu’un mot-concept forgé en 2003 par le philosophe australien Glenn Albrecht revient à la mode : solastalgie, pour désigner un mal être existentiel lié aux changements de l’environnement et à notre impuissance à enrayer le processus. Un trouble qui se traduit par différents symptômes pouvant aller jusqu’à de profondes dépressions voire au suicide.

Détresse écologique

Alors que la communauté scientifique préfigure un possible effondrement des écosystèmes, de nombreux citoyens s’inquiètent de ne pas voir les politiques prendre la menace au sérieux. Pour certains d’entre eux, la crise écologique provoque une véritable détresse, oscillant entre l’angoisse et la colère. Et la mise en œuvre d’actions radicales ou, comme le mouvement Extinction Rébellion, prônant la désobéissance civile

Dans son ouvrage Earth Emotions, dont la traduction française paraît en ce moment aux éditions Les Liens qui Libèrent, Glenn Albrecht explore ces émotions qui accompagnent les bouleversements environnementaux actuels. Il n’est toutefois pas le seul à se pencher sur ce mal émergent, car l’impact physique des crises environnementales ou sanitaires que nous traversons est impossible à ignorer.

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S’inquiéter pour la planète n’est plus le lot d’une minorité de farfelus hippies qui croient à la fin du monde ou de militants convaincus de la décroissanceCar s’inquiéter pour la planète n’est plus le lot d’une minorité de farfelus hippies qui croient à la fin du monde ou de militants convaincus de la décroissance. L’éco-anxiété touche tout le monde et plus particulièrement les individus issus de classes sociales supérieures et éduquées. De mieux en mieux informés, ils ont conscience des changements qu’ils devront opérer tôt ou tard dans leurs modes de vie. Ils n’en sont pas encore à se retirer au fin fond de la campagne et à rouler en charrette à cheval comme le prétend l’ancien ministre de l’écologie Yves Cochet. Mais les nouvelles venues du front de la planète ne manquent pas de les atteindre et de saper plus ou moins profondément leurs certitudes si ce n’est leur moral.

Profils éco-anxieux

Fin 2019, une psychologue Charline Schmerber a mené une enquête sur l’éco-anxiété. Elle distingue trois profils d’éco-anxieux : le profil militant, correspondant à ceux qui exercent des métiers en lien avec le développement durable, qui sont en permanence confrontés aux mauvaises nouvelles et qui ont le sentiment que les gens autour d’eux ne s’engagent pas suffisamment. Ceux-là sont souvent atteints de « burn-out écologique » ; ils perdent l’espoir et parfois leur énergie vitale.  

Le deuxième groupe concerne les personnes sensibles à la collapsologie. Ils éprouvent un sentiment d’urgence et cherchent des solutions. Ils se sentent en totale insécurité mais font néanmoins preuve d’une intense énergie pour mettre en œuvre des actions immédiates et parfois radicales pour leur mode de vie.

Le troisième groupe est celui de personnes qui se sentent en décalage avec la société dans laquelle elles vivent. Ce sont eux qui sont le plus sujets à la colère, au refus de l’injustice sociale et à la critique parfois violente de l’inaction des pouvoirs publics.

Besoin d’aide

Les psychologues avertissent que l’impact peut conduire à des pathologies graves pour un nombre croissant de personnes accablées par la réalité scientifique de la dégradation écologique et pour ceux qui ont vécu des événements climatiques traumatisants. Le Dr Patrick Kennedy-Williams, psychologue clinicien d’Oxford, a passé sa carrière à traiter des problèmes de santé mentale courants, notamment l’anxiété, la dépression et les traumatismes. Mais quelque chose de nouveau s’est produit relativement récemment : les climatologues et les chercheurs travaillant à Oxford ont commencé à l’approcher pour lui demander de l’aide.

« Ces personnes étaient essentiellement confrontées à un flot d’informations négatives et à des tendances à la baisse d’énergie dans leur travail … et plus elles s’engageaient dans la question, plus elles réalisaient ce qui devait être fait – et plus elles avaient le sentiment que cela dépassait leur capacité à mettre en œuvre un changement significatif », déclare-t-il dans un entretien au Guardian. « Les conséquences de cette situation peuvent être assez graves – anxiété, épuisement et une sorte de paralysie professionnelle ». Le psychologue entreprend alors de faire des recherches plus approfondies sur le sujet. Il réalise alors que ce n’étaient pas seulement les scientifiques et les chercheurs qui souffraient. « Il y a un énorme besoin chez les parents, par exemple, qui demandent de l’aide pour savoir comment en parler à leurs enfants ».

Le remède à l’anxiété climatique est le même que le remède au changement climatique : l’action.Le médecin se met alors à se concentrer sur les jeunes. Il découvre vite des niveaux inquiétants de stress et d’anxiété liés à l’environnement chez des enfants, même parmi les plus plus jeunes. Il constate aussi qu’il n’y a aucun moyen de protéger complètement les jeunes de la réalité de la crise climatique, et soutient que cela serait contre-productif même si c’était possible. Les parents devraient plutôt parler à leurs enfants de leurs préoccupations et les aider à se sentir habilités à prendre des mesures – aussi minimes soient-elles – qui peuvent faire la différence. « Le point positif, de notre point de vue de psychologues, est que nous avons rapidement réalisé que le remède à l’anxiété climatique est le même que le remède au changement climatique – l’action. Il s’agit de se bouger et de faire quelque chose qui aide. »

Traumatisme aigu

Plus de 1000 psychologues cliniciens ont depuis emboité le pas du Dr Kennedy-Williams ; ils viennent de signer une lettre ouverte soulignant l’impact de la crise climatique sur le bien-être des personnes et prédisant « un traumatisme aigu à l’échelle mondiale en réponse aux événements météorologiques extrêmes, aux migrations forcées et aux conflits ».

Kaaren Knight, une psychologue clinicienne qui a coordonné la lettre affirme que la peur et les traumatismes « réduisaient considérablement le bien-être psychologique », en particulier chez les enfants. « Cela nous préoccupe énormément et doit faire partie de la conversation lorsque nous parlons de la dégradation du climat ».

L’inaction et la complaisance sont les privilèges d’hierL’un des principaux signataires de la lettre, le professeur Mike Wang, président de l’Association des psychologues cliniques du Royaume-Uni, affirme « L’inaction et la complaisance sont les privilèges d’hier … Les psychologues sont prêts et disposés à aider les pays à protéger la santé et le bien-être de leurs citoyens compte tenu des conséquences sociales et psychologiques inévitables du changement climatique ».

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Ce ralliement de la profession psychologique autour de la crise climatique a conduit les experts du monde entier à former des groupes pour rechercher et traiter le nombre croissant de personnes prises dans la crise en cours, en essayant de les aider à passer de la peur et de la paralysie, à l’action.

« En France, nous sommes en retard. Peut-être parce que nous sommes dans le déni. » affirme Charline Schmerber à nos confrères de Reporterre.  Un déni qui touche aussi bien le grand public que les psychologues, bien démunis face à ces nouveaux cas et réduisant parfois l’éco-anxiété à des problèmes personnels, familiaux, à des névroses d’enfance.

Solo but not alone

Les experts sont de plus en plus préoccupés par une conséquence de l’escalade de l’urgence : la pression qu’elle exerce sur le bien-être mental des gens et en particulier celui des jeunes. Des centaines de milliers d’entre eux, partout dans le monde, suivent l’exemple de Greta Thunberg, devenue l’égérie de toute une génération qui ne veut plus rester muette face au monde qui vient. Des jeunes qui s’investissent et font campagne pour convaincre les adultes d’agir et d’engager des solutions contre la crise climatique. Car le meilleur moyen de lutter contre l’éco-anxiété, c’est d’agir.

Les jeunes le font en défilant dans les rues, en faisant la grève de l’école, en brandissant des pancartes, en ramassant des déchets sur les plages, en changeant leurs comportements alimentaires. Ils le font en groupes massifs, impressionnants, qui martèlent leurs slogans pour la planète.

Mais certains jeunes sont seuls, isolés dans leur village. Ils ne se sentent pas pour autant condamnés à l’inaction. Seuls, ils brandissent leur pancarte et manifestent au coin d’une rue. A une personne, qu’il est difficile de faire démarrer une manifestation ou une grève !

Eh bien certains jeunes y parviennent. Leur conviction chevillée au corps, ils vont au combat pour la planète. Mais sous le regard d’autres jeunes, isolés eux-aussi, ailleurs, au bout du monde. Ils ont formé un nouveau réseau, Solo but not Alone, sur Twitter. Ils y publient leur manifestation solitaire et sont relayés par les autres. Le mouvement est en train de grandir. Il traduit un immense besoin d’agir, pour ne pas sombrer.

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