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Quand la nature inspire et fait progresser la technologie

Quand la nature inspire et fait progresser la technologie

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« Apprenez de la nature et vous y trouverez votre avenir » : comme Léonard de Vinci, créateur d’un engin volant reproduisant le vol des oiseaux, nombre de scientifiques et d’ingénieurs continuent de s’inspirer de la nature pour alimenter les innovations technologiques. L’année 2023 a été un bon cru en la matière.

S’inspirer de la nature plutôt que l’asservir. N’y-a-t-il pas mot d’ordre plus sensé ? Depuis l’Antiquité les hommes ont observé la nature pour s’en inspirer. A la Renaissance, le grand Léonard incitait ses contemporains à prendre les leçons de la nature car c’est là qu’est notre futur. Aujourd’hui, avec notre langage industriel, nous découvrons que la nature, c’est 3.8 milliards d’années de R&D. C’est un réservoir d’inventions plus géniales les unes que les autres, fruits de séries d’essais-erreurs et d’une sélection rigoureuse.  Mais c’est là que le bât commence à blesser. Car s’inspirer de la nature, ce n’est pas seulement un moyen d’enrichir le tissu industriel de nouvelles trouvailles, d’y puiser sans vergogne comme nous l’avons déjà fait, jusqu’à l’épuiser. C’est avant tout une philosophie, un mode d’action et de pensée. Car la nature ce n’est pas seulement un modèle que l’on peut copier. Ce doit être aussi un étalon et un maître.

« La créativité humaine est peut-être fascinante, mais elle ne peut pas atteindre la robustesse de la nature », explique Evripidis Gkanias, chercheur à l’université d’Edimbourg. Comme ce scientifique, qui étudie la manière dont l’intelligence artificielle peut être enrichie par le vivant, nombre de progrès technologiques mis au point en 2023 s’inspirent directement de solutions déjà présentes dans la nature.

Les insectes-boussoles

Certains insectes, comme les fourmis et les abeilles, s’orientent en fonction de l’intensité de la lumière, utilisant la position du soleil comme point de référence. Des chercheurs ont reproduit la structure de leurs yeux pour construire un nouveau type de boussole, qui contrairement aux modèles traditionnels basés sur le champ magnétique terrestre, est insensible aux perturbations électroniques.

Ce prototype est capable d’estimer la position du soleil dans le ciel, même par temps nuageux. Il « fonctionne déjà très bien, et avec un financement approprié, cela pourrait facilement être transformé en un produit plus compact et plus léger”, explique M. Gkanias, qui a présenté ce concept dans Communications Engineering.

La toile d’araignée contre la sécheresse

Qui n’a jamais admiré les minuscules perles de rosée matinale accrochées aux filaments des toiles d’araignées ? S’inspirant de cela, des scientifiques ont mis au point un tissu répliquant les fils de soie secrétés par les arachnides et capable comme eux de retenir la moindre gouttelette d’eau en suspension dans l’air. Une innovation qui pourrait jouer un rôle important dans les régions souffrant de pénuries d’eau.

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Une fois ce matériau produit à grande échelle, l’eau récoltée pourrait atteindre une « échelle considérable pour une application réelle », a déclaré à l’AFP Yongmei Zheng, coautrice de l’étude publiée dans Advanced Functional Materials.

De la vigne à la lutte anti-incendies

Des chercheurs de l’Université de Californie ont créé un robot à structure molle et gonflable qui, à l’image des vignes, « grandit » dans le sens de la lumière ou de la chaleur et peut se faufiler dans les endroits en apparence les plus inaccessibles.

Ces robots tubulaires d’environ deux mètres de long pourraient, à terme, être utilisés pour repérer les points chauds et apporter des solutions d’extinctions, estiment les scientifiques. « Ces robots sont lents, mais cela convient pour lutter contre les feux couvants, comme les feux de tourbe, qui peuvent être une source majeure d’émissions de carbone », a déclaré à l’AFP le coauteur Charles Xiao.

Du kombucha aux circuits imprimés

Des scientifiques du Laboratoire d’informatique non conventionnelle de l’Université de Bristol ont inventé des circuits électroniques flexibles à partir d’un tapis de cultures bactériennes, notamment utilisées pour fabriquer le kombucha, une boisson issue de l’oxydation des feuilles de thé noir. Ces « kombucha électroniques » sont capables de servir à éclairer de petites lumières LED.

Ces tapis de cultures bactériennes, une fois séchés, partagent les propriétés des textiles ou même du cuir. Mais ils sont durables et biodégradables, et peuvent même être immergés dans l’eau pendant des jours sans être détruits, précisent les auteurs.

Portables, plus légers, plus flexibles et moins chers que le plastique, ces biomatériaux pourraient à l’avenir permettre d’intégrer des technologies de manière plus discrète y compris jusque dans le corps humain, comme pour les moniteurs cardiaques, estime auprès de l’AFP l’auteur principal Andrew Adamatzky et le directeur du laboratoire. Seuls obstacles pour le moment : leur durabilité et la mise en place d’une production de masse.

Robots en écaille

Les pangolins, mammifères au corps mou recouvert d’écailles, ont la propriété de pouvoir se mettre en boule pour se protéger des prédateurs. Selon une étude publiée dans Nature Communications, un minuscule robot pourrait adopter cette même conception pour sauver des vies.

Destiné à rouler dans notre tube digestif avant de s’y déployer, il pourrait administrer des médicaments ou arrêter des hémorragies internes dans des parties du corps humain difficiles d’accès. « Chaque partie d’un animal a une fonction particulière. C’est très élégant », dit Ren Hao Soon, du Max Planck Institute for Intelligent Systems.

La nature comme trésor

Si s’inspirer de la nature consistait à chercher à fabriquer la dernière puce électronique, le drone imitant si parfaitement l’abeille ou le revêtement hyper adhésif… le biomimétisme ne serait qu’un moyen parmi d’autres d’alimenter les fleuves d’innovations qui tendent à nous submerger. L’inspiration de la nature deviendrait une sorte de label, dans lequel les marketeurs habiles ne manqueraient d’y voir un bon filon. Ce biomimétisme ne reviendrait qu’à un mot, galvaudé, porté par ses grands gourous du marché. On s’extasierait de s’inspirer de l’œil d’une mouche pour fabriquer la dernière caméra à la mode, ou de l’habillage du caméléon pour nous proposer voitures ou fards à paupières multicolores. On trouverait dans le vivant un laboratoire formidable pour inventer de nouveaux matériaux, de nouveaux revêtements, des structures alvéolaires hyper-résistantes… Que d’innovations en perspectives à qui saura regarder le vivant de plus près pour le copier-coller.

Mais les choses ne sont pas si simples. Car s’inspirer du vivant prend aujourd’hui, à une époque de prise de conscience de l’épuisement de la nature, du climat, des écosystèmes et de leur diversité, une autre dimension. Nous ne pouvons plus puiser comme dans un réservoir sans fin les richesses que nous offre la nature. La nature ne peut plus être dominée et domestiquée. Si nous cherchons à nous en inspirer, c’est que nous reconnaissons son génie et sa supériorité. Le regard que nous avons sur elle doit changer radicalement.

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Chaque organisme vivant est un trésor de connaissances capable de nous emmener vers des horizons que nous n’imaginons mêmes pas. Chaque écosystème est une bibliothèque de savoirs qui nous sont pour la plupart encore inconnus. Ces trésors, cette diversité de connaissances, nous les ignorons quand nous ne les laissons pas disparaître, parfois dans l’indifférence la plus totale. Or le savoir que nous offre la nature est des plus précieux. Il l’est d’autant plus que l’ingénierie naturelle fonctionne sans recours aux énergies fossiles, sans destruction, en symbiose avec l’environnement et les autres espèces.

Le biomimétisme ne peut servir à nourrir nos fantasmes technologiques. Rester au copier-coller de la nature en conservant nos mêmes modes de production ne fera qu’alimenter le maelstrom d’agitations, de futilités obsolescentes et de pollutions. S’inspirer de la nature, c’est s’inspirer de tous les principes du vivant et revoir de fond en comble nos anciens modèles d’organisation. C’est changer le regard que nous avons sur les autres organismes vivants, c’est faire preuve d’humilité devant la complexité, la durabilité et l’invention de la plus banale des forêts.

Avec AFP

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