« Dansantes, gracieuses, fascinantes, étranges, délicieuses, douloureuses, mortelles, les méduses sont tout cela à la fois. Pour les pêcheurs, ce sont des nuisances potentielles ; pour les nageurs, la crainte d’une piqûre douloureuse, parfois dangereuse » (1). Pourtant, le collagène de méduse s’apprête à révolutionner la culture cellulaire in vitro et la médecine régénérative, grâce aux dernières recherches d’une startup spécialisée en biotechnologie marine.
Constituant l’une des premières formes de vie de la planète, les méduses dérivent sous les flots depuis au moins 500 millions d‘années. Ces beautés gélatineuses continuent de fasciner par leur impressionnante adaptabilité […] C’est ainsi que les présente Lisa-Ann Gershwin, directrice du service d’alerte australien sur les méduses. Travaillant sur l’évolution des organismes gélatineux et leurs proliférations, elle en a découvert plus de 200 espèces nouvelles.
C’est une véritable manne pour l’industrie des biotechnologies qui utilisent les organismes vivants ou des parties de ceux-ci afin de convertir leur matière gélatineuse pour développer des innovations dans les domaines de la culture cellulaire et de la médecine régénérative. Une jeune entreprise britannique basée à Cardiff, spécialisée en biotechnologie marine, lance cette semaine JellaGel, le premier Hydrogel de collagène de méduse purifié, conçu pour la culture cellulaire 3D et l’ingénierie tissulaire.
Parce que considéré comme ne présentant que de très faibles risques allergiques, le collagène a de nombreux usages biomédicaux et paramédicaux. On le trouve notamment dans certaines éponges hémostatiques résorbables (2), mais aussi dans l’univers des cosmétiques. La physiologie unique des méduses fait que leur collagène présente des avantages significatifs par rapport aux matériaux synthétiques et au collagène dérivé des mammifères.
La mise sur le marché de ce nouvel hydrogel de collagène de méduse apporte là une solution nouvelle aux différents défis auxquels sont confrontés les techniciens de laboratoire. Le collagène de méduse constitue la matrice chimique? amont historique de tous les collagènes? et c’est l’une des principales raisons pour lesquelles JellaGel est un hydrogel polyvalent : il a mis au point un procédé de fabrication unique, Jellatech, qui permet aux techniciens de laboratoire de tirer pleinement parti de la physiologie simple des méduses, qui assure la cohérence entre les différents lots industriels procurant ainsi une meilleure reproductibilité des résultats d’un test à l’autre.
Contrairement au collagène dérivé des mammifères, JellaGel ne contient pas de contaminants comme les protéines, les polysaccharides ni surtout de vecteurs de maladies. Il contient également un nombre de miARN non spécifiques significativement plus faible que dans le collagène dérivé des mammifères, ce qui réduit les effets indésirables. Contrairement aux matériaux synthétiques, dont beaucoup sont à base de matériaux fibreux à structure β, le collagène de méduse est bio résorbable et non toxique pour les cellules, de la souche à la lignée.
Le Professeur Andrew Mearns Spragg, pionnier écossais des biotechnologies marines, Directeur Scientifique et fondateur de Jellagen explique à l’occasion du lancement de JellaGel : « La collaboration avec l’équipe du National Physical Laboratory nous a fourni des informations cruciales pour développer cette nouvelle génération de produits. L’un des défis de la commercialisation de ces matériaux consiste à établir des interdépendances reproductibles entre leurs propriétés physico-chimiques et biologiques. Ce travail commun nous a permis de mieux comprendre comment résoudre cette difficulté. JellaGel devrait ainsi améliorer considérablement le développement et l’utilisation de cultures de cellules 3D, du laboratoire de recherche au développement clinique ».
Pour Thomas-Paul Descamps, Directeur Général de Jellagen, il s’agit d’une « innovation importante pour les laboratoires, grâce aux propriétés extraordinaires du collagène de méduse. Le lancement de JellaGel avec notre partenaire Français Clinisciences est une étape majeure dans la vie de notre laboratoire. La mise au point de ce produit démontre aujourd’hui notre savoir-faire dans un domaine très complexe. A l’heure du Brexit? si difficilement compréhensible pour nous Européens, il est rassurant de voir une startup britannique financée pour moitié par des investisseurs hexagonaux et dont une partie de la gouvernance est de nationalité française, s’affranchir des frontières et miser sur le potentiel scientifique très riche de nos deux pays ».
(1) A propos des organismes gélatineux P. 6 du livre « Méduses » de Lisa-Ann Gershwin – Editions Ulmer, 2017
(2) type d’éponges synthétiques composé de matériaux d’origine biologique (biomatériaux), stériles, résorbables par l’organisme.
Image d’en-tête : Photo René Degiovani, 2016 (Creative Commons)